L’ÎLE AUX TORTUES À MONACO - La Semaine Vétérinaire n° 1503 du 06/07/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1503 du 06/07/2012

REPORTAGE

Auteur(s) : SHANEZ RICHERT

En accueillant une espèce de tortues menacée le 25 avril dernier, le Musée océanographique de Monaco conforte son rôle de sensibilisation du grand public sur la protection de la biodiversité.

C’est dans le cadre des liens d’amitié et de coopération entre la république du Mali et la principauté de Monaco que 7 tortues sillonnées (voir encadré) ont été offertes à son altesse sérénissime le prince Albert II de Monaco en février dernier, lors d’un voyage offi­ciel. Le monarque a souhaité les confier au Musée océanographique de Monaco pour créer un espace de découverte et de sensibilisation du public pour la protection de ces tortues millénaires menacées d’extinction. Le Musée océanographique est également membre du réseau Tortues marines de Méditerranée. Il collecte ainsi les informations sur les tortues présentes sur ces côtes, et étudie celles échouées ou trouvées en mer. Les spécimens blessés sont soignés, puis bagués avant d’être relâchés dans la Grande Bleue.

Un espace spécialement aménagé

Appelées ainsi à cause des cannelures profondes visibles sur leurs écailles, ces tortues sillonnées sont âgées approximativement de 2 à 20 ans (la plus grosse pèse environ 20 kg). Elles évoluent dans un enclos paysagé de 80 m2. Des panneaux d’informations sensibilisent le public à leur histoire, à leur environnement et à leurs besoins. Cet espace complète le grand bac (niveau - 2 du musée) qui accueille une tortue de mer appréciée des enfants et des adultes.

Un sol composé de terre et de sable agrémenté de végétaux, de rocailles, de souches d’arbres et de points d’eau leur permet, sous le regard des visiteurs (petits et grands), de se déplacer, s’abriter, se désaltérer et se rafraîchir. Elles ont également la possibilité de se réfugier dans “la bulle aux tortues”, maintenue à une température spécifique. Cet espace de 20 m2, de par sa localisation et sa constitution, constitue un bon poste d’observation pour le public.

Des soins adaptés à leurs particularités

Les soins quotidiens aux tortues sillonnées sont réalisés par les techniciens du Musée océano­graphique. Chaque matin, un soigneur part à la rencontre des 7 chéloniens afin de vérifier si ceux-ci sont bien réveillés et en bonne santé.

En milieu de matinée, l’équipe leur sert leur repas (du foin à volonté). Pour éviter les carences alimentaires et conserver une alimentation équilibrée et variée, ils reçoivent des fruits et des légumes (pommes, carottes avec fanes, herbes sauvages non traitées, telles que le pissenlit ou la mauve, etc.) 2 fois par semaine en complément.

Il convient de prendre garde à ne pas leur distribuer n’importe quelle verdure : certaines sortes de salades (la laitue, par exemple), trop pauvres en calcium, risquent d’engendrer des troubles du développement, tels que l’ostéofibrose nutritionnelle (qui se manifeste notamment par une perte de rigidité de la carapace avec l’apparition de déformations). De même, le chou et les brocolis sont à éviter, car ils peuvent provoquer la formation de goitres.

L’hydratation de la tortue sillonnée est particulière en milieu naturel. Vivant dans un environnement aride à l’hydratation saisonnière et ayant une alimentation peu aqueuse, cette espèce possède une grande capacité de rétention d’eau et se révèle capable de ne pas s’abreuver pendant une longue période. Pour compenser, la tortue peut boire de grandes quantités d’eau en une seule fois (jusqu’à 15 % de son poids). En captivité, un bassin est mis à leur disposition.

À l’instar de nombreux chéloniens, la tortue sillonnée craint le froid associé à une humidité importante et supporte mal les courants d’air. De telles conditions favorisent, en effet, le développement de rhinites susceptibles de dégénérer en pneumonie (souvent mortelle) si l’animal n’est pas soigné à temps.

Le soleil et les rayons ultraviolets B en particulier sont vitaux pour les tortues : ils permettent la synthèse de la vitamine D indispensable à l’absorption intestinale du calcium (élément primordial pour le développement du squelette et de la carapace). Aussi, en hiver, lorsque le soleil sera moins présent, l’équipe installera des lampes à rayons ultraviolets dans leur abri afin que les tortues continuent à synthétiser cette vitamine.

UNE ESPÈCE MENACÉE

La tortue sillonnée, nommée par les scientifiques Centrochelys sulcata, n’est dépassée en taille que par 2 espèces terrestres insulaires (la tortue des Galápagos et la tortue géante des Seychelles) et une autre, marine : la tortue luth (le spécimen connu le plus lourd pèse 950 kg).

Son environnement naturel est le Sahel (du Sénégal à l’Éthiopie), où le climat est fluctuant : d’importantes pointes de chaleur en journée en été alternent avec des nuits très froides en hiver. La tortue sillonnée creuse alors des tunnels de plusieurs mètres de long dans le sable pour échapper à ces variations extrêmes de température.

Ces tortues, en grand danger, sont à la fois menacées par les attaques des prédateurs (chacals, hyènes, etc.) et par les hommes (qui apprécient leur chair et leurs carapaces, vendues au marché noir). La destruction de leur habitat naturel, en raison de la déforestation, accélère les risques d’extinction de l’espèce.

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