Quel est selon vous l’avenir des productions hors sol ?

Leurs performances sont une force

Pr Pierre Sans, unité “productions animales et économie” à l’ENV de Toulouse.

Malgré les difficultés actuelles, illustrées par celles du groupe Doux, je suis optimiste quant au maintien, voire au développement des productions hors sol en France. L’enjeu pour les éleveurs est de maîtriser la hausse des coûts de production, notamment celui des intrants comme les aliments. Face à la concurrence internationale, il s’agit d’asseoir la compétitivité, pas tant des élevages que de l’ensemble des filières, jusqu’à l’abattage puis la transformation des produits.

L’actuelle reconfiguration de la production vers des structures plus larges va sans doute continuer. Elle vise à mieux servir le marché, à répondre aux contraintes des abatteurs. Les producteurs à l’export devront en outre évoluer dans un cadre où la demande demeure forte, mais où les subventions à l’exportation vont disparaître.

Les bons résultats techniques et sanitaires de l’élevage français sont une force qu’il faut valoriser, afin de s’adapter à la demande des industriels de la transformation. À ses côtés, le vétérinaire a toute sa place, car la maîtrise des processus techniques, particulièrement la limitation des aléas sanitaires, influence directement la rentabilité de l’exploitation. Dans un contexte où l’arsenal thérapeutique se réduit, les compétences zootechniques et médicales du vétérinaire sont incontournables. Le rôle de notre profession ne me semble pas en péril !

L’élevage rationalisé représente l’avenir

Emmanuel Bénéteau, président du Syndicat national des vétérinaires salariés d’entreprise (SNVSE).

Si l’on désigne par hors sol l’élevage intensif, rationalisé, ce mode de production représente l’avenir de toutes les filières, au-delà des porcs, volailles, lapins et veaux de boucherie ! En effet, l’élevage des ruminants évolue rapidement vers la concentration et la spécialisation des ateliers, recherchant l’optimisation des coûts de production. Certaines vaches laitières ne vont déjà plus au champ et les éleveurs ovins pratiquent le dessaisonnement pour alimenter le marché en viande d’agneau plus régulièrement sur l’année. L’élevage traditionnel tend ainsi à disparaître, même s’il continuera d’exister dans des contextes spécifiques.

L’élevage rationalisé a toute sa place en France. Et le vétérinaire aussi, à condition de se positionner comme un interlocuteur spécialisé (d’un point de vue technique et intellectuel) et de répondre aux besoins des éleveurs. Les confrères qui exercent en productions animales ont déjà amorcé le virage et travaillent différemment du vétérinaire traditionnel d’il y a 50 ans. En revanche, la pratique mixte me paraît difficilement compatible avec l’attente de ces éleveurs, sauf à intervenir dans un rôle de vétérinaire pompier. Car je ne crois pas possible de développer une expertise suffisante à la fois en canine et en rurale.

L’effectif des vétérinaires spécialisés dans les filières porcs et volailles a doublé en 20 ans. Leur avenir m’apparaît toujours florissant.

Nos interlocuteurs sont désormais les filières

René Planel, Labo 79 à Mauléon (Deux-Sèvres), Réseau Cristal.

En France, les productions hors sol bénéficient d’avantages concurrentiels comme la qualité sanitaire des produits et la compétitivité de leur prix, par comparaison avec des viandes plus “nobles”. Certains produits de niche sont à forte valeur ajoutée (les palmipèdes gras, par exemple) et résistent mieux à la concurrence internationale. Les productions standard font face, en effet, à des produits d’importation qui ne répondent pas aux mêmes coûts de production ni à des normes sanitaires identiques. Même chez nos voisins européens, la main-d’œuvre, notamment du segment “abattage”, avec l’emploi de personnel parfois importé, pèse moins lourd sur les charges.

En outre, les producteurs subiront la fluctuation du prix des intrants et l’évolution des impératifs sociétaux, avec une nette augmentation des exigences du consommateur en termes de bien-être animal et de respect de l’environnement. La restructuration des filières, associée à une concentration des acteurs, va sans doute s’intensifier.

Dans ce contexte concurrentiel où la maîtrise des coûts prend une importance croissante, l’enjeu pour le vétérinaire est de s’adapter à l’évolution des attentes des éleveurs et des filières : une offre de service “santé” spécialisée, qui va au-delà des soins. Les confrères devront donc développer leur palette d’expertises, valoriser leur savoir-faire et s’inscrire comme les interlocuteurs des filières agro-alimentaires, et plus seulement comme des conseillers de l’élevage.