Quelle place pour les animaux exotiques en Europe ? - La Semaine Vétérinaire n° 1521 du 21/12/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1521 du 21/12/2012

Dossier

Auteur(s) : Hélène Rose

Importation, maintien en captivité, bien-être sont autant de questions relatives à la place des animaux exotiques en Europe, abordées lors du congrès organisé par la Fédération vétérinaire européenne (FVE) à Bruxelles, début octobre. Si la réglementation communautaire relative au commerce des animaux sauvages s’applique dans tous les États membres, chacun est libre d’adopter des lois plus ou moins strictes sur son propre territoire. Cela induit une grande disparité des situations selon les pays.

La détention de spécimens de la faune sauvage, en tant qu’animaux de compagnie, ne devrait pas être encouragée », indique dans son préambule la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie de novembre 1987. Mais il est difficile de s’entendre, à l’échelle européenne, sur la place à accorder aux “animaux exotiques”. Différentes appellations (animaux sauvages, exotiques, d’espèces inhabituelles, non domestiques, nouveaux animaux de compagnie) ne sont pas clairement définies à ce jour. Assurer les conditions nécessaires au bien-être des espèces captives est cependant une nécessité.

ASSURER LE BIEN-ÊTRE DES ANIMAUX EN CAPTIVITÉ

Les besoins de nombreuses espèces exotiques sont complexes, comme l’a rappelé Staci McLennan, membre d’Eurogroup for Animals qui fédère plusieurs associations de protection animale : régime alimentaire particulier, espace suffisant pour exprimer un comportement normal, présence de congénères, diagnostic et traitement rapides des problèmes de santé, etc. Leur non-respect entraîne des automutilations, des comportements stéréo­typés, des maladies métaboliques (alimentation inappropriée, manque de vitamines et de soleil), ou encore des blessures lors de mauvaises conditions d’entretien.

L’équipe de Paul Koene, éthologue à l’université de Wageningen (Pays-Bas), propose une démarche objective pour évaluer la capacité d’une espèce à être détenue comme animal de compagnie (voir diagramme en page 20). Réalisée pour orienter la future législation néerlandaise sur la santé et le bien-être animal, l’étude a porté sur 345 espèces de mammifères (sur les 5 400 existantes) pour lesquelles il existe suffisamment de données disponibles. Après une collecte d’informations sur leurs comportements naturels et leurs besoins, les auteurs se sont rapprochés des vétérinaires pour connaître les troubles de santé déjà observés chez des particuliers. Ils les ont combinés aux données légales (conservation, commerce des espèces en voie de disparition) et aux facteurs de risque pour l’homme et l’environnement. Une liste positive sera bientôt communiquée par le ministère des Affaires économiques, de l’Agriculture et de l’Innovation. Pour les espèces susceptibles d’être gardées en parcs zoologiques, une démarche similaire devrait être publiée en anglais1.

ABANDONS ET ESPÈCES INVASIVES

De nombreux propriétaires n’évaluent pas correctement les soins à apporter, leur coût et les nuisances occasionnées par les animaux arrivés à l’âge adulte (bruit, odeur, comportement). Cela entraîne des demandes d’euthanasie, des abandons ou des relâchers dans la nature.

Le replacement des animaux pose aussi des problèmes : les parcs zoologiques et les aquariums ne sont pas forcément équipés pour héberger de nouveaux pensionnaires. Quant aux refuges appropriés, ils sont rares et souvent surpeuplés. Selon Staci McLennan, le « Reptile Rescue Centre de Munich est passé de 365 pensionnaires en 2001 à 1302 en 2011, dont 82 dangereux (serpents géants et venimeux, crocodiles, etc.). Au Royaume-Uni, entre 2001 et 2010, 472 appels ont dénoncé des actes de cruauté envers des primates, dont 50 % étaient des ouistitis ». Dans un refuge aux Pays-Bas pour les primates et les petits mammifères (AAP Sanctuary for Exotic Animals), 40 % des 1 200 animaux secourus depuis 2002 proviennent de propriétaires privés (voir diagramme en page 21).

Relâchés dans un écosystème qui n’est pas le leur, les animaux exotiques peuvent entraîner de graves perturbations au sein de la faune et de la flore autochtones. La tortue de Floride à tempes rouges, par exemple, a envahi les cours d’eau européens. Le risque potentiel est supérieur avec les espèces de petite taille, car elles sont plus difficiles à détecter dans la nature, souligne notre confrère britannique Mike Jessop : « Un crocodile en liberté est dangereux, mais il est plus facile à localiser et à contrôler. » Si les hivers plutôt rigoureux du nord de l’Europe limitent la prolifération des animaux exotiques échappés ou abandonnés dans la nature (boas ou pythons, par exemple), la vigilance est de mise dans les pays du Sud.

Combattre les espèces invasives est l’un des objectifs de la stratégie européenne sur la biodiversité pour 2020 (EU Biodiversity Strategy to 2020). Des mesures législatives sont en cours d’élaboration pour prévenir l’entrée en Europe de certaines espèces, élaborer un système d’alerte et de réaction, et gérer celles déjà présentes.

DES RISQUES NON NÉGLIGEABLES POUR L’HOMME

Le risque de transmission de maladies zoonotiques n’est pas nul2. Selon Mike Jessop, « le manque de connaissances est flagrant », comme en témoigne le cas du hérisson pygmée, fréquemment atteint d’une maladie neuro-dégérative mortelle (syndrome de Wobbly). « Si cette affection est connue depuis vingt ans, nous ne savons toujours pas si elle est d’origine génétique, infectieuse ou autre. Nous pouvons seulement espérer qu’il ne s’agit pas d’une zoonose. » 75 % des nouvelles maladies infectieuses qui affectent l’homme ou les animaux domestiques se développent et sont transmises par les espèces sauvages, souligne son compatriote Neils Forbes. C’est le cas pour la fièvre du Nil occidental, la salmonellose, la tuberculose, la rage, etc.

En médecine aviaire, les connaissances sont abondantes grâce à l’élevage des volailles. Le principal risque zoonotique vient des oiseaux migrateurs, rappelle notre consœur Maria-Elisabeth Regina Krautwald-Junghanns, enseignante à l’université de Leipzig (Allemagne). Pour elle, « aucune zoonose d’origine aviaire n’est fréquente », même si elle conseille de prendre des précautions lors de l’importation d’oiseaux d’origine asiatique. Ainsi, depuis mi-septembre 2012, la chlamydiose n’est plus à déclaration obligatoire outre-Rhin.

La dangerosité et l’agressivité de certaines espè­ces représentent également un risque pour les propriétaires et leur entourage. Selon Mike Jessop, « de nombreuses espèces exotiques sont simplement des animaux sauvages maintenus à la maison ». Ainsi, le risque de morsure ou de griffure est important, avec des dommages parfois sévères. « Un mamba noir mordra un jour ou l’autre son propriétaire. La majorité des hôpitaux européens sont mal équipés pour faire face à ce genre de morsure venimeuse. »

RESPONSABILISER LES PROPRIÉTAIRES

Face à ces risques, il est nécessaire de responsabiliser les propriétaires. Quelques pays, dont la France, ont mis en place des certificats de capacité pour la détention de certaines espèces non domestiques par des particuliers (voir encadré ci-contre).

En Allemagne, Maria-Elisabeth Regina Krautwald-Junghanns déplore le faible coût de certains animaux, des reptiles en particulier. Pour l’agame barbu, par exemple, le marché est saturé : chaque spécimen est vendu entre 5 et 10 €. Selon notre consœur, il est difficile de créer une forte implication des propriétaires avec un prix d’achat aussi bas. D’une manière générale, augmenter le prix d’un animal réduit le nombre d’achats impulsifs, souvent responsables d’un entretien de mauvaise qualité.

La formation des vétérinaires, susceptibles de relayer ces messages auprès de leur clientèle, est variable selon les pays. Neil Forbes regrette ainsi qu’une seule université britannique sur sept dispense des cours sur les animaux exotiques, tandis que sa consœur allemande constate la difficulté d’enseigner la médecine des reptiles à des étudiants parfois effrayés par ces animaux.

La réglementation de la vente des animaux exotiques est laissée à l’appréciation de chaque pays : seuls onze États membres en disposent, dix imposent la communication d’informations aux acquéreurs en animalerie. En revanche, il leur est difficile d’atteindre ceux qui se fournissent sur Internet.

La Belgique a instauré une « liste positive » de 42 espèces de mammifères autorisées à la détention et à la vente en animalerie3. Elle prévoit des dérogations, et une procédure permet d’ajouter une espèce à la liste. D’après notre consœur Els Vanautryve, du Belgium Departement of Animal Welfare, des animaux “illégaux” sont certes toujours détenus et vendus, mais pas dans les animaleries, ce qui évite les achats impulsifs. Elle note également une certaine pression sociale sur les contrevenants : dénonciations des animaux illégaux ou des publicités non autorisées sur Internet, diminution de la présence de ces espèces dans les refuges, etc. Une liste positive est en cours d’élaboration pour les reptiles.

DES LOIS COMPLEXES POUR LE COMMERCE INTERNATIONAL

L’importation et le commerce des animaux exotiques sont soumis à des lois internationales, européennes et nationales.

176 pays ont ratifié la Convention de Washington ou Cites4. Elle protège environ 5 000 espèces animales et 28 000 espèces végétales, réparties en trois annexes selon les risques que leur commerce entraîne pour leur conservation. Ces listes sont régulièrement mises à jour – la 16e session de la Conférence des parties aura lieu en mars 2013 – et de nombreuses statistiques sur le commerce mondial légal sont disponibles.

Les pays membres de l’Union l’ont renforcé par une législation européenne, composée de quatre annexes (European Community Wildlife Trade Regulations)5.

Des permis d’importation, d’exportation ou de réexportation, variables selon la classification des espèces, doivent obligatoirement accompagner les animaux lors de leur transport et de leur vente, afin de garantir leur origine.

Chaque pays d’Europe est libre d’établir des réglementations plus strictes sur son territoire national (voir encadré ci-dessous).

La Suisse n’est pas membre de l’Union, mais a signé la convention de Washington. À ce titre, elle se conforme aux règles de la Cites et réalise des inspections frontalières. Consciente d’être une plaque tournante commerciale, elle souhaite avoir une influence positive, selon Matthias Lörtscher (Office vétérinaire fédéral et Cites), qui cite l’exemple du commerce des peaux de reptiles. Des experts travaillent à définir des méthodes d’abattage plus respectueuses du bien-être animal, en collaboration avec les principaux pays exportateurs (Indonésie et Malaisie pour les pythons et les varans). Ils transmettront leurs résultats à l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

CONTRÔLER LA PROVENANCE DES ANIMAUX

Le respect de ces réglementations et la lutte contre le commerce illégal supposent la coopération de tous les acteurs (expéditeurs, transporteurs, services vétérinaires, agents des douanes, importateurs, etc.). Elle nécessite une bonne formation des agents responsables, variable selon les priorités de chaque État membre.

Pour permettre une reconnaissance correcte des espèces par les agents chargés des contrôles aux frontières (services vétérinaires, fraudes, douanes), la Cites a récemment mis en place un collège virtuel de formation, hébergé par l’université internationale d’Andalousie (Espagne). La Commission européenne a soutenu financièrement son élaboration.

Selon un responsable des services vétérinaires de l’aéroport de Bruxelles, tous les animaux qui arrivent en petites quantités sont contrôlés. Lors de grosses cargaisons, de poissons ou de reptiles en particulier, seuls 25 % des spécimens le sont, notamment en raison du temps qu’un contrôle complet exigerait. Cela pourrait se révéler préjudiciable aux animaux. L’importation de reptiles d’origine africaine est proscrite quand la température descend sous 0 °C, car le taux de mortalité serait trop élevé.

Quelques compagnies aériennes effectuent des contrôles stricts lors des transports d’animaux exotiques, et coopèrent avec les services vétérinaires. Raymond Tilburg, membre d’Animal Transportation Association (ATA), rapporte son expérience chez KLM. Avant de programmer un vol, il s’assure auprès des exportateurs de la conformité des conteneurs aux normes de l’International Air Transport Association (Iata), de la présence des permis et des certificats pour chaque animal, et des soins vétérinaires effectués selon le pays de destination (traitements et vaccinations). Il se charge de prendre des mesures pour assurer le confort des animaux lors des escales, ou lors du retard d’un vol (voir photo flamands roses).

UNE NÉCESSAIRE HARMONISATION EUROPÉENNE

Sur l’ensemble de ces questions, une harmonisation européenne est requise. Cependant, tant que la demande sera forte, le marché illégal restera probablement un problème épineux. Comme le fait remarquer David van Gennep, membre d’Eurogroup for Animals, « il est impossible de contrôler 1,6 million de voitures qui passent du Maroc en Espagne en deux semaines, au retour des vacances ». Pour lui, les frontières extérieures ne sont pas suffisamment renforcées, en particulier en Espagne et en Grèce.

Tom de Meulenaer, membre de la Cites, invite à un meilleur transfert d’informations entre les douanes et les services vétérinaires des différents pays membres, pour disposer d’un aperçu plus complet de la situation. Il milite également pour une formation et à une coopération renforcées, afin de lutter plus efficacement contre le commerce illégal. Une meilleure sensibilisation du grand public sur le bien-être animal et la protection de la faune sauvage, via une communication à grande échelle, semble également incontournable pour faire baisser la demande en animaux exotiques.

LES PROPOSITIONS DE LA FVE

> Établir des définitions claires (animal domestique, animal exotique, nouvel animal de compagnie, etc.), réaliser des listes et des catégorisations.

> Harmoniser la législation et assurer un contrôle efficace de son application.

> Définir un label européen, doubler les amendes lorsque les animaux sont découverts morts.

> Favoriser la traçabilité, par l’identification et la tenue de registres.

> Informer le grand public sur les conditions d’entretien, les standards pour chaque espèce.

> Former et entraîner les professionnels : officiers des douanes, professionnels des animaleries, pompiers, vétérinaires.

> Mettre en place des certificats de capacité obligatoires pour certaines espèces.

> Restreindre les mouvements de certaines espèces.

> Travailler sur la prévention dans les pays d’origine.

PRINCIPAUX TEXTES LÉGISLATIFS FRANÇAIS

Tous les pays européens sont signataires de la convention de Washington (Cites) et suivent la réglementation européenne sur le commerce des animaux sauvages (EU Wildlife Trade Legislation). Chaque État membre dispose également de son propre arsenal législatif, qui prévaut sur les textes européens et internationaux.

En France, quelques arrêtés encadrent la détention et le commerce :

> arrêté du 11 août 2006 (Jorf n° 233 du 7 octobre 2006) : définition et liste des espèces, races ou variétés d’animaux domestiques ;

> arrêté du 10 août 2004 (Jorf n° 224 du 25 septembre 2004) : définition et règles concernant les installations d’élevage d’agrément d’animaux d’espèces non domestiques (autorisation de détention préfectorale, registre d’entrée et de sortie, identification, certificat de capacité, animaux d’espèces dangereuses, cas particuliers des singes de type capucin (Cebus spp.), etc.) ;

> arrêté du 10 août 2004 (Jorf n° 228 du 30 septembre 2004) : conditions d’autorisation de détention d’animaux de certaines espèces non domestiques dans les établissements d’élevage, de vente, de location, de transit ou de présentation au public d’animaux d’espèces non domestiques ;

> arrêté du 2 juillet 2009 (Jorf n° 0168 du 23 juillet 2009) : conditions simplifiées de délivrance du certificat de capacité.

> arrêté du 12 décembre 2000 (Jorf n° 36 du 11 février 2001) : diplômes et expérience nécessaire à la délivrance du certificat de capacité.

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