L’hypovitaminose A chez le mouton : un risque à ne pas négliger en élevage intensif - La Semaine Vétérinaire n° 1509 du 28/09/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1509 du 28/09/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/OVINS

Auteur(s) : KARIM ADJOU

La carence en vitamine A est une affection actuellement très rare, voire inexistante, dans les élevages en système extensif. En revanche, en élevage intensif, en bergerie intégrale, un déficit chronique en vitamine A peut apparaître à la fin de l’hiver, lorsque les ani­maux ont été nourris avec des aliments (surtout du foin) carencé en Β-carotène. Les moutons présenteront alors des maladies oculaires, des retards de croissance et une sensibilité accrue aux infections.

ÉTIOLOGIE ET ÉPIDÉMIOLOGIE

La vitamine A (rétinol) et ses précurseurs (Β-carotène et rétinyl) sont des pigments présents en abondance dans les fourrages verts frais. Mais ces molécules sont relativement labiles et se dégradent rapidement si les conditions de stockage sont mauvaises (température trop élevée, ambiance très humide, forte exposition aux rayons solaires). Un régime à base d’un vieil ensilage (plus de 1 an), de foin très sec ou de céréales (qui en contiennent naturellement peu) sera très pauvre en carotènes et en vitamine A. Une carence primaire peut donc se développer, ce qui se retrouve fréquemment en automne-hiver et pour les lots en engraissement.

Mais le défaut peut aussi être secondaire à un trouble hépatique ou intestinal. Les cellules de la muqueuse de l’intestin grêle et du foie synthétisent la vitamine A à partir des carotènes ingérés. Ces mêmes cellu­les permettent son absorption intestinale, puis son stockage dans le foie.

SYMPTÔMES

→ Symptômes oculaires : l’atteinte est surtout rétinienne. Un œdème papillaire (une ombre autour du disque optique, avec des vaisseaux épaissis et tortueux) apparaît, suivi d’une dégénérescence irré­versible. Parallèlement, l’occlusion des foramens optiques provo­que une compression du nerf optique (II) qui peut aboutir à sa section. Les signes cliniques commencent donc par une nyctalopie (cécité nocturne) suivie d’une cécité bilatérale totale avec une disparition des réflexes pupillaires photomoteurs. À l’examen, une kératinisation de la cornée est parfois visible.

→ Symptômes nerveux centraux : ils sont le résultat de l’atrophie des villosités arachnoïdiennes de la dure-mère (qui recyclent normalement le liquide céphalo-rachidien) concomitamment à l’occlusion progressive des foramens craniaux (par inhibition des ostéoclastes). Cela aboutit à une élévation de la pression intracrânienne qui provoque une ataxie progressive, des crises convulsives tono-cloniques, des syncopes, puis un coma.

→ Symptômes généraux : une immunodéficience, une faiblesse (qui touche surtout les agneaux nés d’une mère carencée, chez laquelle une hydrocéphalie est souvent constatée), une perte de croissance, une anasarque (œdèmes généralisés) et des anomalies de la corne des onglons peuvent être observées.

→ Symptômes génitaux : il s’agit essentiellement d’une atrophie testiculaire, d’une dégénérescence placentaire et d’avortements.

DIAGNOSTIC

Il convient de faire le diagnostic différentiel avec les autres troubles de la vision (voir tableau en page 46). La méthode la plus directe pour confirmer cette carence lors d’une suspicion clinique est le dosage de la vitamine A ou du carotène dans la ration, le plasma ou le foie (organe de stockage des rétinoïdes).

Dans la ration, les apports en vitamine A doivent être compris entre 30 et 70 UI/kg de poids corporel et par jour (1 UI = 0,4 µg). Cela est variable selon les besoins (croissance, lactation, fièvre, destruction par la microflore ruminale, etc.) et le sexe (les femelles sont plus résistantes grâce à la conversion possible des œstrogènes en vitamine A). Dans le plasma, le taux de vitamine A se situe idéalement entre 25 et 85 µg/dl (déficience en dessous de 18 µg/dl) et celui de Β-carotène entre 150 et 397 µg/dl. Dans le foie, les taux de vitamine A et de Β-carotène doivent être respectivement compris entre 60 et 200 µg/g de tissu et entre 4 et 800 µg/g.

Lors de carence, une ponction de liquide céphalo-rachidien révèle une forte augmenta­tion de pression (au-delà de 200 mm), une élévation du taux protéique (140 mg/dl) et la présence de cellules mononucléaires (40 à 50 cellules/dl).

L’examen ophtalmoscopique met en évidence précocement un œdème rétinien caractérisé par un disque optique flou, de couleur fade, parfois rétréci, entouré d’une ombre (en forme de cœur inversé) et de vaisseaux tortueux (lesquels apparaissent plus étroits aux abords du disque).

À l’autopsie, un œdème papillaire, une dégénérescence des ganglions optiques, une fusion de la rétine avec le plexus choroïde, un élargissement des os du crâne et du carpe (chez l’agneau né d’une mère carencée) et, parfois, une protrusion du cervelet par le foramen magnum, une atrésie des foramens osseux, une hyperkératose ruminale focale et une dégénérescence testiculaire macroscopiques sont notés. Micro­scopiquement sont présentes une nécrose, une démyélinisation et une gliose du nerf optique, une accumulation d’hémosidérine et de lipofuscine dans la rétine, une fibrose des méninges et une réduction des lacunes ostéoclastiques.

TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE

Les moutons aveugles ne recouvrent jamais la vue, mais l’œdème rétinien et l’ataxie peuvent disparaître rapidement après une injection de 440 UI/kg de poids vif de vitamine A le premier jour, suivie d’une cure de 6 000 UI/kg étalée sur 60 jours.

Les aliments fourragers sont à conserver dans de bonnes conditions, à l’abri de la lumière, et dans une atmosphère fraîche et sèche. Au minimum 30 UI/kg/j doivent être apportés aux animaux, en utilisant si nécessaire des compléments alimentaires (pierre à lécher). Les ovins sont moins sensibles à cette carence que les bovins (ce qui implique des compléments spécifiquement adaptés). En raison de l’important stockage hépatique de la vitamine A, les symptômes consécutifs à un défaut ne surviennent qu’en moyenne 180 jours après son installation.

PATHOGÉNIE

La vitamine A est un précurseur de la rhodopsine qui est un pigment rétinien. C’est son action particulièrement importante sur la rétine et les villosités arachnoïdiennes qui est à l’origine des symptômes les plus caractéristiques observés lors de carence. Elle intervient également dans la maintenance de l’intégrité de la choroïde et des tissus épithéliaux en général, sur l’activité ostéoblastique et ostéoclastique, vis-à-vis des tissus génitaux et de l’immunité. En cas de man­que, les signes cliniques sont donc variés.

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