Thérapeutique raisonnée en cardiologie - La Semaine Vétérinaire n° 1506 du 07/09/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1506 du 07/09/2012

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : FRANÇOIS SERRES*, OLIVIER POUYOL**

Fonctions :
*DESV de médecine interne (option cardiologie), praticien à la clinique Oncovet à Villeneuve-d’Ascq (Nord). Article rédigé d’après une conférence coordonnée par le laboratoire Boehringer Ingelheim, en janvier 2012.

POINTS FORTS

– Pour détecter une décompensation, la fréquence respiratoire est à domicile ce que l’échocardiographie est à la clinique.

– Le traitement est affiné selon l’évolution des paramètres contrôlés.

Afin d’adapter le traitement et d’évaluer le pronostic, 2 classifications de référence permettent de caractériser le stade d’une atteinte cardiaque. Celle de l’International Small Animal Cardiac Health Council (ISACHC) repose sur les manifestations cliniques de l’insuffisance cardiaque. Elle a inspiré celle de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim), plus récente. Cette dernière inclut la notion de réponse au traitement et est constituée de stades dont la succession est plus proche de la réalité évolutive de l’affection cardiaque (voir encadré ci-contre). Les médianes de survie permettent d’affiner le pronostic selon le stade de la cardiopathie.

Évaluer la fatigabilité de l’animal auprès du propriétaire est important dans la démarche diagnostique (voir encadré en p. 43). Quelle que soit la classification utilisée, l’imagerie médicale permet de catégoriser précocement une cardiopathie compensée. Ainsi, une dilatation de l’oreillette gauche conduit à renforcer la surveillance, voire à initier un traitement, même s’il n’existe pas de consensus thérapeutique pour ce stade.

DÉCOMPENSATION CARDIAQUE

Pathogénie

La décompensation cardiaque peut être provoquée par une évolution pathologique naturelle du cœur (l’organisme ne parvient plus à compenser le handicap), par un “accident” cardiaque tel qu’une rupture de cordage (maladie valvulaire dégénérative, MVD), une fibrillation atriale (MVD et cardiomyopathie dilatée, CMD) ou une embolie (cardiomyopathie hypertrophique, CMH), ou encore par un échappement au traitement choisi.

Diagnostic

Lorsqu’elle est mesurée au repos, la fréquence respiratoire est un paramètre fiable pour repérer une décompensation. Cette mesure peut être prescrite au propriétaire, à domicile : chez le chien, une fréquence supérieure à 41 mpm doit le conduire à amener son animal en consultation.

L’échocardiographie permet d’affiner le diagnostic lors de cas incertains. Ainsi, lors de toux chronique chez un yorkshire terrier, par exemple, elle facilite la distinction entre une origine cardiaque ou respiratoire (collapsus trachéal).

Prise en charge

En phase aiguë, l’animal est placé sous oxygène, au calme. Une voie veineuse facilite l’administration de molécules stabilisatrices (furosémide, morphine). Le pimobendane peut être administré par voie sublinguale, en ouvrant une gélule. La trinitrine en spray (Natispray(r)1) est utile par voie intrabuccale pour son action vasodilatatrice.

En cas de décompensation sévère, une perfusion de nitroprussiate de sodium1, complétée ou non de dobutamine1, est recommandée. Sont également injectés par voie veineuse des anti-arythmiques (lidocaïne pour les arythmies ventriculaires, par exemple) et, en dernier recours, des molécules de réanimation (atropine, adrénaline).

Des antihypertenseurs (amlodipine1, sildénafil1) peuvent être administrés par voie orale.

Pronostic

L’imagerie permet de catégoriser l’atteinte, mais aussi d’affiner son pronostic. Ainsi, chez un chien atteint de MVD, une augmentation de 8 % des valeurs cardiaques mesurées indique un risque mortel dans l’année. Lors de CMD, la mesure du diamètre du ventricule gauche en diastole est la valeur la plus pronostique. Enfin, une dégradation est à craindre en présence d’ascite cardiogénique, les médianes de survie étant le plus souvent inférieures à 6 mois. Pour une meilleure compréhension et implication du propriétaire, il est utile d’annoncer le pronostic à l’aide d’une représentation imagée des classifications d’atteintes cardiaques.

TRAITEMENT DES CARDIOPATHIES

Maladie valvulaire dégénérative

La thérapeutique est adaptée selon le stade de la maladie valvulaire dégénérative. L’Acvim recommande :

→ en stade B : un contrôle annuel à bisannuel. Aucun traitement n’a démontré son efficacité à retarder une décompensation. L’administration d’acides gras oméga 3, aux propriétés anti-arythmiques et anti-inflammatoires reconnues en médecine humaine, est envisageable ;

→ en stade C : une utilisation combinée de pimobendane et de furosémide. Dans la mesure du possible, ce diurétique est à prescrire uniquement lors de formes congestives, par cures de préférence. Idéalement, il est arrêté lorsque l’état de l’animal est stabilisé. Si possible, un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) est à ajouter, surtout lorsque l’emploi du furosémide devient plus fréquent. Une alimentation hyposodée appétente, aux apports protéiques et caloriques adaptés, est recommandée ;

→ en stade D : une augmentation de la dose du furosémide et un ajout de spironolactone. Le pimobendane peut être administré plusieurs fois par jour, augmentant ainsi la posologie quotidienne.

Certaines caractéristiques de la cardiopathie conduisent à des prescriptions particulières :

– dilatation atriale marquée : IECA ;

– fibrose cardiaque : spironolactone ;

– arythmies : digoxine1, diltiazem, β-bloquant (Sotalol1 par exemple) ;

– hypertension artérielle : amlodipine1 ;

– hypertension pulmonaire : inhibiteur de phosphodiestérase (pimobendane, sildénafil1) ;

– atteinte respiratoire concomitante : antitussif, bronchodilatateur.

Gestion au long terme d’autres cardiopathies

→ La cardiomyopathie dilatée est principalement traitée à l’aide de pimobendane, d’IECA et de furosémide, éventuellement complétés de digoxine. Une correction alimentaire, ainsi que l’emploi de spironolactone et de propentofylline sont envisageables.

→ Lors de cardiomyopathie hypertrophique, malgré l’absence d’études à grande échelle, l’association IECA-diltiazem-aspirine1 semble intéressante. Le furosémide est recommandé dans les formes congestives, un β-bloquant dans les formes obstructives et celles secondaires à une hyperthyroïdie.

Suivi

Les contrôles sont d’abord mensuels, puis progressivement espacés. Dans l’idéal, la mise à jour de l’anamnèse est complétée par des évaluations radiographiques (recherche d’œdème), échographiques (mesures), sanguines (urée, créatinine, potassium), électrocardiographiques (arythmie) et tensiométriques (hypertension). La mise en place d’entretiens téléphoniques renforce la vigilance et l’observance de la part du propriétaire.

  • 1 Pharmacopée humaine.

    Voir aussi l’article « Maladie valvulaire dégénérative : un consensus est établi pour le diagnostic et le traitement », de T. Ribas et I. Bublot, paru dans La Semaine Vétérinaire n° 1387 du 8/1/2010.

EXEMPLE DE CATÉGORISATION

Un chien atteint de maladie valvulaire dégénérative, présenté en consultation pour un premier épisode de fatigue au repos, se situe en stade 3 de la classification ISACHC, et en stade C de celle de l’Acvim. En cas de réponse thérapeutique totale (disparition de la fatigabilité), sa catégorie diffère selon les classifications : il redescend en stade 1 (ISACHC) ou reste en stade C (Acvim).

ÉVALUER LA FATIGABILITÉ À L’EFFORT

La fatigabilité à l’effort est un paramètre difficile à évaluer en pratique. Pourtant, explorer ce symptôme permet de le traiter en conséquence et d’améliorer le pronostic vital de l’animal (sinon, il reste en stade 2 de la classification ISACHC).

Il est important que le propriétaire évalue la fatigabilité de son animal au cours des 6 derniers mois. Si le symptôme est plus ancien, l’origine cardiaque est remise en cause, car d’autres signes cliniques auraient dû apparaître en l’absence de traitement.

Pour estimer l’endurance d’un chien, notre confrère conseille de demander « qui tire qui ? ». Il est en effet peu probable que le chien qui “promène” son maître soit cardiaque, contrairement à celui qui se laisse traîner. Malgré tout, la faiblesse est difficile à déterminer dans certains cas : chien de race de petite taille qui vit dans les bras de son propriétaire (chihuahua, par exemple), chien au mode de vie calme (cavalier king charles “canapé”, par exemple) ou chat d’intérieur.

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