L’uvéite récidivante équine : un défi thérapeutique - La Semaine Vétérinaire n° 1518 du 30/11/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1518 du 30/11/2012

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : ERIN GILLAM

L’uvéite récidivante équine (URE) est une maladie progressive et débilitante. Répandue mondialement, elle atteint entre 8 et 10 % des chevaux européens, les appaloosas et les animaux avec une faible pigmentation autour des yeux étant plus à risque. L’URE est la première cause de cécité dans l’espèce équine.

ÉTIOLOGIE

L’URE affecte l’uvée, c’est-à-dire la tunique vasculaire comprenant la choroïde, le corps ciliaire et l’iris. La cause de la maladie n’est pas encore complètement élucidée. Les hypothèses les plus répandues impliquent la bactérie Leptospira, pour les sérovars pomona ou gryppotyphosa. En Europe, les résultats des travaux scientifiques sont en faveur d’une infection ou d’une toxicité intra-oculaire. En Amérique du Nord, les études privilégient l’hypothèse d’une leptospirose systémique qui engendre soit une réaction croisée entre les anticorps anti-Leptospira et les antigènes de la cornée, du cristallin et de la rétine, soit un relâchement de médiateurs et de cytokines inflammatoires réactivant les cellules T mémoires, qui réagiraient à leur tour avec les antigènes oculaires.

SIGNES CLINIQUES

Le diagnostic d’URE se fonde sur une récurrence des signes cliniques. Pendant une crise d’uvéite, l’inflammation des vaisseaux sanguins de la tunique vasculaire engendre un bris de la barrière hémato-oculaire. Surviennent alors des fuites de polynucléaires, de lymphocytes et de cytokines inflammatoires dans l’œil. En phase aiguë, l’uvéite se caractérise par des blépharospasmes, une lacrimation accrue et une photophobie. L’examen du globe révèle un œdème cornéen, avec parfois des précipités kératiques sur son endothélium. Un test de Tyndall positif atteste la présence de protéines et de cellules dans l’humeur aqueuse. Un hypopion ou un hyphéma peuvent être présents à l’aspect ventral de la chambre antérieure. Le myosis reste le signe clinique cardinal de l’URE. En phase aiguë, l’hypotension oculaire varie entre 5 et 12 mmHg. Dans des cas chroniques, en revanche, le cheval peut développer un glaucome secondaire. Des crises d’uvéite répétées engendrent inévitablement des modifications permanentes. Des zones de cicatrisation sur la cornée ou une kératopathie en bande, un corpus negrum atrophié et un iris foncé présentant des synéchies antérieures ou postérieures font partie des signes de chronicité. La formation de cataractes est aussi très courante.

L’URE se présente sous trois formes : classique, insidieuse et postérieure. La variante classique est la plus commune et se caractérise par des crises aiguës d’inflammation suivies de périodes de latence. Le type insidieux, plus fréquemment observé chez les appaloosas et les chevaux de trait, se manifeste par une inflammation constante de faible grade, sans signes apparents d’inconfort oculaire. La forme postérieure comporte une inflammation du vitré, de la rétine et de la choroïde, les signes d’uvéite antérieure étant souvent minimes, voire absents. L’évolution de la maladie provoquent des cataractes, des synéchies, une dégénérescence de l’humeur vitré et de la rétine, un rétrécissement du globe (phthisis bulbi) et une cécité.

TRAITEMENT STANDARD

Le traitement traditionnel de l’URE vise à réduire l’inflammation intra-oculaire et à minimiser les séquelles irréversibles. La première étape consiste à limiter la réaction inflammatoire à l’aide d’anti-inflammatoires stéroïdiens par voie topique (voir tableau 1). Selon la gravité des signes cliniques, ces administrations sont répétées entre 2 et 24 fois par jour. Un cathéter sous-palpébral peut se révéler utile dans les cas les plus sévères ou chez les chevaux réticents aux soins oculaires. Un test de fluorescéine doit être réalisé quotidiennement, les anti-inflammatoires topiques prédisposant aux ulcères et aux kératites infectieuses. Ensuite, l’administration systémique d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (flunixine méglumine, phénylbutazone, aspirine) ou stéroïdiens (prednisolone, dexaméthasone) peut aider à diminuer l’inflammation intra-oculaire. La flunixine est souvent choisie en phase aiguë pour son effet puissant au niveau de l’œil, alors que l’utilisation d’aspirine à long terme pour prévenir les récidives est rapportée. La troisième étape consiste à assurer une mydriase complète de l’iris avec l’atropine topique. Par ses effets cycloplégiques et mydriatiques, l’atropine améliore le confort de l’œil et minimise le risque de formation de synéchies. Afin de prévenir les effets indésirables associés à cette molécule, la fréquence minimale d’administration permettant de maintenir une bonne mydriase est recommandée. Enfin, les yeux de l’animal doivent être protégés du soleil et de toutes sources de lumière intense, l’iris étant incapable de se contracter sous l’effet de l’atropine.

La gestion d’une crise aiguë d’uvéite peut durer de quelques jours à plusieurs semaines. De plus, les périodes de latence entre les accès sont plus ou moins longues, les signes cliniques pouvant récidiver dès l’arrêt des soins topiques. Un tel traitement peut se révéler coûteux et astreignant.

NOUVELLES THÉRAPIES

Plusieurs thérapies innovantes visent à prévenir les crises récidivantes d’uvéite. Elles ont pour objectifs de traiter la cause de la maladie et de limiter l’inflammation à long terme.

Approches médicales

→ Vaccination contre la leptopirose. Rohrbach a démontré, en 2005, que la vaccination antileptospirose hors-homologation peut prolonger significativement les périodes de latence chez les chevaux atteints d’URE, sans pourtant ralentir l’évolution de la maladie à long terme. Il a aussi été démontré que, chez certains chevaux sains, cette vaccination est susceptible d’induire des crises d’uvéite. D’autres études sont donc nécessaires avant que cette thérapie soit utilisée en pratique courante.

→ Doxycycline orale. L’administration per os de doxycycline pendant 4 semaines est parfois conseillée pour traiter les chevaux dont la culture oculaire est positive pour Leptospira. Selon les auteurs, les doses recommandées varient entre 4 et 20 mg/kg. Néanmoins, la faible biodisponibilité de cette molécule requiert un dosage assez élevé afin d’atteindre des concentrations intra-oculaires efficaces. Ces hautes doses peuvent entraîner des coliques parfois sévères, et des études complémentaires sur l’efficacité et la sécurité de la doxycycline sont donc nécessaires avant que son emploi soit préconisé.

Approches chirurgicales

→ Injection intravitréale de gentamicine. Une injection de 4 mg de gentamicine dans l’humeur vitrée est rapportée pour traiter les cas d’URE dans lesquels une leptospirose intra-oculaire est suspectée. Comme pour la doxyclycline, le mécanisme d’action de la molécule reste inconnu et les études sont peu nombreuses. Cette technique doit donc être utilisée avec précaution.

→ Implant de cyclosporine A. La cyclosporine A est un immunosuppresseur dont l’effet anti-inflammatoire est très faible. Des implants intravitréaux de cyclosporine ont été utilisés pour prévenir les crises d’URE. Cette technique est associée à des risques peu élevés d’inflammation et de phthisis bulbi post-opératoires. Pour prévenir ces complications, les implants sont dorénavant posés en région suprachoroïdale. Des concentrations intra-oculaires actives sont atteintes environ 30 à 45 jours après l’intervention chirurgicale et permettent de réduire significativement la fréquence des crises chez la majorité des chevaux pendant environ 4 ans.

→ Vitrectomie. La vitrectomie est une procédure par laquelle l’humeur vitrée est aspirée et remplacée par une solution physiologique, l’objectif est d’éliminer les cellules T responsables de l’installation chronique de l’inflammation. Cette intervention chirurgicale permet d’arrêter les crises d’inflammation et de préserver le globe chez une grande majorité de chevaux qui présentent une atteinte de la chambre antérieure ou postérieure.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur le site WK-Vet.fr http://www.wk-vet.fr/ mybdd/?visu=164&article=164_4073

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr