La santé des animaux nourris aux OGM toujours en question - La Semaine Vétérinaire n° 1509 du 28/09/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1509 du 28/09/2012

Plantes transgéniques

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Auteur(s) : CLARISSE BURGER

L’étude d’un chercheur français sur les effets des organismes génétiquement modifiés (OGM) chez le rat laisse les scientifiques sceptiques, mais elle interpelle les politiques.

Les récents travaux menés par le professeur de biologie moléculaire Gilles-Éric Séralini (université de Caen) et son équipe sur les effets des OGM ont fait réagir la communauté scientifique, ainsi que le gouvernement français et l’Union européenne. Cette étude, parue le 19 septembre dans la revue scientifique américaine Food and Chemical Toxicology, met en cause l’innocuité à long terme du maïs transgénique chez les rats. Cela a provoqué la saisine immédiate de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) par le gouvernement français.

Les hautes instances sur le devant de la scène

L’agence va examiner la validité du protocole de cette étude. Elle transmettra ses conclusions à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) qui s’engage à « apporter son assistance aux décideurs aux niveaux national et européen ». En outre, l’étude animale sur la toxicité des OGM sera également analysée par le Haut conseil des biotechnologies (HCB), saisi automatiquement par les autorités publiques lorsqu’il s’agit d’évaluer des risques sanitaires. Le HCB appelle actuellement à la prudence. Compte tenu de la forte médiatisation de ces travaux, des avis controversés sur le sujet dans le monde scientifique, des conflits d’intérêts et des enjeux économiques et politiques, les instances de Paris et de Bruxelles ont tout intérêt à redoubler d’efforts pour crédibiliser leur expertise. Répondre à la question de savoir si les plantes génétiquement modifiées ont des effets positifs ou négatifs sur l’alimentation animale n’est visiblement pas simple.

Une étude toxicologique critiquée

L’étude de cancérogenèse liée aux OGM, coordonnée par Gilles-Éric Séralini, porte sur une catégorie de rongeurs (200 rats de la souche albinos sprague dawley) et a été menée sur le long terme (2 ans). Selon ses résultats, nourrir des rats avec des croquettes à base du maïs transgénique NK603 de la multinationale Monsanto (associé ou non avec l’herbicide Roundup(r), autorisé à l’importation) leur serait fatal. De grosses tumeurs mammaires chez les femelles et des troubles hépatiques et rénaux chez les mâles ont été observés. Ainsi, les rongeurs nourris avec le maïs NK603 déclencheraient 2 à 3 fois plus de tumeurs que leurs congénères dont l’alimentation est dépourvue d’OGM, selon cette étude.

Or la démonstration ne convainc pas une bonne partie de la communauté scientifique. Tout d’abord, une autre étude, menée par une équipe de chercheurs français et britanniques (issus d’AgroParisTech, de l’Inra, du CNRS et de l’université de Nottingham) et publiée fin 2011 dans la même revue scientifique, démontre le contraire. Selon celle-ci, des recherches sur la sécurité sanitaire des OGM (études toxicologiques à long terme et sur plusieurs générations d’animaux)? ne relèvent aucun problème sanitaire lié à la consommation sur de longues durées de nourriture dérivée d’OGM.

Des scientifiques irrités

Certains experts et chercheurs dénoncent le manque de déontologie scientifique dans cette étude, en dépit de la participation du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen).

Pour Agnès Ricroch, généticienne et maître de conférences à AgroParisTech, l’étude de Gilles-Éric Séralini présente de graves erreurs et des omissions. « Ce travail ne tient pas la route pour de nombreux scientifiques dans le monde. L’auteur et ses collaborateurs refusent de communiquer leurs données à l’Efsa pour vérification. Dans l’étude, il manque des informations sur le régime alimentaire de la population de rats testée. Qu’ont-ils mangé d’autre que le maïs génétiquement modifié ? Il n’y a pas non plus de courbe de croissance des individus testés. » Par ailleurs, « les rats en général, au bout de 2 ans, développent tous des tumeurs, surtout dans cette race (publications depuis 1966) sujette à l’expression de cancers ». Selon la chercheuse, l’échantillonnage est trop réduit et non représentatif pour tester le développement de tumeurs : « Il faudrait disposer d’un échantillon d’au moins 50 rats (au lieu de 10 dans l’étude) pour faire une sérieuse étude de cancérologie. »

Une méta-analyse opposée

De même, « il aurait fallu analyser des lots de rats nourris avec différentes variétés conventionnelles de maïs, en plus de celle transgénique, pour mesurer la variation biologique ». Agnès Ricroch se demande également pourquoi les auteurs ne montrent pas la photo des rats nourris sans OGM. « On y aurait peut-être vu des tumeurs non dues au maïs transgénique, qui nourrit des millions d’animaux depuis 2001 dans le monde. Aucun scientifique (anglo-saxon, canadien, etc.) n’est pour l’heure convaincu par ces expérimentations, ni par les statistiques (sans écart type) qui en découlent », tient-elle à préciser.

Une méta-analyse conduite par son équipe, publiée en ligne en décembre 2011, a examiné 24 études réalisées auprès d’animaux nourris avec différentes variétés transgéniques sur de longues périodes. Elles arrivent à la même conclusion : « Il n’y a pas d’effet du transgène sur des paramètres mesurés chez les animaux testés ; les différences mineures observées tombent dans la gamme des variations biologiques. »

Vers des expertises mieux réglementées ?

Pour autant, faut-il réviser les procédures d’homologation des OGM en Europe ?

À la suite de la publication de Gilles-Éric Séralini, le gouvernement français a demandé aux autorités européennes de « renforcer, dans les meilleurs délais, l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux » des OGM. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a précisé la semaine dernière à Dijon que, « si les résultats [de cette étude] sont concluants, Stéphane Le Foll défendra au niveau européen l’interdiction de ces OGM ». C’est d’ailleurs, pour le ministre de l’Agriculture, « un vrai sujet ».

En fonction de l’avis de l’Anses, le gouvernement « demandera aux autorités européennes de prendre toutes les mesures nécessaires en termes de protection de la santé humaine et animale, mesures qui pourront aller jusqu’à suspendre en urgence l’autorisation d’importation dans l’Union du maïs NK603, dans l’attente d’un réexamen de ce produit sur la base de méthodes d’évaluation renforcées ». Une étude critiquée pour sa méthodologie par des experts mais qui fait déjà beaucoup de bruit à l’échelle mondiale et qui soulève néanmoins le problème de l’indépendance de certaines expertises scientifiques.

Les aliments OGM dans le monde

Selon le rapport annuel 2011 de l’International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (Isaaa), les cultures transgéniques auraient augmenté de 8 % en 1 an, occupant dans le monde entier une surface de 160 millions d’hectares dans 29 pays. Les cultures OGM actuelles (maïs, soja, coton, colza), destinées entre autres à l’alimentation animale, représenteraient 10 % des surfaces cultivées dans le monde.

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