Langage verbal : le poids des mots - La Semaine Vétérinaire n° 1501 du 22/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1501 du 22/06/2012

Dossier

Auteur(s) : CHRISTOPHE DEFORET

Même si la gestuelle occupe une place prépondérante dans notre communication, nous ne choisissons pas nos mots au hasard et nos formulations peuvent être lourdes de conséquences dans nos échanges…

Formules négatives, mots minimisants et termes obscurs polluent parfois notre discours.

Débusquons-les afin d’améliorer notre contact avec nos clients et nos collaborateurs !

Selon les études menées en psycholinguistique, le langage strictement verbal – c’est-à-dire le choix des mots – ne représente que 10 % de l’impact de la communication, loin derrière le non verbal (55 %) et le paraverbal (essentiellement l’intonation, 35 %). Cependant, il s’agit sans doute de la part de la communication la plus facile à modifier afin d’améliorer sa relation avec autrui. En effet, même s’il n’est pas simple de changer des habitudes de langage, adapter sa gestuelle ou son intonation, en situation difficile, est encore moins aisé. La confrontation à un interlocuteur agressif est l’un des meilleurs exemples : lorsqu’un client ou un collaborateur vous attaque verbalement, votre réponse naturelle, non maîtrisée, est l’agression (la fuite est rarement possible…). Or, progresser dans cette spirale n’apporte pas grand-chose de positif. Avec un peu d’entraînement, il est possible de bannir les petites phrases qui attisent la colère de l’autre (« calmez-vous », « ce n’est pas si grave », etc.). Avec encore plus d’efforts, vous parviendrez aussi à moduler le ton de votre voix, notamment en marquant une micropause avant de répondre. Cela permet de faire retomber votre propre colère.

En revanche, modifier son comportement non verbal est beaucoup plus difficile, car celui-ci est le plus instinctif et inconscient, le moins contrôlable1. Entraînons-nous à proscrire les mots et les phrases qui polluent notre langage par diverses approches.

POSITIVER LA FORMULATION

Culturellement, les Français ont tendance à s’exprimer négativement. Nous avons une réputation de râleurs et nous parlons plus volontiers de tout ce qui ne va pas que le contraire, comme les trains qui arrivent en retard, en oubliant que la majorité d’entre eux respectent les horaires. En France, lors de conférences, il est marquant de constater que la première personne qui intervient après le conférencier profère souvent une critique ou affiche un point de vue différent. En revanche, outre-Atlantique, il est plus fréquent d’entendre des louanges sur le travail exposé avant de discuter de points de détail. Toute notre communication est construite sur cet esprit négatif.

De façon plus sournoise, le négatif s’insère dans les « pas de problème », « ne vous inquiétez pas » qui jalonnent notre communication quotidienne. En effet, la plupart des psychologues s’accordent à considérer que lorsqu’une phrase négative est énoncée, l’inconscient de l’interlocuteur ne stocke pas la formule entière, mais capte seulement les mots que nous avons voulus “négativer”, tels que « problème », « inquiétez »… L’inconscient de l’interlocuteur gomme les « ne… pas ». La preuve : si à ce moment précis, on vous demande de ne pas penser à un éléphant rose, il y a fort à parier que vous aurez à l’esprit un pachyderme ridiculement coloré ! Il s’agit donc de trouver des formulations qui ont le même sens, mais à l’impact différent, tournées de façon positive (par exemple, « tout va bien se passer » ou « rassurez-vous »).

Par ailleurs, les sacro-saints « problèmes » reviennent sous toutes les formes dans notre communication, y compris dans les situations les plus anodines : pourquoi répondre à la demande « passe-moi le sel ! » par « pas de problème ! » ? Il s’agit de l’une de ces expressions utilisées pour remplir le discours, car nous avons peur du vide, du silence. Le psychologue Joseph Messinger, spécialiste de la communication verbale et non verbale, considère que 80 % des mots que nous prononçons servent de remplissage. Les 20 % qui restent correspondent à l’essence propre de notre message. Or, le silence est un réel atout à certains moments du dialogue (voir article en page 29). Laisser parler l’autre et l’écouter est la base d’une communication efficace.

Dans le même registre, il est fréquent d’entendre « de rien » ou « il n’y a pas de quoi » comme réponse à « merci ». Ce dernier mot est un petit cadeau verbal, qui montre la satisfaction. Y répondre par un « de rien », revient, symboliquement, à rejeter ce présent à la face de l’interlocuteur. Préférons donc un « je vous en prie ».

D’ailleurs, nous avons du mal à accepter les vrais cadeaux. Plutôt que d’exprimer que cela nous fait plaisir, nous disons souvent « ce n’était pas la peine » ou, dans un contexte professionnel, « nous n’avons fait que notre travail ». Il est beaucoup plus valorisant pour celui qui offre d’entendre que cela a fait plaisir plutôt que c’était inutile… Il en va de même pour les compliments, que bon nombre d’entre nous peinent à accepter et rejettent de la même façon avec une formule toute faite.

QUESTIONNER POSITIVEMENT

Le questionnement est le gage d’une bonne communication. Le mode impératif n’est pas le plus opérant dans l’exercice professionnel, notamment avec nos clients. Plutôt que d’asséner « il faut faire tel examen », il est plus porteur de leur expliquer l’intérêt de celui-ci, puis de leur demander s’ils sont d’accord pour le réaliser. Cela nous situe pleinement dans le contexte du consentement éclairé et est beaucoup plus agréable pour le client, qui ne s’est pas vu imposer quelque chose, mais qui l’a choisi.

Le questionnement présente le double intérêt de mieux cerner les besoins de nos clients et de créer du contact avec eux. Grâce à lui, ils ont la sensation que nous n’apportons pas des réponses toutes faites, mais que nous nous intéressons à leur cas particulier. Ainsi, même si nous savons d’emblée que la réponse à la demande d’un client sera négative, lui poser des questions sur la situation pour aboutir ensuite à une solution différente de celle qu’il désirait sera plus facilement accepté.

De façon générale, questionner nous rend agréable aux yeux de nos interlocuteurs. Imaginez que vous passez une soirée avec une personne que vous ne connaissez pas auparavant et qui vous raconte son existence en détail, sans s’intéresser le moins du monde à votre vie. Imaginez-vous le lendemain avec une autre nouvelle connaissance qui, elle, vous interroge sur vous-même (de façon non intrusive). Aussi intéressante que puisse être l’existence de la première, il y a des chances que vous trouviez la deuxième plus sympathique…

Si le fait de questionner a pour but d’obtenir quelque chose, il convient aussi d’éviter la forme interro-négative, dont nous avons tendance à abuser. À la question « n’auriez-vous pas la possibilité d’amener votre animal ? », la réponse spontanée a de fortes chances d’être « non ! ». La même phrase formulée positivement a davantage de chances d’aboutir à ce que vous souhaitez. Le mode utilisé influence également la réponse. Le conditionnel projette l’interlocuteur dans une situation improbable ou difficile, tandis que l’indicatif intègre la proposition au champ des possibles. Joseph Messinger a mené lui-même l’expérience de demander des cigarettes à des inconnus avec 3 formulations différentes : « Vous n’auriez pas une cigarette ? » ; « auriez-vous une cigarette ? » ; « avez-vous une cigarette, s’il vous plaît ? » Si les résultats de la première formule ne sont pratiquement jamais positifs et plus variables avec la deuxième, Joseph Messinger affirme avoir eu 100 % de succès avec la dernière formule !

ÉVITER LES FORMULATIONS MINIMISANTES

Nous avons parfois tendance à ponctuer notre discours de mots minimisants, tels que « assez », « relativement », « petit », qui vont à l’encontre de la valorisation de ce que nous présentons.

Ainsi, proposé au client une « petite » consultation, ou un « petit » collyre, n’est cohérent ni avec le prix ni avec l’intérêt de la consultation ou du médicament. De même, énoncer que le produit conseillé est « assez » efficace ou « assez » pratique, ne permet pas idéalement de convaincre. À défaut d’utiliser des superlatifs, susceptibles d’être discutables, car tout est relatif en médecine, évitons les mots « assez » et « relativement ». Nous vendons des produits qui sont efficaces et faciles à utiliser !

Méfions-nous également des constructions de phrases au conditionnel passé. La phrase « J’aurais aimé obtenir un rendez-vous » ne montre aucune détermination dans la demande et n’incite pas l’interlocuteur à y accéder. Il s’agit souvent d’une minimisation liée à notre éducation, à la politesse qui vise à ne pas déranger. Néanmoins, se positionner dans un conditionnel passé n’est pas se projeter dans la réalisation de l’action. « Je souhaite un rendez-vous » est une formulation beaucoup plus adaptée à la réussite de la démarche.

LE CHOIX DES TERMES

Afin d’être bien compris, il convient aussi d’éviter de jargonner. Notre langage technique est certes utile pour communiquer de façon précise, mais devient rapidement incompréhensible pour le client et génère du stress. L’emploi de termes médicaux nous positionne en tant que professionnels compétents, mais il est nécessaire de les expliciter pour ne pas placer l’interlocuteur dans une impasse et qu’il en tire profit. Le domaine médical n’est pas la spécialité de la plupart des propriétaires d’animaux. Ils peinent à nous suivre si nous ne nous adaptons pas. Bon nombre d’entre nous ont déjà été confrontés à des professionnels dont ils ne partagent pas la compétence. Plus nous expliquons de façon claire, plus nous sommes appréciés et gagnons finalement du temps avec un client qui a compris la teneur de notre message. Le langage non verbal de notre interlocuteur nous guide dans la nécessité de détailler ou non les explications : son visage nous indique bien son niveau de compréhension (acquiescement de tête, ou au contraire, froncement de sourcils).

  • 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1494 du 4/5/2012, p. 29 à 35.

EXERCICE DE COMMUNICATION POSITIVE

Comment transformer notre communication de façon positive ? Voici quelques exemples.

→ Face à un client perplexe devant le présentoir d’aliments : « Je ne peux pas vous aider ? »

Attitude positive : « Souhaitez-vous des renseignements sur les aliments ? »

→ « Ne vous inquiétez pas, il n’y a pas de problème ! »

Attitude positive (si la situation permet d’être raisonnablement optimiste, bien entendu) : « Rassurez-vous, tout va bien se passer ! »

→ « Vous pouvez utiliser ce produit sans risque. »

Attitude positive : « Vous pouvez utiliser ce produit en toute sécurité. »

→ « En cas de problème, vous pouvez me recontacter. »

Attitude positive : « Si vous avez besoin de précisions, vous pouvez me recontacter » (plutôt que de projeter le client dans une situation de « problème »).

→ « Vous ne pourriez pas nous amener votre animal ? »

Attitude positive : « Pouvez-vous nous amener votre animal ? »

→ « N’oubliez pas d’apporter le document ! »

Attitude positive : « Pensez à apporter le document ! »

→ « On va faire ce que l’on peut… »

Attitude positive : « Nous allons faire le maximum. »

→ « Je ne sais pas si je peux déranger mon confrère »

Attitude positive : « Je vais voir si mon confrère est disponible » (évitez d’associer le client à la notion de dérangement).

COMMENT CHANGER SON LANGAGE

Parler différemment pour être plus convaincant, c’est possible. Cependant, modifier sa façon de construire les phrases et éviter les mots qui les “polluent” requiert de l’entraînement.

La première étape consiste à s’entendre prononcer ces formules négatives, ces mots minimisants pour, plus tard, réussir à les remplacer par d’autres. L’aide de proches peut être utile pour débusquer ces tics de langage. Supprimer toutes les formulations négatives n’est pas nécessairement l’objectif immédiat. Toutefois, en limiter la quantité est une bonne première étape. La multiplication dans le discours des mots polluants est particulièrement préjudiciable. Dès lors qu’ils deviennent rares, ils ne perturbent guère la communication. Dans les situations où l’interlocuteur est anxieux, la formulation positive est fondamentale, alors que lui-même emploie généralement un vocabulaire négatif, la difficulté est de ne pas se laisser contaminer. Nos paroles, si elles sont choisies, ont un impact rassurant qui facilite la transmission du message.

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