Premier emploi, du rêve à la réalité - La Semaine Vétérinaire n° 1526 du 08/02/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1526 du 08/02/2013

Entreprise

Auteur(s) : Isabelle Diquéro

Les jeunes vétérinaires appréhendent autant la relation client que la gestion comptable et financière d’une clinique. Tour d’horizon des expertises à acquérir pour mieux avancer dans le monde de l’entreprise.

Fini le statut de stagiaire, c’est à la réalité du métier qu’il faut désormais se confronter. Un exercice qui se révèle parfois difficile pour de nombreux jeunes vétérinaires. Aborder la relation client, collaborer avec tous les acteurs de la clinique, gérer les finances de la structure, etc. Ce sont autant d’éléments à connaître pour bien démarrer. Du jour au lendemain, les praticiens juniors doivent faire face aux aspérités du quotidien et à la dure réalité du monde du travail. Si les jeunes diplômés vétérinaires ne remettent pas en cause le choix de leur métier, l’atterrissage dans la vie active est pour quelques-uns d’entre eux chaotique.

Une adaptation difficile que certains ont tendance à résumer à une question de génération. Appartenant à la génération Y (voir encadré), ces jeunes diplômés pâtissent en effet d’une réputation peu flatteuse. Ils sont souvent considérés comme majoritairement individualistes, réfractaires à la culture d’entreprise, voire peu fidèles. Pourtant, la quatrième étude de l’Observatoire social de l’entreprise Ipsos/ Logica Business Consulting révèle que si ces jeunes recrues sont jugées durement, c’est bien plus par les autres salariés que par les chefs d’entreprise. Une majorité d’entre eux considèrent même qu’ils ont tendance à être plus ambitieux (33 %), plus motivés (31 %), plus enthousiastes (30 %), et même davantage polyvalents (27 %). Affirmer que cette classe d’âge est « une génération vraiment particulière dont les besoins et les attentes professionnels coïncident plus difficilement avec le mode de fonctionnement actuel de l’entreprise » est un sentiment partagé seulement par 35 % des chefs d’entreprise et 36 % des salariés. Il n’y aurait donc pas un phénomène de génération propre aux “Yers” (diminutif donné par les Anglo-Saxons à cette génération) qui pourrait justifier cet écart entre ce que l’étudiant espère et ce que le jeune diplômé expérimente.

UNE EXPERTISE MANAGÉRIALE À RENFORCER

Est-ce alors une question de formation ? À défaut d’entrer sur le terrain des guerres de générations, il faudrait donc plutôt regarder du côté de l’enseignement. « Les écoles vétérinaires forment historiquement des cliniciens. L’approche de l’entreprise y est largement délaissée pour ne pas dire délibérément négligée », notait le sénateur Charles Guéné dans son rapport rendu au Premier ministre en 20091. « Durant leurs sept ans de formation, les étudiants n’apprennent donc qu’à soigner des animaux, pas à gérer les besoins, les attentes, les émotions ou l’argent dû de leurs propriétaires ! », constate également Dominique Béchu, responsable communication et marketing à l’École nationale vétérinaire de Toulouse2. Il est vrai que les étudiants en cours de formation ne bénéficient que d’une semaine, en 4e année d’études, entièrement consacrée à la gestion du cabinet vétérinaire et de quelques notions parcellisées de marketing et de comptabilité analytique de base. Les ressources humaines, la relation client, ainsi que les notions de communication sont, elles, absentes du cursus. Ce décalage provoque au mieux une surprise, au pire une déception, voire du découragement. Comme l’exprime bien ce témoignage spontané3 : « Tu te dis que la réalité n’est pas si bien. Et si, en plus, il faut apprendre des notions qui ne sont même pas abordées à l’école : l’aspect marketing et financier, ça me passe au-dessus de la tête ! Quand je pense qu’il va falloir s’occuper de la publicité et de tout le reste, alors qu’au départ ce n’est pas ce que j’ai choisi de faire… Je suis inquiète parce que nous ne sommes pas formés à tout cela. Nous recevons un enseignement pour soigner des animaux et c’est tout ! »

UN SENTIMENT DE MANQUE DE RECONNAISSANCE

Un malaise partagé par d’autres juniors qui n’ont pas encore toutes les clés pour aborder le monde du travail, et notamment celui de la clientèle. Pour Nadège4, jeune vétérinaire salariée en équine, la relation client est l’étape la plus difficile. « Il y a une réelle différence entre l’idée que nous nous faisons du métier et la réalité. La gestion de la clientèle n’est pas toujours facile. Nous avons beau avoir des connaissances, il faut apprendre à gérer les personnalités auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement, et ça, nous ne l’apprenons pas à l’école ! En équine, il faut composer avec des clients qui arrivent avec des idées toutes faites et parfois se battre pour imposer son point de vue, d’autant que les prix montent très vite. Sans parler de désillusion, notre investissement personnel n’est pas toujours récompensé. Nous y mettons beaucoup du nôtre et en retour nous récoltons le mécontentement du client. » De plus, la rémunération leur semble peu appropriée. « Dans ces cas-là, le salaire n’est même pas une compensation. À niveau d’études équivalent, mes amis qui sortent d’écoles de commerce gagnent plus ! Nous aimons notre métier, c’est indéniable, mais ce n’est pas toujours facile, surtout au début. Si l’intégration au sein de l’équipe est plutôt aisée, c’est le passage du statut protégé d’étudiant à celui de salarié qui est difficile. Là, il n’est plus question de se retrancher derrière le vétérinaire en titre, il faut assumer ses choix, les défendre », ajoute Nadège.

L’ASPECT FINANCIER À MAÎTRISER

Le rythme de travail ne semble pas un obstacle pour les juniors. En revanche, l’expertise demandée en termes de gestion et de comptabilité fait le plus souvent défaut. Claire4, collaboratrice libérale en canine, l’explique bien : « Si je n’étais pas passée par l’internat, les choses auraient sans doute été plus rudes. Je n’ai pas été surprise par le rythme du métier ou par son contenu. Cependant, l’aspect financier est le plus difficile à gérer. L’école nous apprend à prodiguer le meilleur soin, le plus complet possible. Dans la pratique, c’est délicat. Les clients veulent ce qui est le mieux, mais ils n’ont pas la notion des coûts. Et il n’est pas rare que l’aspect financier devienne une source d’opposition. C’est dur de réclamer des impayés ou de faire l’économie d’un soin au seul prétexte que cela coûte trop cher ! »

Selon Claire, la gestion des équipes n’est pas non plus acquise au départ : « C’est quelque chose de nouveau. Si je n’ai eu aucun problème d’intégration dans l’équipe de vétérinaires – nous sommes tous au même niveau hiérarchique –, il n’en est pas de même avec les autres membres. Il n’est pas toujours facile de déléguer, de donner des instructions à des personnes parfois plus âgées que vous, et il est encore moins aisé de faire des remarques quand ça ne va pas. Si les études nous préparent plutôt bien à aborder le client, nous n’avons pas de notion de gestion, qu’il s’agisse des équipes ou des finances. Pourtant, dans la clinique, l’agent comptable, c’est nous ! »

  • 1 « Vers une profession vétérinaire du xxie siècle. » Rapport au Premier ministre et au ministre de l’Agriculture et de la Pêche.

  • 2 Thèse de master en management de la santé, « Importance des disciplines managériales dans l’accompagnement de l’évolution de la profession vétérinaire. »

  • 3 Thèse de master en management de la santé, « Importance des disciplines managériales dans l’accompagnement de l’évolution de la profession vétérinaire » ; Verbatim focus groupe/p 114.

  • 4 Les prénoms des témoins ont été modifiés à leur demande.

LA GÉNÉRATION Y

Ce terme désigne les personnes nées à la fin des années 70 jusqu’au milieu des années 90. Inventée en 1993 par le magazine Advertising Age, la génération Y ne se réfère pas à des données biologiques, mais désigne tout simplement celle qui suit la génération X (les personnes nées entre 1965 et 1977). Ses “membres” portent aussi le nom d’échos boomers ou d’enfants du millénaire. Il s’agit de décrire un ensemble d’individus dans une tranche d’âge donnée et soudés par une vision commune d’événements (Mai 1968, l’effondrement du mur de Berlin, les attentats du 11 septembre 2001, etc.). Ils sont un peu plus de 13 millions en France selon l’Insee. De façon générale, dans l’entreprise d’aujourd’hui, quatre générations se côtoient : la génération dite “silencieuse” (entre 1930 et 1945), puis les baby-boomers (entre 1946 et 1964), la génération X (entre 1965 et 1977) et enfin la génération Y (entre 1978 et 1995).

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