Monotraite des brebis laitières corses - La Semaine Vétérinaire n° 1501 du 22/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1501 du 22/06/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/OVINS

Auteur(s) : JEAN-FRANÇOIS GAUTHIER*, KARIM ADJOU**

Fonctions :
*praticien à Ghisonaccia (Haute-Corse).

POINTS FORTS

– Faible diminution de production entre monotraite et bitraite (moins de 10 %).

– Le passage d’un rythme de traite à l’autre est possible sans effet sur la santé des brebis ou leur production.

– Le temps de vidange de la mamelle n’est pas plus long en monotraite qu’en bitraite.

À la demande de certains éleveurs corses auprès de la collectivité territoriale responsable de la politique agricole de l’île, une évaluation du passage en monotraite chez des brebis de race locale s’est déroulée durant 2 campagnes laitières (de 2009 à 2011) sur le troupeau de la station expérimentale d’Altiani.

Cette expérimentation vise à étudier l’influence de la fréquence de traite sur la production laitière et la qualité du lait dans les conditions les plus proches de la pratique pastorale insulaire.

CONDITIONS DE L’EXPÉRIMENTATION

Le troupeau est divisé en 2 lots de 100 brebis environ. Au fur et à mesure des mises bas, l’un est conduit avec une traite uni­que le matin (lot monotraite) et l’autre traditionnellement avec une traite le matin et le soir (lot bitraite). La constitution des groupes repose à la fois sur des critères individuels (date de mise bas, prolificité, index génétique, âge de l’animal, notes d’état corporel à la première traite) et de production (niveau de production au premier contrôle laitier officiel, production laitière globale, durée de la traite lors de la campagne précédente).

Les animaux des 2 lots sont conduits ensemble au pâturage, reçoivent la même complémentation alimentaire, ainsi qu’une quantité de fourrage identique le soir en bergerie. La mise à la traite a lieu 35 jours environ après l’agnelage. Pendant ces 35 premiers jours, les agneaux sont élevés sous la mère.

Plusieurs paramètres sont notés pendant l’étude : production laitière quantitative par lot, composition du lait pro­duit (matières grasses et protéiques, matière sèche utile), cellules somatiques, germes totaux et coliformes, note d’état corporel, temps de traite pour chaque lot.

RÉSULTATS

→ La production laitière globale présente un écart de 6 et 9 % en faveur du lot bitraite. Les matières grasses du lait sont légèrement supérieures dans le lot bitraite. Les matières protéiques du lait et la matière sèche utile présentent de très faibles écarts en faveur du lot monotraite et en faveur du groupe bitraite pour les quantités produites quotidiennement.

→ Au cours des 2 campagnes laitières, l’évolution des cellu­les somatiques présentes dans le lait de tank des 2 lots ne révèle ni différence significative sur le comptage cellulaire ni mammite.

→ La flore totale des laits de tank des 2 groupes est plutôt inférieure en monotraite. Pour les coliformes, aucune différence interprétable n’est observée entre les 2 lots.

→ Une note d’état corporel légèrement inférieure en bitraite est notée. Ce phénomène peut être dû à une production laitière faiblement supérieure.

L’évaluation du passage en monotraite ne met en évidence aucune différence significative sur la durée de la traite du matin pour des productions laitières journalières moyennes qui varient de 450 à 900 ml par jour et par brebis. Un important gain de temps est noté dans le lot monotraite.

CONCLUSIONS

Provisoires, les conclusions doivent être validées par les suivis des troupeaux corses qui pratiquent cette nouvelle méthode.

La monotraite permet une meilleure organisation du temps de travail. Elle offre un gain de temps considérable d’autant que chez la race corse, la durée de la traite unique n’est pas allongée. Il s’agit donc d’une véritable division par 2 du temps de travail consacré à cette opération.

Cette méthode divise également par 2 les dépenses liées à la traite (consommation d’énergie, d’eau, des produits de lavage de l’appareil, etc.). De plus, une hausse de la durabilité de la machine à traire est plausible.

Il est possible d’utiliser des parcelles plus éloignées et inaccessibles lorsque 2 traites quotidiennes sont nécessaires. Cela permet de laisser les ovins au pâturage, la nuit lors de grandes chaleurs, ce qui améliore le bien-être animal et offre de meilleures performances laitières grâce à une meilleure prise de nourriture. L’amélioration du bien-être animal se mesure également par la diminution du stress lié à la traite et des traumatismes mammaires qu’il est susceptible de générer. Cette technique réduit aussi le risque d’infection mammaire le plus fréquent. L’augmentation de la consommation d’herbe permet, en outre, une diminution des coûts liés à l’alimentation.

La stabilité de la qualité du lait à transformer issu d’une seule traite est fort appréciée des fromagers. Le stockage est réduit et l’organisation du travail de fromagerie beaucoup plus facile.

La fabrication fromagère est améliorée en quantité et en qualité, car il est possible de supprimer le stockage du lait et sa réfrigération en fabrication quotidienne en utilisant un produit reposé, travaillé à température ambiante, dans le respect de la qualité bactériologique naturelle, avec sa flore originale. Les résultats obtenus en station expérimentale sont confirmés par la dizaine d’éleveurs qui ont opté depuis quelques années pour cette nouvelle technique. Cette dernière leur a donné entière satisfaction. En effet, aucun n’est revenu à la méthode traditionnelle des 2 traites quotidiennes.

ADAPTATION PARTICULIÈRE DE LA RACE CORSE À LA MONOTRAITE

La réduction de la quantité de lait produite en une seule traite journalière, faible dans le cas de la race ovine corse, semble due à un mécanisme de régulation autocrine. Lorsque le lait s’accumule dans la mamelle, des molécules de caséinophospholipides issues de l’hydrolyse enzymatique des caséines du lait inhiberaient la sécrétion ultérieure de lait. Ce phénomène, plus accentué chez les primipares et d’autant plus important que la monotraite est appliquée dès la mise bas, deviendrait notable après plus de 20 heures d’accumulation de lait dans la citerne. Or la pratique corse d’un allaitement des agneaux pendant 30 à 35 jours après l’agnelage permet une stimulation mammaire en tout début de lactation. Celle-ci favorise la lactogenèse et le développement mammaire des jeunes laitières. Cela explique la faible diminution de la production laitière (6 à 9 % ) chez les ovins corses soumis à la monotraite en comparaison avec d’autres races ou espèces (10 à 19 % chez les brebis lacaunes ou frisonnes, 15 à 40 % chez la chèvre laitière et jusqu’à 50 % chez la vache prim’holstein). Le passage d’une technique à l’autre est tout à fait possible sans inconvénient au cours d’une même campagne laitière. La monotraite est susceptible d’être adoptée temporairement afin de faire face à un surcroît de travail saisonnier. Cette flexibilité est d’autant plus intéressante que les animaux ne subissent aucun effet négatif. Le passage de la monotraite à la bitraite (ou l’inverse) ne semble pas poser de problème particulier chez les ovins corses. Il serait intéressant de juger si la flexibilité de ces brebis se retrouve chez les autres races laitières.

LES BREBIS CORSES EN CHIFFRES

→ Effectif total pour les 2 départements corses : 110 000 brebis laitières.

→ Moyenne de production laitière, tous âges confondus : 137 l en 184 jours.

→ Première lactation : 92 l en 129 jours.

→ Deuxième lactation et plus : 146 l en 194 jours.

→ Prolificité moyenne (toutes techniques confondues) : 1,10.

→ Monte naturelle : 1,064.

→ Insémination artificielle : 1,176.

→ Fertilité : – antenaise en première lactation : 71 % ;

– adultes en deuxième lactation : + 96 % .

→ Composition moyenne du lait de brebis corse :

– matières grasses : 77 g par litre ;

– matière protéique : 58 g par litre ;

– matière sèche utile : 135 g par litre.

→ Cellules et germes totaux :

– moyenne des cellules somatiques par millilitre de lait : 800 000 à 1 million.

→ Moyenne de 200 000 à 400 000 germes totaux pour 1 000 l de lait.

Sources : résultats du contrôle laitier officiel 2010 établi sur 20 000 brebis environ suivies chaque année, détenues par 73 éleveurs adhérents au CLO.

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