Une âme d’agent de développement local

Au début de sa carrière, Didier Eyraud a travaillé à Vétérinaires sans frontières (VSF), dans le nord du Togo. Pendant 4 ans, il a formé des paysans à vacciner les volailles contre la maladie de Newcastle, qui ravageait alors chaque année les basses-cours. Il mesure à quel point des gestes simples peuvent avoir un impact inouï sur la population : « Au-delà de la réserve alimentaire, la volaille est économiquement indispensable : monnaie d’échange, elle est la caisse d’épargne des familles, pour faire face aux urgences. Elle est également culturellement identitaire : sans sacrifice animalier, il n’y a pas de baptême, de mariage, d’enterrement ! »

Faire davantage que soigner des bêtes

Il comprend aussi que résoudre un problème sanitaire n’est pas tout : « Cela ne suffit pas si la dimension agronomique n’est pas prise en compte, qu’il s’agisse de la gestion de l’élevage, des pâturages, de l’eau. Et ce sera encore insuffisant si des prérequis d’ordre sociétal ou politique ne sont pas définis : le droit d’usage, voire d’accès à la terre, à l’eau, etc. »

Revenu en France et installé au Mazet-Saint-Voy, en Haute-Loire, il se découvre une âme d’agent de développement local : « C’est mon héritage de VSF. Sur ma zone de travail, j’ai envie de faire davantage que de soigner des bêtes. Je propose un projet de développement de l’agriculture biologique qui transforme nos handicaps, climatiques et d’accès, en atouts. Nos productions ne sont pas compétitives. Il faut sensibiliser les agriculteurs, leur proposer une approche cohérente, une vision “filière” propre à sécuriser l’agriculture. Il faut les rassurer sur leur avenir. L’Afrique m’a aussi appris la patience. On ne bouscule jamais les habitudes, les façons de penser. Il faut convaincre et avoir la légitimité pour le faire. La mienne vient de mon ancrage profond sur ce territoire, au milieu de ceux avec qui je discute, la nuit, en recousant une césarienne. Ce que je professais il y a déjà quelques années commence à être perçu avec un plus grand intérêt. »