L’éléphant de forêt, une espèce à part entière - La Semaine Vétérinaire n° 1504 du 13/07/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1504 du 13/07/2012

Formation

FAUNE SAUVAGE

Auteur(s) : STÉPHANIE BOURGEOIS

L’éléphant d’Afrique occupe des habitats aussi variés que les grandes savanes arides d’Afrique australe et les vastes forêts denses d’Afrique centrale. Les populations forestières, difficiles à observer, ont été beaucoup moins étudiées que celles de la savane. Outre leur répartition géographique, les éléphants de forêt et de savane présentent des différences morphologiques et comportementales : hauteur au garrot, forme et taille des oreilles, des défenses, du crâne, taille des groupes sociaux. Cependant, ils ont longtemps été considérés comme des sous-espèces d’éléphant d’Afrique, voire comme 2 populations de la même espèce, principalement en raison de l’existence d’hybrides et de populations difficiles à classer, situées en zone de transition entre la forêt et la savane.

Dès 2001, le développement des outils génétiques a permis de proposer 2 espèces distinctes sur le plan morphologique et au niveau de leur ADN nucléaire : Loxodonta africana en savane et Loxodonta cyclotis en forêt. Les analyses de l’ADN mitochondrial ont cependant révélé une apparente contradiction avec celles de l’ADN nucléaire, et alimenté le débat pendant plusieurs années.

La divergence “forêt-savane” aussi ancienne qu’“éléphant d’Asie-mammouth”

Une étude1 confirme la séparation très ancienne entre les éléphants de forêt et de savane, il y a au moins 2 millions d’années. Des techniques de séquençage ont permis d’obtenir une portion significative de l’ADN génomique des éléphants et d’extraire l’ADN d’espèces éteintes, notamment à partir d’une dent de mastodonte vieille de plus de 50 000 ans. L’amplification par PCR (réaction en chaîne par polymérase) multiplex ciblée a ensuite rendu possible la réalisation d’une analyse génétique comparative entre le mastodonte américain (genre Mammut) et 3 genres d’Elephantidae : le mammouth laineux (genre Mammuthus), l’éléphant d’Asie (genre Elephas) et l’éléphant d’Afrique (genre Loxodonta), dont un représentant du type savane et un du type forêt. L’éléphant de savane et celui de forêt se sont révélés être au moins aussi distincts génétiquement que l’éléphant d’Asie et le mammouth (considérés comme 2 genres). Ils méritent donc d’être reconnus comme 2 espèces différentes.

L’histoire des Elephantidae serait ainsi marquée par une divergence entre les clades eurasien et africain il y a 4 à 9 millions d’années, puis une divergence entre les espèces africaines de forêt et de savane à peu près à la même période qu’entre l’éléphant d’Asie et le mammouth laineux, il y a 2,5 à 5 millions d’années.

Les hybrides sont rares, et les mâles incapables de se reproduire

Une autre étude2 propose une explication à la différence apparente entre les structures génétiques de l’ADN mitochondrial. En réanalysant les données des études antérieures et en étendant les zones de collecte d’échantillons, les auteurs ont confirmé l’existence, au niveau de l’ADN nucléaire, de 2 groupes génétiques (ou clusters), dont la séparation correspond à la répartition des habitats. Les génotypes nucléaires hybrides existent, mais ils sont rares, et moins de 10 % de leur ascendance provient du cluster “savane”. L’étude met ainsi en évidence qu’il n’y a pas de populations hybrides, même si un niveau bas d’hybridation existe dans certaines populations situées dans des zones de transition entre la forêt et la savane.

Les analyses de l’ADN mitochondrial montrent qu’il existe un clade S (savane), totalement absent des zones forestières, et un clade F (forêt), présent chez 20 % des éléphants de savanes. Ces individus ne sont toutefois pas considérés comme des hybrides, car la totalité de leur ADN nucléaire correspond au cluster “savane”. Ces résultats signifient plutôt qu’un flux génique a persisté historiquement au sein d’une zone hybride après la divergence des 2 espèces. L’ADN mitochondrial étant transmis exclusivement par la mère, il reste fortement lié au troupeau dans une espèce matriarcale comme l’éléphant. L’introduction répétée de mâles de savane dans des troupeaux forestiers, d’autant plus facile que les femelles favorisent les individus de grande taille, et un faible succès reproducteur des mâles hybrides expliquent la répartition actuelle des clades mitochondriaux et réconcilient les conclusions des études antérieures.

  • 1 Rohland N et coll. (Dec 2010) « Genomic DNA sequences from mastodon and woolly mammoth reveal deep speciation of forest and savanna elephants », PLoS Biology, 8(12):e1000564.

  • 2 Ishida Y, Roca AL et coll. (June 2011) « Reconciling Apparent Conflicts between Mitochondrial and Nuclear Phylogenies in African Elephants », PLoS ONE 6(6): e20642.

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