Directive “services” : les vétérinaires peuvent mieux faire - La Semaine Vétérinaire n° 1515 du 09/11/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1515 du 09/11/2012

Législation européenne

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Auteur(s) : CLARISSE BURGER

La transposition des textes européens reste difficile en France. Le point sur les étapes franchies (ou non) par la profession vétérinaire.

Ce n’est pas gagné. La directive “services”, conçue pour ouvrir le marché des services dans l’Union européenne élargie, n’est pas facile à transposer en France. D’abord, les professions réglementées, concernées par ce texte, tiennent à leur déontologie et à leur indépendance. Les vétérinaires, comme les avocats ou les experts-comptables, ne veulent pas que leurs missions et leurs valeurs soient profondément transformées. Ensuite, l’interprétation des dispositions communautaires n’est pas si simple. L’apport de solutions aux incertitudes juridiques non plus.

Des risques de litiges prévisibles

Compte tenu de ces difficultés et d’une mise en œuvre complexe, des risques de contentieux existent et peuvent même se multiplier, comme en témoignent les récentes saisines du Conseil d’État pour régler des litiges liés à l’application de la directive.

Pourtant, on est loin des débuts laborieux du projet européen sur les services avec la directive Bolkestein, cyniquement renommée “Frankenstein” à cause de son auteur ultralibéral. Cette mouture, refusée par divers États membres, dont la France, a dû être modifiée. Le “plombier polonais”, illustrant une main-d’œuvre bon marché avec les règles du pays d’origine, a marqué les esprits. Rebaptisée directive “services”, la nouvelle version du projet de loi a été officiellement adoptée en décembre 2006. Mais le travail de transposition et de clarification des dispositions reste laborieux. Du moins pour certains états membres et certaines professions.

Les vétérinaires et les avocats épinglés

La transposition intégrale de la directive n’est toujours pas réalisée en France. Et les pouvoirs publics peuvent décider d’édicter ou non des décrets d’application de la loi, spécifiques à chaque profession. Et parfois, ça bloque. La France a été pointée du doigt en juin dernier par la Commission européenne. Dans son rapport, celle-ci épingle les vétérinaires et les avocats. Certaines de leurs mesures ne sont pas conformes au texte européen, notamment le statut juridique des sociétés (SEL et SCP pour les vétérinaires), l’ouverture du capital (part limitée à 25 % pour les tiers non vétérinaires), les règles de communication commerciale et les actes de démarchage. Autrement dit, ces professions doivent réexaminer leurs exigences.

Le Code de déontologie et la directive “services”

Une mauvaise interprétation des textes peut conduire à une saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). À la demande du Conseil d’État, la cour a rappelé, en avril dernier, que le démarchage est autorisé dans la profession d’expert-comptable, son Code de déontologie contrevenant ici à la directive “services”. Un pas que n’a pas voulu franchir le Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires (CSOV) qui, en revanche, a proposé davantage d’ouverture aux divers supports de communication, tout en rappelant la responsabilité du vétérinaire sur ce point1.

Pour autant, le Code de déontologie vétérinaire, institué par le décret du 8 juillet 2010, est-il conforme au texte européen ? La question reste d’actualité. D’un côté, il y a les partisans de la directive “services” qui œuvrent pour accélérer les choses. De l’autre côté, il y a ceux qui revendiquent la spécificité de leurs missions et de leurs obligations. Il est certes concevable que les valeurs de cette profession médicale réglementée (et intimement liée à la santé publique) soient incompatibles avec un monde où séviraient une concurrence déloyale et une perte d’indépendance et de qualité des services et des soins. Certains vétérinaires craignent la mainmise des grands groupes financiers ou des industriels sur les futures structures, les sociétés de participations financières des professions libérales (SPFPL). En tout cas, mieux vaut anticiper l’heure européenne pour prévenir les mauvaises surprises, comme le suggère le Syndicat national des vétérinaires salariés d’entreprise (SNVSE, voir encadré).

Des recours en justice instructifs

Les récentes saisines du Conseil d’État montrent que la bataille n’est pas gagnée. La Haute juridiction a notamment demandé au gouvernement, le 28 mars 2012, de trancher pour savoir s’il faut ou non des décrets d’application de la loi concernant les statuts juridiques et la liberté d’établissement. Cette décision a été rendue sur un recours de l’Association nationale des sociétés d’exercice libéral (Ansel). Alors que 2 formes seulement de sociétés vétérinaires sont autorisées. Le délai de 6 mois à présent expiré, des holdings vétérinaires ou des SPFPL verront bientôt le jour. Un phénomène qui devrait aussi s’étendre à d’autres professionnels de la santé, dont les pharmaciens d’officine et les médecins. C’est la loi de Murcef du 11 septembre 2001 qui a permis de créer ces formes de sociétés, fondées sur des liens en capital. De nouvelles organisations vétérinaires entrepreneuriales devraient ainsi se développer dans l’Hexagone.

Enfin, la dernière saisine du Conseil d’État datée du 1er octobre, a soulevé un certain malaise dans la profession. La requête du SNVSE rejoint par l’association Défense de la directive services (DDS), s’opposant au ministère de l’Agriculture, a abouti à l’annulation de 2 dispositions du Code de déontologie portant sur le domicile professionnel d’exercice (DPE) des vétérinaires : l’ouverture minimale hebdomadaire et l’institution de la fonction d’administrateur de DPE. Ces dispositions étant pour la juridiction « incompatibles avec les objectifs de la directive 2006/123/CE »2. Préserver les valeurs et la déontologie de sa profession tout en se conformant aux textes européens n’est visiblement pas évident.

  • 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1503 du 6/7/2012.

  • 2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1512 du 19/10/2012.

Exercer sous d’autres formes de sociétés

« Pourquoi ne pas envisager à l’avenir un exercice vétérinaire sous d’autres formes juridiques de sociétés, comme des coopératives ou de nouvelles structures avec des vétérinaires salariés, à l’image des grands cabinets d’avocats ?, s’interroge Emmanuel Bénéteau, président du Syndicat national des vétérinaires salariés d’entreprise (SNVSE). Il ne faut pas avoir peur de la concurrence internationale. Nos peurs ne doivent pas non plus nous influencer pour édicter notre réglementation, qui nous empêcherait d’évoluer. En matière de communication, il existe en France un cadre législatif, y compris sur Internet, applicable à tous, dont la profession vétérinaire. Pourquoi nos praticiens auraient des règles différentes des autres professions et des autres pays membres de l’Union européenne ? Notre réglementation vétérinaire actuelle pour communiquer est trop restrictive par rapport au cadre européen. Plus tôt nous participerons à la mise en œuvre des textes européens, mieux ce sera pour notre profession. Sinon, le Conseil d’État risque à nouveau de décider pour nous, et de façon brutale. »

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