Sourde oreille ?

Le bouclage auriculaire des équidés destinés à la boucherie fait débat. C’est un retour à une technique bien archaïque.

En outre, n’est-il pas périlleux de cautionner un bouclage fondé sur un système de déclaration, et non de certification d’une personne agréée ? En effet, les garanties sont maigres pour les consommateurs à l’heure où d’éventuelles carences sur la traçabilité des viandes peuvent devenir de véritables bombes à retardement au plan sanitaire. Ce système dérogatoire met aussi à mal le décret prescription-délivrance et l’inscription de la destination bouchère sur le feuillet médicamenteux par l’éleveur et par le vétérinaire certificateur. L’argument économique n’est pas plus solide : le coût des boucles n’est qu’un prix frontal, il faut y ajouter une part conséquente de frais de gestion d’un double fichier… N’oublions pas que les Haras nationaux, qui crient haut et fort que l’identification par les vétérinaires certificateurs est trop chère pour la filière, sont les mêmes qui nous vendent la puce électronique avec au moins 200 % de marge sur le prix d’usine !

Les complications sont aussi réelles en termes de cicatrisation dans l’espèce équine, et c’est faire peu de cas de l’éthique à un moment où le public regimbe face à de telles mesures loin du welfare.

Selon l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), le projet est ancien, concerté avec les vétérinaires, les chiffres des ratés (ses chiffres !) sont erronés. La profession en aurait été informée en amont… En effet, elle avait même déjà contesté le projet !

L’IFCE motive sa démarche par l’enjeu économique d’une filière bouchère et un coût minime. Une filière moribonde, dont 80 % de la production est destinée à l’export, surtout en Italie, mais l’IFCE se doit-il de faire survivre ce débouché en le plaçant sous perfusion avec de telles mesurettes ? Les Haras nationaux ont déjà eu cette politique vis-à-vis d’eux-mêmes, ce qui les a conduits à une impasse imposant une totale restructuration…

En outre, quelle différence y a-t-il en termes d’acte entre traverser le cartilage de l’oreille et implanter un transpondeur dans l’encolure, sinon un diamètre plus grand de l’implant ? L’implantation dans le cartilage par l’éleveur n’a pas plus de légitimité. La question va même plus loin, au niveau du registre d’élevage : peut-être n’est-ce pas sur l’identification que le débat doit porter, mais sur le sanitaire. Devons-nous en rester à des mesures de bricolage ou, au contraire, reconnaître que c’est au vétérinaire d’être responsable, dans l’intérêt de la filière et du consommateur, dès le premier cheval du registre d’élevage ?

• 1 Voir aussi le débat en page 15 de ce numéro.