La Loire-Atlantique se densifie et multiplie ses services - La Semaine Vétérinaire n° 1523 du 18/01/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1523 du 18/01/2013

Dossier

Auteur(s) : Frédéric Thual

Le paysage vétérinaire de Loire-Atlantique n’échappe pas au dynamisme démographique de la métropole Nantes-Saint-Nazaire. Portée par trois centres de référés, la pratique canine se développe, se spécialise, mais peine à se structurer. Dans ce département encore fortement agricole, la rurale se cherche un nouvel avenir dans un secteur de plus en plus concurrencé.

Si la tendance se poursuit, l’aire urbaine de Nantes, sixième ville la plus peuplée de France, pourrait compter un million d’habitants à l’horizon 2030. Soit autant que l’ensemble du département de Loire-Atlantique en 1990 ! Une démographie qui s’est accompagnée d’une croissance du nombre d’animaux de compagnie, notamment des chats et des NAC, et de la demande de soins de plus en plus pointus. « Quand je me suis installé dans les années 80, nous n’étions qu’une dizaine de vétérinaires canins à Nantes », se souvient Thierry Raffin, associé à Vincent Bruillard en 2002 dans le quartier de Doulon à Nantes. Ils seraient, aujourd’hui, une vingtaine de cabinets ou cliniques installés dans la ville qui compte 290 000 habitants.

Plus largement, 381 vétérinaires sont inscrits à l’Ordre (libéraux, salariés, assistants, cliniciens, enseignants, internes, etc.) en Loire-Atlantique, loin devant les départements voisins du Maine-et-Loire (236), de la Vendée (194), de la Mayenne (181) et de la Sarthe (142). Une explication ? « C’est le double effet de l’implantation de l’école vétérinaire et de la croissance d’une métropole de 600 000 habitants », observe Hervé Bossy, secrétaire général du conseil régional de l’Ordre des vétérinaires des Pays-de-la-Loire. Selon lui, il se crée deux à trois cabinets par an dans le grand Nantes, où certains observateurs dénoncent une trop forte densité de vétérinaires. « La ville est saturée en canine », affirme-t-il. « Il y a pléthore de cabinets, je ne suis pas certain que tous soient viables », ajoute Jean-Pierre Lebreton, secrétaire général du Syndicat des vétérinaires d’exercice libéral de Loire-Atlantique (SVEL 44). Cependant, aucun d’entre eux n’aurait été amené à déposer le bilan. Mais la tendance est au rapprochement pour allier ses forces. C’est le cas aux quatre coins du département, à Ancenis, La Montagne, Savenay, Nozay, Vertou, Legé où les cliniques développent compétences et services pour capter et fidéliser leur clientèle.

LE CHV ATLANTIA A TROUVÉ SA PLACE

Né de la fusion des cliniques vétérinaires de Beaulieu et Anne de Bretagne, le centre hospitalier vétérinaire Atlantia (CHVA) de Nantes, l’un des trois centres de référés du département, a ouvert le ban en 2006. Il emploie aujourd’hui 51 personnes dont 24 vétérinaires (8 associés), 25 ASV et 2 comptables. Une véritable machine de guerre dont le chiffre d’affaires croît de 10 % par an. En 2011, il a atteint quatre millionsd’euros, dont 50 % pour des interventions de référé. Le CHVA, qui rayonne sur la Bretagne, les Pays-de-la-Loire et la Normandie, accueille chaque jour 120 animaux, soit plus de 30 000 par an. En ophtalmologie, par exemple, le taux de référés atteint 75 %. « Les craintes de voir la clientèle disparaître se sont évaporées. Nous sommes particulièrement attentifs pour éviter que cela se produise », assure Didier Schmidt-Morand, associé de la structure qui reçoit les cas référés en ophtalmologie. « Proches du centre hospitalier, nous avons ressenti l’effet de la nouveauté lorsqu’ils se sont installés. Grand, spectaculaire, comme peut l’être un centre commercial. Mais certains clients l’ont essayé et sont revenus, préférant l’ambiance d’une petite clinique. Nos craintes ont disparu. Cela dit, nous veillons à l’accueil des clients. Nous investissons régulièrement dans du matériel (radiographie numérique, échographe, informatique, etc.). Nous cherchons également à faire évoluer nos compétences, comme l’analyse des hormones thyroïdiennes réalisées ici au quotidien », indique Thierry Raffin, qui reçoit un nouveau client par jour. « Sans notre association, notre déménagement et l’aménagement d’une nouvelle clinique en 2003 pour faire face à l’arrivée d’un confrère dans le quartier, nous aurions beaucoup souffert », admet-il.

DES SOINS DE PLUS EN PLUS POINTUS

Ce renforcement des compétences et des services répond à une demande de soins plus importante de la part des propriétaires d’animaux et à une multiplication des domaines d’activité (acupuncture, comportement, etc.), à l’instar de celles proposées par le CHV Atlantia, qui s’entoure de confrères spécialisés en dermatologie, en dentisterie, etc. « Nous voyons même des particuliers venir nous consulter directement », indique Anne Izembart, créatrice de l’institut d’histopathologie (IHP), récemment ouvert au-dessus du centre hospitalier. « Il y a une demande pour soigner les chiens et les chats, comme il n’y a jamais eu. Nous avons connu le baby-boom, le dog-boom, le cat-boom et aujourd’hui, c’est le Nac-boom », souligne Didier Schmidt-Morand. « La place et l’image de l’animal évoluent dans la société. Les choses se sont accélérées ces dernières années », remarque Pierre Méheust, créateur de la clinique Vétocéane en 2007, à Vertou, dont la clientèle provient à 70 % de cas référés en Loire-Atlantique, Vendée et Morbihan. Si la structure reste généraliste, elle est plus particulièrement orientée en neurologie, orthopédie, imagerie médicale et dermatologie. Jusqu’à créer le premier pôle d’hydrothérapie canin du département, il y a deux ans. « Une évidence », explique le directeur de la clinique. « De nombreuses chirurgies articulaires ne servent à rien sans rééducation. C’est dans la logique des soins. Cela existe depuis longtemps dans les pays anglo-saxons », souligne-t-il. « Et l’opinion publique est prête. Les gens n’hésitent plus à payer des opérations de la hanche chez un chien dont le montant varie de 900 à 2 000 €. L’animal est considéré comme un enfant. Il y a un vrai parallèle entre notre métier et la pédiatrie. Il faut juste que la profession s’humanise un peu », poursuit le chirurgien qui s’est rapproché de la médecine humaine pour « mettre au point des techniques chirurgicales dont les deux tiers ont été validés au niveau mondial. L’homme et le chien ne sont pas si différents. La médecine humaine a trente ans d’avance, alors c’est vers elle qu’il faut aller », estime-t-il.

Dans une société où le chat détrône un chien plus coûteux, Cyril Berg vient de créer la clinique vétérinaire féline Mon chat et moi, à Orvault. Un espace de 170 m2 entièrement pensé pour cet animal. « Contrairement à ce que beaucoup pensent, le chat n’est pas autonettoyant. Or, il est peu ou mal médicalisé », observe Cyril Berg, qui a abandonné une activité de vétérinaire généraliste dans une clinique mixte pour se concentrer sur le chat. Par passion. « Le simple aménagement des locaux permet de réduire le stress de l’animal. Cela contribue déjà à limiter les craintes de la médicalisation. Malgré tout, l’activité vétérinaire reste dans le domaine du loisir. Nous avons donc intérêt à nous distinguer avant que le low-cost ne débarque », affirme-t-il, alors qu’émergent dans la ville de nouveaux services de transport, de pensions, de soins vétérinaires à domicile ou de taxi animalier.

CHACUN SA PLACE DANS LA CHAÎNE DE SOINS

« Nantes est constituée de nombreux petits cabinets où les rapprochements ne sont pas toujours aisés. En raison du caractère individualiste des vétérinaires, mais aussi au regard du coût de l’immobilier. Sans être une région de désertification, comme en médecine humaine, des cabinets vivotent », estime Daniel Gadbled, président du SVEL 44. Si certains végètent, d’autres revendiquent le choix de la qualité de vie. Et exercer seul peut revêtir différentes facettes. « J’ai conscience de pratiquer une forme de métier en voie de disparition. J’aurai peut-être du mal à revendre une clientèle très personnalisée, mais l’activité au quotidien correspond parfaitement à ma vocation de départ. Je suis une sorte de vétérinaire de famille », affirme Philippe Brunelat, installé depuis plus de vingt ans à Saint-Sébastien-sur Loire en périphérie nantaise. « Et surtout, à 52 ans, je viens travailler sans traîner les pieds », dit-il, grâce aussi à une clientèle de proximité qui lui fait confiance. « Plus globalement, le métier n’est plus tout à fait pareil. La différence est la même qu’entre la médecine générale et la médecine hospitalière. Depuis quatre à cinq ans, nous constatons l’essor des échographes, des scanners, de l’imagerie par résonance magnétique, etc. Nous étions dubitatifs. Aujourd’hui, il est assez étonnant de voir que les clients sont prêts à accepter des coûts de prestations de 200 à 400 € », constate-t-il. Si, un temps, il a songé à s’associer, Philippe Brunelat a préféré renoncer pour se préserver du temps libre. Officier de réserve, il part tous les deux ans, pendant trois mois, pour encadrer des missions vétérinaires sur des théâtres d’opérations militaires en Bosnie, au Tchad, etc. Une autre facette du métier. Il est aussi le président de Veto44, une association née à la demande de la ville de Nantes pour assurer les gardes il y a une vingtaine d’années. Depuis, la multiplication des centres de référés a finalement rendu l’initiative obsolète en 2011. Mise en sommeil, l’association pourrait être prochainement réveillée. « Sous une forme confraternelle, afin de permettre aux confrères de se rencontrer en dehors des réunions de laboratoires », précise-t-il.

« Seul, il est impossible de tout faire », explique Christophe Dudek, praticien à Rezé, qui a trouvé dans l’association un moyen d’augmenter le temps et le confort de travail, de créer de nouveaux services, de soigner l’accueil de la clientèle, etc. Il se satisfait de la création de nouvelles cliniques et de plateaux techniques performants comme celui d’Atlantia ou de l’école vétérinaire Oniris. « Cela nous stimule et nous n’hésitons plus à référer. Aux côtés de spécialistes, nous pouvons progresser, échanger, discuter, alors que notre profession est peu communicante », indique-t-il.

VERS DES STRUCTURES SUPERVISÉES PAR UN MANAGER ?

« Mon seul gros souci est la comptabilité et le recrutement de personnel », explique Christophe Dudek, qui travaille avec un associé, un vétérinaire salarié et cinq ASV. « Idéalement, il me faudrait un superadministrateur qui se charge de ces tâches. Plus que des regroupements de cabinets, l’avenir de la profession passe par ce type d’organisation. Mais ce sont des postes chers, et chacun redoute une perte d’autonomie », reconnaît-il.

De fait, le CHV Atlantia, qui vient de s’agrandir pour aménager trois nouvelles salles de consultations et un centre de soins d’hydrothérapie, en est là. La pertinence d’un directeur non vétérinaire se heurte à l’ego et à l’individualisme viscéral de la profession confrontée au concept entrepreneurial. « Nous n’avons pas la solution », admet Didier Schmidt-Morand, d’autant que le CHVA réfléchit à se rapprocher de structures existantes pour stimuler les référés et mieux travailler en réseau plutôt qu’à se développer en interne. Groupement d’intérêt économique (GIE), franchise, regroupement, rapprochement, cliniques satellites ? « La mise en musique est complexe », résume-t-il. « Nantes compte beaucoup de petits cabinets en canine. En raison de clientèles très personnalisées, ils peinent à entrer dans une logique de rapprochement », observe Daniel Gadbled, responsable d’un cabinet mixte à Nort-sur-Erdre, une commune rurale et résidentielle de la périphérie nantaise. « L’accroissement de la canine a permis de compenser les difficultés de la rurale. Il y a quarante ans, je soignais un chien ou un chat par jour. Au fil des années, la rurale et l’équine ont gagné du terrain pour représenter aujourd’hui 40 à 50 % d’un cabinet mixte », affirme-t-il.

UNE RURALE EN QUÊTE DE RENOUVEAU

En Loire-Atlantique, où le lait est la première production départementale, l’activité rurale demeure malgré tout importante. Le cheptel laitier bovin est constitué de 150 000 vaches de plus de 24 mois. Entre les différentes productions bovines et porcines, ce territoire compte 4 270 exploitations dans lesquelles interviennent 14 vétérinaires ruraux, 45 mixtes à dominante rurale et 46 mixtes à dominante canine. « La rurale stagne, voire diminue. Non pas en chiffre d’affaires, mais en volume de temps consacré. Alors la canine compense », observe à son tour Olivier Legay, président du GTV 44 et l’un des six associés de la clinique Logne et Boulogne, née de la fusion de deux structures, à Legé, au sud du département. Ici, la rurale représente encore près de 70 % de l’activité. « En vingt ans, la rurale a diminué de moitié. Les élevages grossissent et se concentrent. Si le nombre de bovins est resté stable, en revanche, la pression agricole a contraint les exploitants à se regrouper en Gaec », indique Jean-Pierre Lebreton, installé à Nozay au nord du département où il réalise 95 % de rurale. Les chiffres d’affaires progressent timidement de 2 à 3 %. « Rares sont les vétérinaires ruraux à ne pas développer une petite activité canine », observe-t-il. Confrontés à une pression grandissante des groupements d’éleveurs, des centres d’insémination, du contrôle laitier, etc., les ruraux cherchent à développer le conseil ou à limiter les coûts de fonctionnement. Quatre GIE (Loire-Vilaine, Sud-Loire, Clisson, Côte de Lumière) ont ainsi pris racine dans le département afin de mieux négocier les achats de médicaments, d’aliments, et de se former. « Chacun cherche à se diversifier. Mais c’est encore empirique. Nous voulons trouver de nouvelles sources de revenus dans l’audit, le suivi de troupeaux, le parage, les services, les visites de traite, l’aliment, etc. Le Groupement de défense sanitaire nous permet de standardiser nos façons de travailler, d’optimiser les examens cliniques et d’être plus techniques par rapport aux éleveurs », précise Olivier Legay.

« Encore faut-il que le praticien puisse se faire rémunérer pour ses conseils, c’est tout le problème. Si le médicament était supprimé, beaucoup ne feraient plus de rurale », relève Daniel Gadbled. Si tous admettent que le nombre de vétérinaires ruraux n’ira pas en augmentant, pour Olivier Legay, il y a encore de l’avenir en rurale. « Mais pas à 90 % et en se regroupant. Le confrère seul en rurale n’a pas d’avenir. » Un sentiment qui décourage les jeunes générations qui ne « feraient que passer ».

ONIRIS SE VEUT UN PARTENAIRE POUR LES CONFRÈRES

Véritable référence pour la rurale, l’école vétérinaire de Nantes, parfois considérée comme une concurrente déloyale en canine, a formé une grande partie des praticiens installés dans la région. Associée à l’École nationale d’ingénieurs des techniques des industries agricoles et agroalimentaires (Enitiaa) il y a trois ans pour devenir Oniris, elle entend tirer la profession vers le haut et se positionne comme un partenaire pour les urgences et les référés. L’établissement a ainsi mis en œuvre des chartes de bonne conduite en canine, en équine et en rurale. « Elles organisent les relations et règlent les rapports entre les propriétaires d’animaux et l’école », se félicite Daniel Gadbled. « Oniris a besoin des praticiens libéraux. Autrefois, les rapports étaient plutôt tendus, et les enseignants déconnectés des réalités. Les temps ont changé avec l’arrivée de la nouvelle génération. »

Une clarification plus que nécessaire puisque l’école nantaise, accréditée par l’Association des établissements européens d’enseignement vétérinaire (AEEEV), sera réévaluée en 2014. Et l’un des critères concerne le nombre de cas traités. Cela justifie les nombreux investissements réalisés pour étoffer un plateau technique équipé de scanners, d’échographes, d’imagerie par résonance magnétique, d’imagerie numérique et nucléaire, de scintigraphie, une nouvelle salle et un service d’autopsie pour les grands animaux, un centre de soins et d’urgence pour les chevaux (Cisco). Ce dispositif est né pour accompagner le développement de la filière équine dans la région (au premier rang pour la production de trotteurs français et au second pour les chevaux de sport et de courses). Treize vétérinaires exercent dans ce domaine en Loire-Atlantique. « Il y a eu une véritable montée en puissance du plateau technique ouvert aux équipes de l’Institut national de la recherche agronomique, de l’université de Nantes, du centre de cancérologie, du cyclotron Arronax, etc. Il devient une véritable interface entre la formation et la recherche », témoigne Dominique Fanuel, directrice générale adjointe d’Oniris. Si l’école peut se targuer d’être une championne du plateau technique, en revanche, son développement risque de butter sur le recrutement de nouveaux collaborateurs. « Notre grille de rémunération ne nous permet pas d’accueillir les niveaux de salaires souhaités. Récemment, un spécialiste s’est désisté parce qu’on lui proposait quatre fois plus ailleurs. La difficulté est là. Nous avons les machines, mais pas les hommes… », conclut-elle.

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