Gestion du pyothorax chez le chien et le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1501 du 22/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1501 du 22/06/2012

Formation

Auteur(s) : JEAN-PHILIPPE BILLET*, GWENAËL OUTTERS**

Fonctions :
*praticien au CHV Atlantia à Nantes.

POINTS FORTS

– En urgence, il est nécessaire de stabiliser l’état de l’animal (oxygénation, réhydratation et ponction thoracique).

– La mise en place de 2 drains thoraciques et un lavage biquotidien avec un soluté isotonique hépariné tiède sont recommandés.

– Une antibiothérapie est prescrite au moins 6 semaines.

– La présence d’Actinomyces chez le chien est caractéristique d’un corps étranger végétal, et impose la chirurgie.

– Un pyothorax est l’épanchement d’un exsudat purulent d’origine bactérienne, plus rarement fongique, entre les feuillets de la plèvre.

Lors de pyothorax, plusieurs voies de contamination sont décrites : contiguë en cas de bronchopneumonie, de rupture œsophagienne, de médiastinite ou d’abcès thoracique, ou directe lors de traumatismes perforants, de morsures, de migration de corps étrangers ou de chirurgie du thorax. La contamination par voie sanguine ou lymphatique est relativement difficile à objectiver. La cause est identifiée pour seulement 14 % des pyothorax, les autres sont dits idiopathiques.

Les principaux germes rencontrés lors de cette affection sont :

→ parmi les bactéries aérobies : pasteurelles (18 à 22 % chez le chien, 62 à 75 % chez le chat), E. coli, staphylocoques, Actinomyces (11 à 19 % chez le chien, 8 à 13 % chez le chat) ;

→ parmi les bactéries anaérobies : Bacteroides, Fusobacterium et Clostridium.

Leur présence est observée dans 80 à 90 % des cas lors d’un examen cytologique. Cependant, leur culture est difficile, en particulier pour les anaérobies, et n’est donc positive que dans 68 à 100 % des cas (voire 4 % dans certaines études). Chez le chien, Actinomyces est toujours associé à la présence d’un corps étranger végétal. Sinon, la nature bactériologique du liquide d’épanchement est en faveur de l’hypothèse d’une aspiration de la flore oropharyngée chez le chat.

SIGNES CLINIQUES

Les signes cliniques appa­raissent au bout de 18 jours à 7 mois, avec une aggravation progressive et une évolution chronique, caractérisée par des difficultés respiratoires (94 %), de la dyspnée (70 %), une intolérance à l’effort et parfois de la toux (11 à 30 %). Les symptômes généraux incluent une diminution de l’appétit, de l’anorexie (83 %), de la cachexie, une déshydratation, de la léthargie et une hyperthermie. L’hypothermie, présente dans 13 % des cas, est associée au choc septique, et accompagnée de muqueuses anormalement grises et d’un pouls faible.

LES PREMIERS GESTES

Soutien des fonctions vitales et thoracocenthèse

L’oxygénation de l’animal est assurée dans une cage ou via un masque. Une voie veineuse est posée pour le perfuser. Comme la fibrose médiastinale bloque parfois les flux liquidiens, une thoracocenthèse bilatérale, de préférence échoguidée, est recommandée pour soulager l’animal et lui permettre de respirer. Le matériel est classique (épijet, robinet à 3 voies et seringues). Des prélèvements sont envoyés pour l’analyse bactériologique et cytologique.

Examens d’imagerie

Diagnostique dans 80 à 90 % des cas, la radiographie bila­térale peut être complétée par l’échographie qui donne des images d’épanchement en “omelette” (masses ou cloisonnements pleuraux), peu liquidien, situé autour du cœur. Le liquide de ponction est opaque, floconneux, malodorant (en présence de bactéries anaérobies), riche en protéines et en cellules (plus de 7 000 cellules/µl, dont 80 % de polynucléaires neutrophiles), de densité supérieure à 1 025 et avec un pH acide.

Le diagnostic différentiel, assez aisé, inclut les épanchements d’origine néoplasique (mésothéliome, par exemple), la péritonite infectieuse féline et les chylothorax.

Le scanner montre son efficacité dans la recherche des lésions associées : épaississement de la plèvre, pneumothorax, effet de masse, densité alvéolaire augmentée, médiastinite, atélectasie d’un lobe du poumon, présence de corps étrangers pulmonaires. Une concordance est notée entre les images tomodensitométriques et les découvertes lors de l’intervention chirurgicale.

TRAITEMENT

Médical

→ L’oxygénothérapie, la réhydratation et l’alimentation suppléent les fonctions vitales.

→ Avant d’obtenir les résultats de l’antibiogramme, une antibiothérapie est administrée par voie intraveineuse, empiriquement. Chez le chat, l’association d’amoxicilline et d’acide clavulanique (10 à 20 mg/kg toutes les 12 heures) cible les pasteurelles. Chez le chien, elle est complétée de métronidazole (15 à 25 mg/kg toutes les 8 heures) et de quinolones (enrofloxacine à la dose de 5 mg/ kg toutes les 24 heures, marbofloxacine à raison de 2 mg/kg toutes les 24 heures). Le traitement est maintenu pendant 4 à 6 semaines (voire 16).

→ La pose de drains thoraciques, 1 par côté affecté, est moins douloureuse que les thoracocenthèses répétées. Le lavage pleural est à préférer à la simple aspiration : il consiste en l’administration biquotidienne de cristalloïdes isotoniques (10 à 20 mg/kg, hépariné à 10 UI/ml), pour en récupérer 75 %, pendant 1 à 20 jours (6 en moyenne). Le drain est retiré quand la production et la concentration en cellules diminuent.

66 à 100 % des animaux répondent correctement au traitement médical. Chez le chat, une hypersalivation et une bradycardie, corroborant un choc septique, sont des facteurs de risque négatifs.

Le pronostic est favorable dans 85 % des cas, malgré 58 % de complications, essentiellement au niveau du drain (infection et inflammation au point d’entrée cutané, délogement, perte d’étanchéité).

Chirurgical

L’échec du traitement médical, la présence de corps étrangers, de masses (tissu nécrotique, abcès pulmonaire) et/ou de compartimentations compliquant l’aspiration imposent un traitement chirurgical, qui peut être guidé par un scanner. La thoracotomie exploratrice par sternotomie permet le débridement du médiastin et du péricarde et le lavage copieux de la cavité thoracique. La thoracoscopie est, dans ce cas, un outil extraordinaire.

Les études ne montrent pas de différence significative entre les traitements médical et chirurgical, ce dernier étant curatif dans tous les cas.

CAS PARTICULIER

La pleurésie constrictive est une complication grave dans laquelle les poumons sont entourés d’une “capsule” fibrineuse. Un seul cas est décrit dans la littérature, chez le chat, à la suite d’un chylothorax : la chirurgie, laborieuse, nécessite une “décortication” du poumon et une omentalisation. La mortalité est importante.

Pour en savoir plus

→ Winbourne F, Baines EA, Baines SJ, Halfacree ZJ. : Computed tomographic findings in canine pyothorax and correlation with findings at exploratory thoracotomy. J. Small Anim Pract. 2011 Apr;52(4):203-8.

→ Barrs VR, Allan GS, Martin P, Beatty JA, Malik R. : Feline pyothorax: a retrospective study of 27 cases in Australia. J. Feline Med. Surg. 2005 Aug;7(4):211-22. Epub 2005 Apr 20.

→ Demetriou JL, Foale RD, Ladlow J, McGrotty Y, Faulkner J, Kirby BM. : Canine and feline pyothorax: a retrospective study of 50 cases in the UK and Ireland. J. Small Anim. Pract. 2002 Sep;43(9):388-94.

→ Rooney MB, Monnet E. : Medical and surgical treatment of pyothorax in dogs: 26 cases (1991-2001). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002 Jul 1;221(1):86-92.

→ Boothe HW, Howe LM, Boothe DM, Reynolds LA, Carpenter M. : Evaluation of outcomes in dogs treated for pyothorax: 46 cases (1983-2001). J Am Vet Med Assoc. 2010 Mar 15;236(6):657-63.

→ Waddell LS, Brady CA, Drobatz KJ. : Risk factors, prognostic indicators, and outcome of pyothorax in cats: 80 cases (1986-1999). J Am Vet Med Assoc. 2002 Sep 15;221(6):819-24.

LE PYOTHORAX EN MÉDECINE HUMAINE

En médecine humaine, le pyothorax est consécutif à une bronchopneumonie (présence de Streptococcus pneumoniae). Le scanner ne permet pas de différencier ses phases évolutives. Aucune différence significative n’est mise en évidence entre le traitement médical ou chirurgical concernant la guérison, la durée d’hospitalisation, le temps d’oxygénation et la demande en analgésie. En revanche, la thoracoscopie est largement pratiquée.

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