« Pendant vingt-six ans, j’ai eu deux casquettes »

Vous avez décidé d’abandonner la clientèle, pourquoi ?

À ma sortie de l’école, je me suis tout de suite associé en clientèle canine et, 4 ans plus tard, j’ai créé ma clinique à Ouistreham où j’ai exercé jusqu’en 2002, d’abord seul puis en association.

À partir de 1986, une liaison trans-Manche a été créée par la compagnie Brittany Ferries. Comme les frontières intracommunautaires existaient encore (jusqu’en 1992), la Direction des services vétérinaires du Calvados m’avait demandé d’effectuer des vacations de contrôle en douane. Cela m’avait remis dans le bain des inspections sanitaires.

En 1988 et pour avoir une autre approche, j’ai suivi le CES d’hygiène alimentaire nouvellement créé par la chaire d’Hidaoa de l’ENVT. Le CES en main, j’ai alors commencé mon activité de conseil en hygiène, en indépendant et en parallèle de mon activité canine.

Il fallait démarcher les entreprises. C’était une activité commerciale à laquelle je n’avais pas été confronté ni formé ! Au début, mes clients étaient principalement des abattoirs, des ateliers de découpe et des entreprises de plats cuisinés. J’ai encore des clients du début, comme la Brittany Ferries que je conseille pour son activité de restauration auprès de ses 2,5 millions de passagers annuels.

Au fil des années, les activités canine et de conseil ayant fortement augmenté, j’ai cédé ma clientèle, en 2002, pour ne plus me consacrer qu’au conseil en IAA.

En plus de mes propres clients, je travaille en tant qu’auditeur sous-traitant pour Bureau Veritas Certification, l’un des leaders mondiaux de la certification des entreprises.

Comment expliquez-vous le peu de consœurs et confrères exerçant en IAA ?

Peu ou pas de jeunes passent le concours avec un regard vers les IAA.

Notre formation, à l’époque, était orientée vers l’inspection : beaucoup de vétérinaires de clientèle avaient des vacations dans des petits abattoirs.

Les IAA n’ont pas besoin d’inspecteurs, mais de conseils pour la mise en place de leur système qualité.

Toutefois, même un CES et notre formation de base sont insuffisants. Ainsi, à partir de 2005, je me suis formé (avec examens à la clé) aux normes ISO 9001 (axée sur le management des systèmes qualité des entreprises), ISO 22000 (spécifique à la sécurité des aliments), IFS¹ et BRC² (référentiels en relation avec la fabrication des marques de distributeurs).

Par ailleurs, les agronomes sont fortement ancrés dans le monde des industries agro-alimentaire. Leur “force” réside dans leur esprit de corps et dans une bonne connaissance des techniques de production. Cela nous manque.

Mais notre point fort est notre formation, de généraliste pour nous permettre d’avoir une vision globale “de la fourche à la fourchette”, et de pathologiste en lien avec le diagnostic, l’analyse des causes et le traitement.

Dans les entreprises où les “agros” sont majoritaires, être vétérinaire, c’est un peu comme « le petit canard dans une couvée de poussins ». Mais, au moins, nous savons nager…

Je terminerai par une note positive : peut-être que la fusion récente des écoles vétérinaires avec celles des agronomes permettra de mieux développer des passerelles entre les 2 formations, et ainsi d’attirer davantage de jeunes confrères dans les IAA !

• 1 L’International Food Standard (IFS) est un référentiel conçu par les distributeurs européens pour garantir et sécuriser au maximum leurs marques propres.

• 2 Le British Retail Consortium (BRC) a presque la même approche que l’IFS, mais pour les distributeurs britanniques.