Concevoir et organiser la transmission du savoir

Enseigner, est-ce aussi le propre de l’homme ? », s’est interrogé André-Laurent Parodi, président de l’Académie de médecine, qui a animé la séance solennelle du 18 décembre dernier. L’occasion aussi d’accueillir les nouveaux membres de l’institution. Devant une assemblée composée en grande partie de médecins, Boris Cyrulnik, neuropsychiatre à l’université de Toulon, s’est attaché à montrer que le modèle animal est un trésor d’hypothèses et d’observations. « La théorie de l’attachement liée à l’animal offre beaucoup de matière à penser de l’animal vers l’homme », constate-t-il.

La démarche structurée de l’enseignement

La conférence animée par le Pr André-Laurent Parodi aura marqué l’auditoire par la qualité de son analyse. « Concevoir et organiser la transmission du savoir mérite de s’interroger sur cette démarche, sur d’autres formes de transmission. Si ce n’est celle du savoir, du moins celle de l’expérience, estime-t-il. Le recours au numérique et aux machines à apprendre suscite peut-être cette question. » Un thème particulièrement d’actualité. Les méthodes ont évolué. Il est possible d’établir une échelle de valeur entre l’information, l’apprentissage et la compréhension. « Peut-on parler de compréhension à partir de certains comportements d’animaux ? », s’est interrogé notre confrère. Est-ce une simple imitation passive ou une conduite à caractère intentionnel ? Les exemples rapportés pour l’espèce animale ne soulignent aucun caractère organisé et intentionnel du comportement. L’animal, qui n’a pas accès à la pensée réfléchie, à l’imagination, etc., serait privé de la démarche structurée qui est celle de l’enseignement.

Une approche immuable et intemporelle

Le XVI^e siècle voit l’explosion de l’éducation et de l’académie. Enseigner, c’est transmettre des connaissances à un élève. « C’est d’abord dans l’intention qu’il faut trouver la définition de l’enseignement », précise André-Laurent Parodi. L’enseignement apprend à trier, à organiser l’information. « Le réduire à la transmission du savoir est un non-sens. » En outre, la scénographie de la leçon magistrale demeure insuffisante. « La qualité première d’un bon professeur, c’est sa capacité à susciter de l’intérêt chez ses élèves », rappelle-t-il. Enseigner est une démarche immuable, intemporelle. La forme change au fil des siècles : de la transmission orale, puis écrite, à l’informatique avec la troisième révolution du livre numérique. Le savoir dans son ensemble est accessible à tous aujourd’hui avec les nouvelles technologies de la Toile. Des universités prestigieuses ont mis en ligne des cours gratuits. Mais il manque la relation entre le maître et l’élève. « Les universités savent que ce qu’elles proposent doit aller au-delà du contenu. Quelle place reste-t-il à l’enseignement ? La position centrale, le rôle cardinal du maître demeure, c’est lui qui organisera le contenu, le système d’évaluation », souligne André-Laurent Parodi. Selon lui, l’enseignement en ligne ne remplacera pas celui dispensé par les grandes universités ni la qualité de la relation enseignant-étudiant. « Libéré du cours magistral, l’enseignant pourra réfléchir avec ses élèves, partager avec eux son savoir et son expérience. La relation humaine est le fondement même de l’enseignement. »