Les analyses biochimiques chez les oiseaux (partie 2) - La Semaine Vétérinaire n° 1502 du 29/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1502 du 29/06/2012

Formation

FAUNE SAUVAGE

Auteur(s) : HUGUES BEAUFRÈRE*, MÉLANIE AMMERSBACH**

Fonctions :
*résident en médecine aviaire à Baton Rouge (États-Unis)
**résidente en pathologie clinique à Guelph (Canada)

Points forts

– La lyse hépatocellulaire s’évalue par le dosage conjoint de l’activité de l’aspartate deshydrogénase, de la lactate deshydrogénase et de la créatine kinase.

– Une élévation de la concentration en acides biliaires est un marqueur sensible et spécifique d’une altération de la fonction hépatique.

– Pour évaluer la fonction rénale chez les oiseaux, seul l’acide urique est dosé. La mesure de l’urémie et de la créatininémie n’a aucun intérêt, sauf en cas de déshydratation où l’urémie est utile.

ACTIVITÉ DES ENZYMES HÉPATIQUES ET PANCRÉATIQUES

Enzymes

Les concentrations tissulaires des différentes enzymes hépatiques classiquement mesurées chez les mammifères sont légèrement différentes chez les oiseaux. Ainsi, présente en concentration trop faible, l’alanine aminotransférase (ALT) n’est généralement pas utilisée. L’aspartate deshydrogénase (AST) et la lactate deshydrogénase (LDH), présentes dans de nombreux organes, dont les muscles, sont peu spécifiques. Interpréter l’origine d’une augmentation de l’activité enzymatique plasmatique peut alors se révéler problématique chez les oiseaux. D’une manière générale, l’AST et la LDH s’interprètent conjointement avec la créatinine kinase (CK) spécifique des tissus musculaires (striés, lisses, cardiaques). La demi-vie de l’AST est longue (environ 8 heures) comparée à celle de la LDH (1 heure) et de la CK (3 heures). Lors de dommages hépatocellulaires, les concentrations enzymatiques s’élèvent souvent 3 à 4 fois au-delà des valeurs normales. La glutamate déshydrogénase (GLDH) est une enzyme mitochondriale spécifique du foie, mais peu sensible. L’élévation de son activité est généralement due à des dommages ou des nécroses hépatiques substantiels. La gamma-glutamyl transpeptidase (GGT) est également spécifique du foie, mais sa valeur est rarement élevée. Elle semble cependant utile pour le diagnostic des cancers des voies biliaires (provoqué par le psittacid herpesvirus). Les enzymes pancréatiques (amylase et lipase) peuvent être mesurées, leur activité semble corrélée avec les lésions pancréatiques, même si cela n’est pas vérifié dans la littérature.

Interprétation

Une activité de l’AST, de la LDH et de la CK en dessous de 400 UI/l est considérée comme normale chez la plupart des espèces aviaires. Les variations de ces 3 paramètres sont à interpréter de manière conjointe (voir tableau).

Une simple contention peut entraîner une augmentation de l’activité enzymatique plasmatique. Ainsi, il convient de prélever du sang avant toute injection, traitement ou contention longue. Les myopathies de capture se manifestent par des élévations importantes de l’activité de la CK, de l’ordre de 10 000 à 300 000 UI/l. L’activité de la CK est en général modérément élevée lors de sepsis et de néoplasmes. L’hémolyse entraîne une augmentation marquée de l’activité de la LDH.

ÉVALUATION DE LA FONCTION HÉPATIQUE

Bien que l’enzymologie soit indispensable, elle ne teste pas la fonction hépatique et son interprétation présente des limites.

En revanche, une élévation de la concentration en acides biliaires est un marqueur spécifique et sensible d’une altération de la fonction hépatique. En général, une valeur supérieure à 80 µmol/l est indicatrice d’hépatopathie. Cependant, une prise de nourriture remontant à moins de 24 heures peut provoquer une élévation de cette concentration (rarement supérieure à 140 ou 150 µmol/l).

La mesure de la bilirubinémie est peu utile chez les oiseaux : comme ils sont déficients en enzyme biliverdine réductase, la conversion de la biliverdine en bilirubine est limitée. En revanche, lors d’hépatite aiguë et sévère, une forte augmentation de la bilirubine est fréquemment notée.

Une baisse sévère de la fonction hépatique (par exemple en cas d’hémochromatose avancée, d’amyloïdose ou de cirrhose hépatique) peut théoriquement être associée à une diminution de la concentration des protéines totales, de l’albumine, de l’acide urique, des acides biliaires, ainsi qu’à une augmentation de l’ammonium. En général, seule une baisse de la protéinémie est notée.

MÉTABOLISME AZOTÉ ET FONCTION RÉNALE

Tous les oiseaux sont uricotéliques, c’est-à-dire que l’acide urique est le principal produit du catabolisme azoté. Une concentration sanguine supérieure à 1 000 µmol/l est anormale. La mesure de l’urémie et de la créatininémie n’a aucun intérêt dans l’évaluation de la fonction rénale chez les oiseaux (la première est toutefois utile lors d’insuffisance rénale prérénale, et est alors augmentée). La concentration sanguine en acide urique ne s’accroît que dans les stades avancés de maladies rénales ou de déshydratation. Ce n’est donc pas un marqueur sensible et précoce. Des élévations postprandiales marquées sont observées chez les espèces carnivores et piscivores, susceptibles d’avoisiner des valeurs considérées comme pathologiques. Une hausse marquée de l’acide urique s’accompagne souvent d’une acidose métabolique et de sa précipitation sous la forme de cristaux dans les articulations ou les viscères (goutte).

MÉTABOLISME DES LIPIDES

Les oiseaux sont sujets à de nombreuses maladies liées à des dyslipidémies, telles que l’athérosclérose, la lipidose hépatique et l’obésité. La capacité de ces animaux à stocker des graisses excède celle des mammifères et la lipogenèse est principalement hépatique. Certaines différences existent et sont à prendre en compte pour interpréter le profil lipidique des oiseaux. Ceux-ci possèdent les mêmes types de lipoprotéines que les mammifères : portomicrons (à la place des chylomicrons), VLDL (very low density lipoprotein), LDL (low density lipoprotein) et HDL (high density lipoprotein). Contrairement à l’homme, les oiseaux transportent principalement le cholestérol sous forme de HDL. Les femelles reproductrices possèdent des lipoprotéines spécialisées dans le transport vers le jaune (vitellogenine et VLDLy), ce qui se traduit par une élévation drastique du cholestérol, des triglycérides et des VLDL sur le profil lipidique. L’induction expérimentale de lésions d’athérosclérose sur les pigeons, les cailles et les perruches moines s’accompagne d’une hausse du cholestérol et des LDL.

HÉMOCHROMATOSE

L’exploration biochimique de l’hémochromatose, une affection fréquente chez certains groupes d’oiseaux frugivores (toucans, lories, oiseaux de paradis, étourneaux, calaos, etc.), n’a pas permis d’établir de relation précise entre la progression de la maladie et l’élévation de marqueurs du métabolisme du fer (concentration ferrique plasmatique, transferrine, saturation de la transferrine et ferritine). Il est donc conseillé d’avoir recours à des biopsies hépatiques ou à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour le diagnostic et le suivi de cette affection.

MALADIES ENDOCRINIENNES

Les maladies endocriniennes sont rares chez les oiseaux. Le principal glucocorticoïde circulant est la corticostérone, et non le cortisol comme chez les mammifères. Elle est donc à mesurer lors des tests hormonaux de la fonction surrénalienne (stimulation à l’ACTH, test de suppression à la dexaméthasone). La thyroxine (T4) circule à une faible concentration chez les oiseaux. Une méthode radio-immunologique est nécessaire pour la détecter de façon précise. La mesure de la T4 libre n’est pas documentée. Le test de stimulation à la TSH est recommandé pour confirmer un diagnostic d’hypothyroïdie.

INTOXICATIONS

> L’intoxication au plomb est fréquente chez les perroquets de compagnie, les ansériformes qui ingèrent des sédiments contaminés par des plombs de chasse ou de pêche, et les oiseaux prédateurs ou charognards qui se nourrissent d’animaux contaminés ou se repaissent sur des cadavres d’animaux tués au plomb. Le plomb est dosé sur du sang total. Une concentration supérieure à 0,2  ppm est en faveur du saturnisme ; elle est diagnostique au-delà de 0,4 à 0,6 ppm. Les perroquets amazones intoxiqués présentent fréquemment une hémolyse.

L’intoxication au zinc est principalement rencontrée chez les perroquets et les animaux sauvages captifs. Le zinc est dosé sur du plasma. Le sang est collecté dans un tube sans séparateur, centrifugé immédiatement, et le plasma transféré dans un tube certifié sans résidus de zinc. Une concentration supérieure à 2 ppm est en général diagnostique.

> Les autres intoxications communes chez les oiseaux sauvages incluent celle aux anti-vitamines K (souvent secondaire à l’ingestion de rongeurs contaminés) et celle aux insecticides organophosphorés ou carbamates (carbofuran en particulier). Au niveau biochimique, un temps de prothrombine élevé (testant la voie extrinsèque de la coagulation, majoritaire chez les oiseaux) est en faveur d’une intoxication aux anticoagulants chez un rapace qui présente des signes cliniques compatibles. Ce test de coagulation nécessite d’être calibré avec de la thromboplastine aviaire ou du venin de vipère de Russels. Le degré d’inhibition de l’acétylcholinestérase plasmatique peut être utilisé pour diagnostiquer l’exposition aux insecticides.

Pour en savoir plus

> Lumeij JT, Avian Clinical Biochemistry. In: Kaneko JJ, Harvey JW, Bruss ML, Clinical biochemistry of domestic animals, Elsevier, 2008, pp. 839-872

> Fudge AM, Laboratory medicine: avian and exotic pets, Saunders, 2000, 486 p.

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