Portraits de confrères diplômés à l’étranger - La Semaine Vétérinaire n° 1512 du 19/10/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1512 du 19/10/2012

Dossier

Auteur(s) : LORENZA RICHARD

De nombreux confrères nés et diplômés à l’étranger viennent en France pour le temps d’une mission… ou pour la vie. Pourquoi ont-ils choisi de s’expatrier en France ? Les raisons sont les mêmes que celles pour lesquelles des confrères français partent à l’étranger1. Toutefois, de bonnes conditions de travail et la qualité de vie semblent souvent à l’origine de ce choix. D’autres praticiens, français, passent un diplôme étranger puis reviennent exercer dans l’Hexagone. Témoignages.

Alberto Armocida (La Plata 1991, Argentine), praticien en filière porcine pendant une dizaine d’années en Bretagne

Alberto Armocida a toujours travaillé dans la filière porcine. Il a quitté l’Argentine pour, notamment, des raisons de sécurité et de déséquilibre social et économique. Contrairement à la France, ce pays ne dispose pas d’un système d’un numerus clausus appliqué aux vétérinaires qui sortent de l’école chaque année, et le marché du travail est saturé. De plus, la logistique reste à améliorer (électricité 24 heures/24, colisage, techniciens, etc.). Le nombre d´analyses traitées par les laboratoires de diagnostic ne justifie pas encore de gros investissements et « la restriction des importations complique leur fonctionnement, comme la réalisation d’une sérologie avec un kit importé », précise notre confrère.

En revanche, l’élevage de porcs se développe en Argentine. Le praticien en production porcine assure, entre autres, des fonctions de management : il gère le développement, les installations, le retour sur investissements, le personnel, etc. « Le défi est de produire davantage de porcs pour un coût moindre. Le salaire des vétérinaires d’entreprise porcine est payé à 100 % par la production d’animaux, explique Alberto Armocida. On commence à parler de bien-être animal et de traçabilité des soins. Cependant, le système ordonnance-livraisons et le contrôle des aliments médicamenteux en sont encore au tout début. En revanche, l’environnement est un sujet de débat dans les communes concernées par les exploitations porcines. »

Notre confrère a choisi la France parce qu’il avait de la famille dans le Finistère, et il a validé son diplôme en 2003. Après 10 ans passés dans l’Hexagone, il travaille actuellement en Argentine avec 5 confrères dans une entreprise qui comporte 1 abattoir, 2 fermes, 10 000 truies et des hectares de production de céréales. « J’ignore si les lois françaises de prescription-délivrance des médicaments vétérinaires changeront et comment la profession va évoluer, mais les conditions de travail sont bonnes par rapport à l’Argentine, constate-t-il. La France, même avec les problèmes qu’elle connaît, est pour moi l’un des pays où la qualité de vie est la meilleure d’Europe… surtout en Bretagne ! »

Panayota Elzière (Thessalonique 1981, Grèce), référent national “produits de la mer et d’eau douce” à la DGAL-DDPP de l’Hérault

Pour Panayota Elzière, « tout a été question de rencontres au bon moment ». Son envie de partir pour la France est venue en étudiant la langue à l’Institut français d’Athènes. « La directrice a su nous transmettre l’amour de ce pays des libertés et des droits de l’homme pendant que nous vivions notre adolescence en pleine dictature des colonels. » Plus tard, elle a rencontré, à l’école vétérinaire de Thessalonique, des professeurs qui avaient étudié en France.

Comme le diplôme grec est reconnu sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une équivalence, notre consœur s’est inscrite en 3e cycle et a obtenu son doctorat supérieur de recherche (PhD) en biologie-parasitologie des invertébrés marins (mollusques bivalves). Elle a alors rencontré le directeur du laboratoire départemental vétérinaire de l’Hérault. Ce dernier, en contact avec son directeur de thèse et en collaboration avec l’université de Montpellier II, l’a accueillie en tant qu’assistante d’enseignement, pour une année de recherche postdoctorale sur la pathologie des poissons d’eau douce. Lui-même l’a présentée au directeur des services vétérinaires qui cherchait un vacataire. « Les places de chercheur dans mon domaine étaient plutôt inexistantes. Il m’a rapidement confié la responsabilité d’un secteur du département et la coordination d’un ouvrage relatif aux coquillages. Une expérience extraordinaire ! », confie-t-elle. Puis elle a présenté le concours d’entrée pour rejoindre le corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire (ISPV).

Le parcours professionnel de notre consœur constitue ainsi le prolongement d’une part de ses études doctorales, et d’autre part de son recrutement à un poste de chef d’un secteur principalement préoccupé par les problématiques de santé publique liées aux produits de la mer et aux coquillages. Et, assure-t-elle, « le sujet est suffisamment vaste pour continuer à y travailler sans s’ennuyer ».

Yolande Bishop (Murdoch 1983, Australie), praticienne canine à Bourg-de-Visa (Tarn-et-Garonne)

Yolande Bishop possède la double nationalité, australienne et française, et a passé ses vacances dans l’Hexagone pendant toute son enfance. Après la fin de ses études, elle travaille en Australie puis au Royaume-Uni pendant 13 ans. Elle décide alors de déménager avec sa famille dans le sud-ouest de la France où, comme elle le dit, « le climat est plus agréable et la vie plus calme qu’en Grande-Bretagne ».

Pour exercer sur le sol français, notre consœur doit d’abord passer le diplôme d’équivalence. Ensuite, c’est en envoyant des lettres aux confrères à proximité de chez elle qu’elle décroche un poste dans l’activité désirée : « J’ai eu la chance d’être engagée par le vétérinaire le plus proche et j’ai pu ne pra­tiquer qu’en canine. » Depuis 3 ans, elle est co­gérante, avec 2 confrères français, d’une clinique mixte à la campagne.

Selon Yolande Bishop, l’activité canine est com­parable en France, en Australie et au Royaume-Uni. Toutefois, « le nombre de praticiens par clinique et d’auxiliaires par vétérinaire est plus important outre-Manche, et les prix sont plus élevés. Le marketing et les assurances médicales y sont également plus développés ». En revanche, la clientèle française est plus diversifiée, avec davantage de vacanciers. Les cas de pyomètre et de tumeur mammaire sont plus nombreux en France, car les chiens et les chats y sont moins stérilisés. « En Australie, depuis plus de 30 ans, tous les chiens sont enregistrés en mairie et les propriétaires paient moins cher si leur animal est stérilisé. »

Notre consœur souhaite rester en France car, comme elle le confie, « il est plus agréable de travailler dans une petite structure et de pouvoir appliquer des tarifs raisonnables à des clients avenants ».

Michaël Holzhauser-Alberti (Cornell 1998, États-Unis), Anses-ANMV de Fougères (Ille-et-Vilaine)

Né en Allemagne puis naturalisé américain, Michaël Holzhauser-Alberti passe son diplôme de DVM (Doctor of Veterinary Medicine) à Cornell. Notre confrère réussit ensuite l’examen de fin d’études qui complète ce diplôme pour obtenir l’habilitation à exercer dans un État choisi, pour New York et quelques États limitrophes.

Outre-Atlantique, la moyenne d’âge des élèves qui sortent de l’école est plus élevée, car ils sont nombreux à commencer leurs études après avoir exercé un autre métier. De plus, les cours sont payants et « la plupart des étudiants s’endettent pour les suivre. Ils doivent ensuite bien gagner leur vie à la fin de leur cursus pour rembourser leur dette. Je n’ai donc pas été compris quand j’ai annoncé que je partais ». Notre confrère a en effet décidé de venir vivre dans le pays de sa femme, une Française, et a pris la nationalité française via son mariage.

En France, il apprécie l’implication des vétérinaires en rurale et dans les filières hors sol, fortement développées par rapport à ce qu’il connaissait. Il aurait sans doute exercé en clinique canine s’il était resté aux États-Unis. « Le vétérinaire est très respecté là-bas, car il figure parmi les professionnels à qui on fait le plus confiance. Le côté libéral est assez dilué et la séparation du travail entre les membres du personnel est plus grande », explique-t-il.

En France, il est engagé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avant même de passer l’examen d’équivalence, qu’il réussit en 2000. Les cours de français qu’il a suivis durant ses études lui ont permis de s’adapter à son travail d’expertise documentaire et de rédaction des dossiers d’autorisation de mise sur le marché, en français comme en anglais.

Notre confrère se trouve bien en France, où il a pu rétablir le contact avec sa famille en Allemagne, et il ne retourne que de temps en temps aux États-Unis.

David Hemi (Massey 1986, Nouvelle-Zélande), praticien canin à Paris

David Hemi est diplômé de la Massey University, la seule école vétérinaire de Nouvelle-Zélande. Il exerce alors 3 ans en rurale (vaches laitières) dans son pays d’origine, où l’élevage des animaux est très spécifique, la Nouvelle-Zélande étant principalement pastorale et saisonnière. Puis il travaille 10 ans en canine à Londres.

Il rejoint ensuite la France en 2001, car la mère de ses enfants étant Française, « nous voulons qu’ils grandissent dans l’un de nos 2 pays ». Afin de pouvoir exercer, il passe le concours de validation de son diplôme à Nantes, une épreuve qu’il estime difficile. Il est désormais installé à Paris. « C’est une situation qui me plaît, car je reçois beaucoup de chats en consultation, mon espèce de prédilection, précise-t-il. La grande différence avec les Britanniques, c’est la “solitude” du praticien. Il y a moins d’assistants par vétérinaire, sans doute en raison du coût de travail et des charges, ce qui oblige à assumer seul. » En ce qui concerne l’avenir, il pense rester en France encore un temps, mais il ne sait pas encore si ce sera définitivement.

Mamadou Cellou Diallo (Foulaya-Kindia 1982, Guinée), praticien canin à Lieusaint (Seine-et-Marne)

Mamadou Cellou Diallo est né en Guinée française, donc avant l’indépendance du pays, en 1958, d’un père ancien combattant ayant servi la France pendant la Seconde Guerre mondiale. « Je suis issu de la première promotion de l’école vétérinaire guinéenne, qui n’existe plus désormais, où j’ai suivi le programme des écoles françaises, enseigné par des professeurs du bloc de l’Est », explique-t-il.

Il vient en France pour réaliser un 3e cycle (diplôme d’études approfondies et doctorat d’université) et pense retourner occuper son poste de fonctionnaire chargé de la recherche et du développement dès sa formation terminée. « À l’époque, un vétérinaire ne pouvait travailler en Guinée que dans la fonction publique. Malheureusement, des réformes structurelles m’ont fait perdre mon poste lors de ma formation à l’étranger. »

Désireux de travailler pour le développement de l’élevage, notre confrère tente alors de retourner en Afrique, notamment avec Vétérinaires sans frontières. En vain. Il n’a alors d’autre possibilité que de réussir son diplôme d’équivalence pour exercer en France, où il reste donc non par choix, mais par nécessité.

Il s’installe en clientèle canine, même si sa préférence va plutôt à la rurale ou à l’activité mixte. Malgré ses difficultés professionnelles, il reste philosophe. Il met toutefois en garde les confrères candidats à la validation de leur diplôme : « Pour nous, vétos tiers, le plus dur n’est pas de réussir l’examen, mais de mettre en valeur les compétences ainsi reconnues pour vivre correctement. Face aux obstacles, de nombreux vétos tiers ayant validé leur diplôme ont fini par ranger le précieux sésame au placard faute de pouvoir s’en servir. »

Notre confrère précise qu’actuellement le secteur privé vétérinaire commence à voir le jour en Guinée, mais il est chancelant. S’il pouvait retourner dans son pays natal, il le ferait, « mais il faudra solder mes dettes avant pour ne pas fâcher mon banquier ! ».

Élise Michaud (Dakar 2006, Sénégal), praticienne canine à Dannemarie (Haut-Rhin)

Élise Michaud n’est pas née au Sénégal. Elle est Française, et son objectif de départ est d’obtenir son diplôme de vétérinaire puis de retourner dans son pays natal. Elle est alors obligée de passer l’équivalence afin de pouvoir exercer. « J’ai échoué en classe préparatoire puis obtenu une licence de biologie, qui ne me menait pas à grand-chose de concret à mes yeux. J’ai alors cherché une école vétérinaire francophone », explique notre consœur. C’est ainsi qu’elle est acceptée à Dakar. « Tout cela a été possible grâce à l’immense soutien de mes parents », précise-t-elle.

Notre consœur travaille en canine pure, la branche qu’elle souhaitait, après avoir suivi une formation en ophtalmologie. Elle ne rencontre aucune difficulté pour exercer : « Au début, les clients sont étonnés de mon diplôme, puis ils se rendent compte de mes compétences et me font confiance. » Plusieurs raisons l’ont poussée à revenir en France : « C’est mon pays, j’y ai ma famille et mes amis, et je voulais exercer ma profession dans des conditions optimales car, au Sénégal, je n’aurais pas pu avoir accès à tout le matériel dont je dispose ici. » En effet, la formation rurale dans ce pays est bonne, mais la canine y est peu développée. Selon notre consœur, il y a un manque de cas cliniques, car la population a peu les moyens de payer le vétérinaire.

En France, Élise Michaud rentabilise donc son matériel, mais reste persuadée que la canine pourrait être développée au Sénégal. Elle envisage même d’y retourner : « Peut-être que dans le cadre de ma retraite, lorsque je me serai lassée du rythme français, je repartirai là-bas pour m’y installer… Car c’est un magnifique pays avec des gens très touchants. »

  • 1 Voir le dossier dans La Semaine Vétérinaire n° 1485 du 2/3/2012.

  • 2 Arrêté du 21/5/2004 modifié par l’arrêté du 28/7/2008 fixant la liste des diplômes, certificats ou titres de vétérinaire mentionnée à l’article L. 241-2 du Code rural et de la Pêche maritime, publiés au Journal officiel des 26/6/2004 et 14/8/2008.

  • 3 Articles L. 241-1 et R.241-25 à 27 du Code rural et de la pêche maritime.

CONDITIONS D’EXERCICE EN FRANCE

Conformément2 à l’article L. 241-1 du Code rural, peut exercer la médecine et la chirurgie des animaux en France le vétérinaire de nationalité française ou ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne, ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, titulaire d’un diplôme, certificat ou titre de vétérinaire délivré par un État membre de l’Union ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou la Suisse.

Si le diplôme est obtenu dans un autre État du monde, dit pays tiers, le demandeur, qui doit disposer de la nationalité d’un des pays de l’Union, est tenu de faire reconnaître son diplôme.

Pour cela, 2 voies sont possibles :

→ reconnaissance par un État membre de l’Union européenne ou un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ET exercer 3 ans sur le territoire de cet État ;

→ passer un concours de contrôle des connaissances3, organisé 1 fois par an à Oniris (Nantes). Il comporte des épreuves écrites d’admissibilité et des épreuves orales et pratiques d’admission dans les domaines des sciences cliniques des carnivores et des équidés, de l’hygiène, qualité et technologie alimentaires, des productions animales et pathologie des animaux de rente et de la législation sanitaire. Seuls les candidats ayant obtenu une moyenne au moins égale à 10 sur 20, calculée sur l’ensemble des épreuves, sont déclarés avoir satisfait au contrôle des connaissances. Un arrêté du ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche portant autorisation d’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux liste, chaque année, les noms des candidats reçus.

Ces conditions sont valables pour tous les praticiens souhaitant exercer une activité qui nécessite l’inscription à l’Ordre, ainsi que pour les vétérinaires responsables ou adjoints dans les établissements pharmaceutiques vétérinaires.

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