Les risques sanitaires de l’alimentation moderne - La Semaine Vétérinaire n° 1502 du 29/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1502 du 29/06/2012

Colloque à Sciences Po

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Auteur(s) : STÉPHANIE PADIOLLEAU

L’Agence de sécurité sanitaire des aliments (Anses) et la chaire “développement durable” de Sciences Po ont organisé, le 25 juin dernier, un colloque sur le thème « systèmes alimentaires internationalisés : nouveaux risques, nouvelles régulations  ».

L’objectif était de réunir les différents acteurs du secteur agro-alimentaire pour « dresser un panorama des évolutions conjointes des filières et des dispositifs de contrôle sanitaire, des mécanismes d’adaptation de ces moyens de contrôle aux transformations de celles-ci  » et d’identifier de nouveaux dangers ou questions à étudier à l’avenir. Les risques (biologiques, toxiques ou nutritionnels) sanitaires induits par les aliments ne sont qu’un des critères considérés par les consommateurs. L’impact environnemental, une prise de conscience récente, est devenu incontournable. S’y ajoutent les contraintes de production, avec la recherche de faibles coûts pour augmenter les marges, tout en élaborant des denrées saines et acceptables par le grand public.

Invité à conclure la journée, Bernard Chevassus-au-Louis, président de l’Observatoire de la qualité alimentaire, a résumé le sujet en 3 points : internationalisation, analyse des risques et état actuel des connaissances.

L’internationalisation des systèmes alimentaires

En France et plus généralement en Europe, le système alimentaire agro-industriel domine : il représente environ 75 % de l’alimentation. Les 25 % restants proviennent d’une production domestique et des systèmes dits alternatifs (circuits courts, vente directe, etc.). « Un système alternatif, a expliqué Jean-Marc Touzard (Inra1), se définit par sa position vis-à-vis de celui qui domine, et leur expression est différente selon les pays et les régions. La coexistence et la combinaison de plusieurs systèmes alimentaires sont un trait de la globalisation. » Le système domestique domine en Afrique subsaharienne, où il fournit 40 % de l’alimentation. Le reste est issu des circuits vivriers locaux (25 %) et du secteur agro-industriel (20 %). Les différents systèmes sont tous interconnectés et sous l’influence de plusieurs facteurs, à commencer par la globalisation de la disponibilité des ressources. Les étapes de fractionnement subies par les matières premières font que les ingrédients d’un produit assemblé dans l’unité de production peuvent venir des 4 coins du monde. De plus, un problème sanitaire chez un producteur est susceptible de se répercuter sur tous les continents. L’exemple du lait à la mélamine produit en Chine, dont les composants frauduleux ont été utilisés en Amérique et en Afrique, a été cité plusieurs fois au cours de la journée. En outre, « les produits issus du fractionnement des matières premières peuvent être utilisés à d’autres fins qu’alimentaires, a expliqué Gilles Trystram, parfois avec une plus forte valeur ajoutée  ».

À cet égard, l’analyse des flux de capitaux à l’échelon mondial, et des mouvements des hommes et des informations, faisait un peu défaut dans le programme du colloque.

Analyse et gestion du risque

La gestion des risques telle qu’elle est appliquée en France et en Europe était détaillée par Jean-Luc Angot (DGAL2). L’efficacité du traitement des crises, lorsqu’elles surgissent, est assurée par le système de surveillance et de veille, et constamment améliorée. L’impact des crises sanitaires était illustré par Gilles Salvat (Anses), avec l’affaire des graines à germer contaminées par E. coli O104 : H4 et plusieurs épidémies de Listeria. La traçabilité imposée dans le domaine animal est sur le point d’être appliquée aux filières végétales, à la suite des conclusions des États généraux du sanitaire français et des leçons tirées de l’épidémie d’E. coli issue des graines germées.

Selon Bernard Chevassus-au-Louis, le système formel, qui comporte l’évaluation des agences (Efsa3, Anses) et la gestion par les États, n’est qu’une composante d’un système plus général. Sinon comment expliquer que le consommateur soit si inquiet, alors que l’alimentation n’a jamais été aussi sûre ? « Le système dans sa globalité crée l’opinion collective que les risques sont maîtrisés. » La perte de confiance n’est pas alors uniquement liée à l’analyse du risque : des notions, telles que le scandale, l’aversion, etc., jouent un rôle non négligeable. Bernard Chevassus-au-Louis suggère d’importer dans les grilles d’analyses des risques des concepts développés dans d’autres domaines (par exemple, ceux utilisés en écologie ou pour l’analyse des réseaux, comme la vulnérabilité d’un système, sa viabilité, sa résilience, qui visent à déterminer les points sensibles, ou les stratégies militaires utilisées pour débusquer un ennemi invisible). Il s’agit également de ne plus raisonner seulement sur le risque, mais aussi sur sa perception. Cela permettrait d’expliquer pourquoi un foyer de grippe aviaire dans un élevage de dindes a entraîné des conséquences dramatiques sur la consommation de poulet produit localement, tandis que celle de denrées transformées, telles que les nuggets fabriqués à partir de viandes importées de pays plus exposés, n’a pas chuté… Selon Gilles Salvat, « il n’existe pas de lien entre le risque réel et celui perçu par le consommateur, ni la médiatisation qui en est faite  ».

Le système de gestion des risques repose essentiellement sur l’adéquation des produits alimentaires à des normes soit édictées et imposées par les États (conventions nationales ou internationales parfois variables d’un pays à l’autre), soit volontaires et déterminées par les industriels. Les consommateurs sont peu ou pas impliqués dans l’établissement de ces normes. Cela dépend des pays et du degré de transparence appliqué.

Le statut actuel des connaissances

L’évolution des systèmes alimentaires vers la consommation de masse s’est accompagnée de changements technologiques. La nécessité de transporter et de conserver les denrées a généré l’essor des emballages. Des questions sanitaires se posent alors, afin d’identifier les étapes à risque lors des différents procédés : diffusion de matériaux (encre, molécules synthétiques) dans les aliments, produits néoformés au cours des processus de transformation. L’acrylamide, par exemple, est un problème partiellement maîtrisé. Bérénice Mazoyer (Ania4) a expliqué le processus de réflexion qui a entraîné l’établissement, au niveau européen, de lignes directrices destinées à limiter la formation de ce toxique. Les questions de sécurité nutritionnelle, et non plus sanitaire uniquement, sont également prises en compte (réduction des teneurs en sel ou en sucre, par exemple). Les techniques actuelles permettent des analyses chimiques ou biologiques de plus en plus pointues. Des molécules ou des germes sont détectés, mais les réponses relatives à leur impact et leurs effets pathogènes à long terme sont plus difficiles à appréhender. En outre, il est malaisé de connaître le comportement de l’utilisateur final des produits alimentaires. Les industriels peuvent indiquer les conditions de conservation ou d’utilisation sur les étiquettes, les gouvernants des recommandations nutritionnelles, mais il est impossible de savoir si elles sont respectées ou non par les consommateurs.

  • 1 Institut national de la recherche agronomique.

  • 2 Direction générale de l’alimentation.

  • 3 Autorité européenne de sécurité des aliments.

  • 4 Association nationale des industries alimentaires.

En chiffres

Le secteur agro-alimentaire en France représente 157 milliards d’euros, environ 10 000 entreprises et 500 000 emplois.

La France est le 4e exportateur mondial de produits alimentaires.

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