Diagnostic, traitement et prévention des entérotoxémies chez la chèvre - La Semaine Vétérinaire n° 1502 du 29/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1502 du 29/06/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/CAPRINS

Auteur(s) : KARIM ADJOU*, ÉMILIE BRIOT**

DIAGNOSTIC

Le diagnostic repose sur l’association :

> d’une anamnèse compatible avec une entérotoxémie ;

> de signes cliniques évocateurs ;

> de la présence d’une entérocolite à l’autopsie ;

> de l’isolement de Clostridium perfringens à partir du contenu intestinal et de la mise en évidence de la toxine epsilon.

Le diagnostic différentiel de la forme suraiguë inclut toutes les causes de mort subite, les intoxications par les plantes ou des produits chimiques en particulier. La mort subite de chevreaux âgés de moins de 3 semaines est possible lors d’entérotoxémie de type C mais pas D, car les taux normaux de trypsine de ces animaux ne sont pas suffisants pour activer la toxine.

Lorsque la diarrhée fait partie du tableau clinique, le diagnostic différentiel inclut la coccidiose, la salmonellose, la yersiniose et, chez les animaux plus jeunes, la cryptosporidiose ou les colibacilloses (voir tableaux). Chez les chèvres laitières, les premiers stades de la forme aiguë de la maladie peuvent faire penser à une fièvre de lait. La réponse favorable à l’administration parentérale de solutés calciques permet de clarifier le diagnostic.

La forme chronique de l’entérotoxémie ne peut pas être différenciée cliniquement d’une salmonellose chronique. Le diagnostic dépend alors des résultats des cultures bactériennes.

TRAITEMENT

Une intervention agressive et rapide est nécessaire dans tous les cas, ainsi que l’isolement des animaux malades. L’administration par voie intraveineuse de solutés électrolytiques qui contiennent des bicarbonates est indiquée afin de lutter contre le choc, la déshydratation et l’acidose. L’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens est susceptible d’aider à stabiliser les animaux qui présentent un choc toxémique et de soulager la douleur. Une thérapie antibiotique limite la prolifération bactérienne.

Il est également possible d’administrer, de préférence par voie intraveineuse, des antitoxines de types C et D dans les cas sévères. La quantité prophylactique recommandée est de 5 ml environ, tandis que la dose thérapeutique peut atteindre 100 ml. En raison du coût parfois élevé, la dose efficace requise est donc la plus faible possible, de 5 à 20 ml. Lorsque les chèvres répondent favorablement à l’administration d’antitoxines, une amélioration rapide, parfois temporaire, est observée dans les 1 à 2 heures qui suivent l’injection. Il est possible de répéter les doses toutes les 3 à 4 heures, en les diminuant ou non, jusqu’à ce que l’état de l’animal se stabilise.

Dans la forme chronique, 2 doses de 20 ml d’antitoxines, administrées à 4 jours d’intervalle, semblent être un traitement relativement efficace. Un arrêt de la diarrhée chez les chèvres, ainsi que l’amélioration de la production laitière et de leur état corporel sont notés.

Il y a quelques années, des cas d’hypersensibilité allergique ont été observés à la suite de l’administration répétée d’antitoxines chez des saanen. Il est possible de prévenir le risque de choc anaphylactique, surtout chez cette race, par l’injection d’épinéphrine (0,03 mg/kg par voie intraveineuse).

Pour favoriser l’élimination de la toxine epsilon de l’intestin, la distribution per os de divers adsorbants, tels que le charbon activé, le sulfate de magnésium, l’hydroxyde de magnésium ou le kaolin pectate, est possible. Malgré la rationalité de leur usage, leur efficacité thérapeutique n’a jamais été prouvée.

Face à des épisodes d’entérotoxémie, tous les animaux sont à considérer comme à risque. L’état des bêtes vaccinées est à renforcer et les chèvres non vaccinées doivent recevoir une dose prophylactique d’antitoxines associée à une primovaccination, avec un rappel 2 à 3 semaines plus tard. L’antitoxine est réputée fournir 10 jours à 3 semaines de protection aux animaux.

La présence excessive d’hydrates de carbone dans la ration est à corriger immédiatement, avec un apport en fourrages grossiers.

PRÉVENTION

Les caprins sont fort sensibles à l’entérotoxémie et la vaccination est recommandée. Il est reconnu qu’elle n’offre pas le même degré de protection aux caprins qu’aux ovins et que la persistance de l’antitoxine sérologique à un niveau protecteur chez les chèvres est limitée.

La primovaccination est suivie par un rappel 3 à 6 semaines plus tard et les rappels peuvent être biannuels ou triannuels, de manière à ce que la dernière dose soit injectée 2 à 3 semaines avant la parturition chez les chèvres gravides. Dans les troupeaux qui ont un historique d’entérotoxémie, les rappels sont conseillés tous les 4 mois.

Ce protocole de vaccination augmente l’effet protecteur du colostrum chez les nouveau-nés. Les chevreaux peuvent être vaccinés à partir de 4 semaines d’âge et avant le sevrage. Le rappel peut être effectué 3 à 6 semaines plus tard, selon l’état sanitaire du troupeau.

Les vaccins qui contiennent Clostridium perfringens de types C et D, associés ou non au tétanos, sont préférables à l’utilisation de vaccins plus complexes qui incluent plusieurs valences de clostridies. La réponse en anticorps antitoxine epsilon serait significativement moins importante avec un vaccin multiple qu’avec un vaccin bivalent (types C et D).

L’injection se pratique par voie sous-cutanée au niveau de l’encolure. Les chèvres peuvent réagir de façon marquée, avec des réactions locales au niveau du point d’injection, voire développer un choc anaphylactique. L’apparition d’abcès stériles de 2 à 5 cm de diamètre est plus souvent liée aux qualités intrinsèques de la préparation vaccinale plutôt qu’à la technique d’injection. Il est préférable de choisir un site d’injection éloigné des nœuds lymphatiques afin d’éviter toute confusion avec une lymphadénite caséeuse. La technique de vaccination est à suivre scrupuleusement pour la vaccination de chèvres de concours. L’injection se pratique par voie sous-cutanée sur le torse derrière le coude. Une réaction y est, en effet, moins visible. En revanche, s’il en apparaît une, et si celle-ci se surinfecte, elle peut devenir de plus grande taille à cet endroit.

En plus de la vaccination, le contrôle de l’entérotoxémie passe par ceux de l’alimentation et de l’état des animaux :

> maîtrise des transitions alimentaires ;

> éviter la surconsommation de concentrés ;

> prévenir les accès accidentels au silo de concentrés ou à d’autres réserves d’aliments ;

> lutte contre le parasitisme.

Bibliographiques

  • C. Bousquet : « Pathologie caprine dans les Deux-Sèvres : état des lieux et impact sur les niveaux de réforme et de mortalité », thèse vétérinaire, Toulouse 2005.
  • C. Chartier : « Pathologie caprine », Éditions du Point Vétérinaire, 2009.
  • K. Trevennec : « Entérotoxémies : comparaison des formes ovines et caprines », thèse de doctorat vétérinaire, Alfort 2006.
  • T.E. Blackwell, DG. Butler et JA. Bell : « Enterotoxaemia in the goat : the humoral response and local tissue reaction following vaccination with two different bacterin-toxoids », Can. J. Comparative Pathol. Med., vol. 47, 127-132.
  • G. Mitchell : « Differential diagnosis of diarrhoea in goat at grass », In Practice, 1999, pp. 139-143.
  • FA. Uzal et WR Kelly : « Serum antibody responses to a Clostridium perfringens epsilon toxoid vaccine in goats », Anaerobe, 1999, vol. 5, pp. 287-289.

L’ESSENTIEL SUR LES ENTÉROTOXÉMIES CAPRINES

Étiologie

> Agent : Clostridium perfringens de type D.

> Facteur de virulence : toxine epsilon.

> Répartition géographique : mondiale.

Tableau clinique

3 formes :

> suraiguë : mort subite avec ou sans signes digestifs, surtout chez les jeunes animaux ;

> aiguë : forme la plus fréquente chez les chèvres adultes, elle génère une diarrhée aqueuse avec la présence de sang, des douleurs abdominales, de la déshydratation et de l’acidose ;

> chronique : chez les adultes, de l’abattement, une baisse de production, un amaigrissement progressif, avec un épisode de fèces pâteuses, sont notés.

Tableau lésionnel

> Colite, typhlite fibrino-hémorragiques ;

> œdème mésentérique ;

> autolyse très rapide du cadavre (reins pulpeux) ;

> diagnostic clinique et confirmation par culture bactérienne de la muqueuse intestinale et/ou détection par un test Elisa de la toxine epsilon dans les fèces ou le contenu intestinal.

Pronostic : sombre.

Traitement

> Lutte contre l’acidose et la déshydratation par fluidothérapie ;

> anti-inflammatoire ;

> antibiothérapie.

Prévention

> Vaccination des animaux avec un rappel tous les 4 à 6 mois ;

> gestion de l’alimentation ;

> lutte contre le parasitisme.

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