Lipidose hépatique et néphrite chez un dragon barbu d’Australie

CAS CLINIQUE

Anamnèse et commémoratifs

Un dragon barbu d’Australie femelle de six ans (l’espérance de vie est de quinze ans), s’étant déjà reproduit, est présenté en consultation pour une baisse de forme depuis deux semaines, un abattement et une anorexie depuis trois jours. Le propriétaire rapporte une distension abdominale d’apparition progressive ces derniers mois. Les conditions de maintenance sont optimales, si ce n’est peut-être une suralimentation.

Examen clinique

L’animal présente un abattement marqué et une distension abdominale évidente. Une dyspnée intermittente est également notée.

Diagnostic différentiel

L’abattement et l’anorexie sont généralement les premiers symptômes à apparaître chez tout reptile malade, d’où un intérêt diagnostique limité de ces signes. Ce sont les commémoratifs et la distension abdominale qui permettent ici d’orienter le diagnostic. Les hypothèses qui peuvent être formulées à ce stade sont une rétention d’œufs (en phase pré-ovulatoire ou postovulatoire), une masse intra-abdominale (tumeur, abcès) ou une hypertrophie organique (obésité, surcharge hépatique).

Examens complémentaires

→ Une échographie abdominale est réalisée (à l’aide d’une sonde linéaire de 13 MHz et d’une sonde convexe de 5 à 8 MHz). Les hypothèses de rétention d’œufs sont infirmées devant la non-visualisation de l’appareil reproducteur. D’importantes masses graisseuses et un foie visiblement hypertrophié et hyperéchogène sont observés. Les résultats de cette échographie sont fortement en faveur d’une obésité associée à une lipidose hépatique.

→ Une analyse biochimique est effectuée (^{voir tableau}). Les valeurs augmentées de la glycémie sont compatibles avec un diabète sucré, parfois associé à la lipidose hépatique chez ces espèces. La valeur d’albumine n’ayant pas été dosée, il n’est pas possible de conclure sur la valeur des protéines totales, celles-ci sont cependant compatibles avec une inflammation (augmentation des globulines).

→ Le frottis sanguin montre une monocytose, signe d’une inflammation chronique vraisemblablement granulomateuse.

Le diagnostic est celui d’une forte suspicion de lipidose hépatique associée à un diabète sucré et à une inflammation chronique d’origine inconnue.

Traitement

Le plan thérapeutique de gestion d’une lipidose hépatique est mis en place. L’animal est hospitalisé et reçoit un traitement de soutien avec des bains tièdes biquotidiens, des gavages réguliers, une antibiothérapie (enrofloxacine par voie intramusculaire, 10 mg/kg/24 heures) et une supplémentation vitaminique. Face au manque de données concernant le diabète sucré chez ces espèces, aucun traitement particulier n’est effectué pour cette affection.

Évolution

L’animal meurt après trois jours d’hospitalisation. L’autopsie révèle des poches de graisse intracœlomiques de taille augmentée, un foie hypertrophié d’aspect hétérogène et de couleur jaunâtre, ainsi que des reins de petite taille, de consistance molle et d’aspect non symétrique. Une analyse histologique indique une lipidose hépatique marquée associée à une néphrite interstitielle granulomateuse multifocale extensive sévère.

DISCUSSION

Consultation des reptiles

Les reptiles sont des espèces encore peu communes dans les cabinets vétérinaires, et certains praticiens n’osent pas effectuer d’examens complémentaires. Ils sont pourtant souvent indispensables, tant les symptômes visibles à l’examen clinique sont frustes. Il ne faut donc pas hésiter à les pratiquer, d’autant plus que les résultats obtenus deviennent aisément interprétables avec l’expérience.

Lipidose hépatique chez les reptiles

La lipidose hépatique des reptiles ressemble à celle rencontrée chez le chat, mais son origine n’est pas tout à fait identique. En effet, si l’obésité et l’inactivité sont des facteurs favorisants, la lipidose hépatique est liée chez le lézard à la reproduction. Ainsi, les individus les plus touchés sont des femelles âgées, s’étant déjà reproduites pour la plupart, et souvent au moment de leur sortie d’hibernation. Le mécanisme associé est en effet une dérégulation de l’accumulation physiologique de graisses au niveau du foie en prévision de l’hibernation ou pendant l’ovogenèse. Les symptômes sont similaires à ceux du chat, avec une diminution progressive de l’appétit, de l’activité, des troubles digestifs (sans vomissements), une déshydratation et un ictère possible. Aucun cas d’encéphalose hépatique associée n’est encore rapporté.

L’échographie est le premier examen d’orientation (hyperéchogénicité du foie, semblable à celui d’un chat atteint de la même maladie). Les analyses sanguines sont souvent délicates à interpréter, car les enzymes hépatiques habituellement dosées chez les carnivores sont peu informatives chez les reptiles. L’atteinte hépatique est généralement reflétée par une diminution des protéines totales, de l’albumine et de l’acide urique, sans spécificité d’aucun de ces paramètres. Dans le cadre de la lipidose hépatique, le cholestérol et les triglycérides sont souvent élevés, la glycémie dépend de l’existence ou non d’un diabète sucré associé. Cependant, comme chez le chat, seule une biopsie hépatique peut confirmer le diagnostic.

Néphrite chez les reptiles

Dans ce cas, la néphrite n’a pu être diagnostiquée à l’issue des examens complémentaires. Ses symptômes sont peu spécifiques chez les reptiles : ici, la déshydratation, l’abattement, l’anorexie, étaient des signes expliqués par la lipidose hépatique.

Il est difficile de visualiser les reins à l’échographie Quant aux paramètres sanguins, l’acide urique augmente en cas d’insuffisance rénale, mais souvent uniquement lors des derniers stades de la maladie. Chez l’animal présenté, l’insuffisance rénale semblait très avancée selon les résultats de l’examen histologique. Il est donc légitime de se demander si une diminution de la production d’acide urique par le foie, liée à la lipidose hépatique, ne serait pas responsable d’une dissimulation de son augmentation liée à l’insuffisance rénale. Il n’existe aucun autre marqueur spécifique de cette atteinte.