La résistance des bactéries sous étroite surveillance - La Semaine Vétérinaire n° 1517 du 23/11/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1517 du 23/11/2012

Journée de l’Anses

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À LA UNE

Auteur(s) : STÉPHANIE PADIOLLEAU

Cinq jours après le ministère de l’Agriculture, c’était le tour de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de proposer sa journée sous le thème de l’antibiorésistance.

La surveillance était l’angle choisi par l’Anses pour sa journée contre l’antibiorésistance, le 19 novembre dernier. Outre des exemples de recherches en cours, les moyens mis en œuvre dans la surveillance de la résistance bactérienne ont été présentés, au plan national et européen. La directive européenne dite “zoonose” recommande la surveillance des bactéries commensales par le suivi de souches sentinelles d’E. coli et d’entérocoques fécaux. L’Efsa1 et l’ECDC2 publient tous les ans un rapport conjoint sur les niveaux de résistance observés chez des bactéries indicatrices issues de l’homme, de l’animal et de l’alimentation.

Suivi des résultats d’antibiogrammes

Le Resapath3, qui fête ses 30 ans, est impliqué dans la mesure n° 11 du plan EcoAntibio 2017 (voir dossier page 25). Grâce à la participation volontaire de laboratoires d’analyses vétérinaires, ce réseau collecte et analyse les résultats d’antibiogrammes, ainsi que les souches d’intérêt particulier.

En 20114, les données recueillies concernaient les bovins (32,1 %), les volailles (22,3 %) les chiens (16,2 %), les porcs (11,7 %), puis les lapins, les chats et les équidés (environ 4 % chacun), etc. Jean-Yves Madec, directeur de recherches et chef de l’unité antibiorésistance et virulence bactérienne à l’Anses, a cité quelques faits marquants (voir encadré). Une analyse de la multirésistance chez E. coli, la bactérie la plus représentée dans les données du Resapath, montre que chez le porc, presque deux fois moins de souches sensibles à tous les antimicrobiens sont trouvées, par rapport à toutes les autres espèces. Une majorité de souches d’E. coli affichent une à deux résistances. Chez les bovins, 10,8 % des souches ont plus de trois résistances et 4,7 % chez le porc. Pour ces deux espèces, la proportion est plus élevée dans les affections digestives : 25 à 27 % sont résistantes à au moins trois antibiotiques, et seulement 12 à 13 % sensibles à cinq familles. En revanche, en pathologie mammaire des bovins, 83 % des souches sont sensibles aux cinq familles d’antibiotiques testées. Toujours chez les bovins, parmi les souches résistantes au ceftiofur, 95 % le sont aussi à la tétracycline et 57 % aux fluoroquinolones. 74 %? des souches résistantes au ceftiofur et à la tétracycline sont également résistantes à l’association sulfamide-triméthoprime.

Attention aux mycoplasmes !

Une invitée dans les infections, qui n’est pas systématiquement prise en compte dans les plans de surveillance, est la famille des mycoplasmes. Par exemple, Mycoplasma bovis, bien connu des ruraux, est un hôte fréquent dans les broncho-pneumonies infectieuses enzootiques (BPIE) bovines. étudier la résistance chez les mycoplasmes est délicat : les techniques standardisées pour les autres bactéries ne sont pas applicables. Le réseau Vigimyc note une incidence globale moyenne de 16 % de M. bovis, mais dans les exploitations à risque, dès qu’il y a allotement, la prévalence évolue de 20 à 90 %. Une étude de la sensibilité aux antimicrobiens de M. bovis sur 30 ans était présentée par François Poumarat (Anses), avec le résultat alarmant d’une apparition massive de résistances multiples chez M. bovis, au niveau national. Pour lui, l’étape de base serait déjà d’établir le diagnostic de mycoplasmose, dans un délai compatible avec le traitement des animaux. Actuellement, cela n’est pas possible, et les mycoplasmoses ont tendance à évoluer vers la chronicité, en plus d’être associées à d’autres agents étiologiques dont les profils de sensibilité ne sont pas comparables. Ne pas oublier que les Β-lactamines sont utilisées comme facteurs de croissance des mycoplasmes…

Règles drastiques et transparence aux Pays-Bas

Cette année, l’Anses avait invité Dik Mevius (DVM) afin de présenter le plan mis en place aux Pays-Bas pour réduire le volume d’antibiotiques utilisés chez les animaux (voir page 26). Avec une volonté affirmée d’obtenir une réduction de 70 % par rapport au volume consommé en 2009, plusieurs mesures ont été adoptées, dont la transparence de l’usage des antimicrobiens en élevage. Sont enregistrés : le volume global des ventes, mais aussi l’utilisation par espèce et catégorie d’animal, grâce à la déclaration des pres-criptions des vétérinaires et de l’utilisation par les éleveurs. Une agence de contrôle indépendante a été créée5. Elle est chargée de veiller à la réduction de l’emploi des antibiotiques, avec des indicateurs et la détermination des valeurs seuils d’utilisation, exprimées en dose quotidienne par animal et par an, pour chaque production et espèce. Les exploitations ou praticiens qui dépassent le seuil supérieur se voient contraints de prendre des mesures afin de réduire leur consommation.

Un formularium est édité par espèce (document d’une douzaine de pages) et détaille, par pathologie et par étiologie, les molécules utilisables en première, deuxième ou troisième intention. La première intention correspond à un traitement empirique (antibiotiques qui ne présentent pas de risque de développement de résistance). Une justification est nécessaire pour les molécules listées en deuxième choix, liée soit à la souche en cause (antibiogramme), soit à l’historique de l’animal ou de l’élevage. Les antibiotiques de troisième intention ne doivent pas être utilisés, sauf lorsque la bactériologie et les tests de sensibilité montrent qu’il n’y a pas d’autre solution, et en médecine individuelle uniquement. Par exemple, chez le veau et les bovins à viande, la danofloxacine, la marbofloxacine, la difloxacine, le ceftiofur, la cefquinome et l’enrofloxacine sont des molécules de troisième intention pour le traitement par voie parentérale des pneumonies à Histophilus somnus.

L’emploi de toute nouvelle molécule et de celles utilisées en dernier recours chez l’homme (carbapénèmes, glycopeptides, oxazolidone et daptomycine, mupirocine et tigécycline) est banni, même en application de la cascade. Il est également conseillé de ne pas utiliser la colistine, les Β-lactamines, les amynoglycosides et les fluoroquinolones chez les animaux destinés à la consommation humaine. Beaucoup de filières professionnelles ont résolument décidé de ne pas utiliser les antibiotiques de troisième intention.

  • 1 Autorité européenne de sécurité des aliments.

  • 2 European Centre for Disease Prevention and Control.

  • 3 Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales.

  • 4 Le rapport complet est disponible sur le site de l’Anses.

  • 5 http://www.autoriteitdiergeneesmiddelen.nl/home

Les faits marquants du rapport 2011 du Resapath

→ La proportion de résistance aux céphalosporines de 3e et 4e générations des entérobactéries est stable ou en augmentation. En filière aviaire, alors qu’il n’existe pas de spécialité indiquée chez les volailles contenant ces molécules, la proportion de bactéries résistantes est supérieure à 20 % chez les poules et les poulets. Chez le veau, elle est de l’ordre de 7 à 8 %, comme pour les carnivores domestiques.

→ Une tendance à la baisse de la proportion d’E. coli non sensibles à l’enrofloxacine est constatée dans toutes les espèces. Le plus fort taux est toujours noté chez les bovins (plus de 20 %), suivi par les chiens (entre 15 et 20 %).

→ En ce qui concerne les carnivores domestiques, toutes les souches de staphylocoques résistants à la méticilline (Sarm) sont des clones “humains”. L’isolement de la souche USA300, rare en France, est lié à une transmission interhumaine d’une patiente américaine vers son frère, vétérinaire en France, puis de celui-ci à un de ses patients canins au cours d’une chirurgie articulaire.

→ Autre cas d’infection nosocomiale vétérinaire : un clone ST15 de Klebsiella pneumoniae producteur de BLSE (Β-lactamases à spectre étendu) a été mis en évidence dans des prélèvements urinaires de chiens soignés dans la même clinique vétérinaire.

→ Chez le chien, la proportion de MRSP (methicillin resistant Staphylococcus pseudintermedius) est de 16 % dans les échantillons collectés par le Resapath. Fait inquiétant : parmi les souches sensibles à la méticilline, 70 % sont résistantes à la pénicilline G, 52 % à la tétracycline, 43 % à la kanamycine et 38 % aux macrolides.

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