Une seule certitude : le doute…

D’emblée, à la création du journal, 3 démarches nous semblaient essentielles, et La Semaine Vétérinaire poursuit inlassablement dans cette voie : explorer, douter toujours et valider sans cesse, puis donner au lecteur les moyens d’évaluer lui-même sa part d’incertitude.

Au fond, c’est très comparable à la démarche clinique, et c’est le meilleur de ce que nous a apporté, à vous comme à nous, notre formation vétérinaire. D’ailleurs, souvenez-vous, Théophraste Renaudot, le premier journaliste, était médecin. Et s’il n’était pas vétérinaire – nul n’est parfait –, c’est que Bourgelat n’était pas encore né.

Il faut croire que cette obsession de la validation pouvait paraître un peu envahissante à nos collaborateurs puisque la rédaction, au moment de fêter le 500^e de La Semaine (le numéro dit “de Mimile”), nous avait offert une balance à peser le pour et le contre… Elle trônait sur une étagère de la salle de rédaction et, si elle n’a pas été victime des récents déménagements, elle y trône peut-être encore ?

Aujourd’hui, l’insolence et l’exaspération postsoixante-huitarde des débuts ont laissé place à davantage de retenue et de sérénité. Et, à vrai dire, il nous arrive de le regretter. Mais, comme hier, nous retrouvons dans les colonnes du journal cet amour du métier, cette curiosité, ce souci de transmettre, de témoigner, de créer du lien, et puis – cerise sur l’hebdomadaire – le rituel du dessin de presse est fort heureusement resté immuable.

Mais si c’était à refaire ? Eh bien, ce serait évidemment autre chose et autrement. Ni l’environnement ni les besoins ne sont comparables à ce qu’ils étaient il y a 40 ans. Accablés de travail, confrontés aux prophylaxies collectives, victimes d’un numerus clausus extrémiste, les praticiens n’en pouvaient plus. L’offre était pléthorique, la demande quasi inexistante. Scotchés à leur cabinet, les confrères demandaient à La Semaine qu’elle les aide à trouver enfin un remplaçant et qu’elle leur raconte tous ces événements professionnels auxquels ils auraient été bien en peine de participer. Quant aux moyens techniques dont nous disposions alors, autant dire que c’était le jour et la nuit avec les outils numériques actuels. Nous venions tout juste d’abandonner le plomb fondu des linotypes, notre banc de reproduction “Bouzard”, un énorme soufflet, se dépliait sur 3 ou 4 m, et il fallait être à 2 pour porter les lecteurs de disques de notre premier ordinateur, des galettes Honeywell de 30 cm de diamètre qui contenaient tout au plus 10 millions d’octets…

Ensuite, les choses sont allées très vite, et beaucoup de titres de la presse professionnelle sont nés à cette période charnière.

Nous vivons à nouveau une période pivot. Et il y a probablement des jeunes ou des futurs confrères ou consœurs qui, comme nous au début des années 70, piaffent d’impatience, s’exaspèrent des idées reçues, des propos convenus, et ont l’intuition des besoins inexprimés de leur profession. Ils adhèrent aux nouvelles cultures de communication et s’apprêtent à basculer dans ce qui s’appellera peut-être, dans quelques années, “l’après-Internet”. Bientôt, ils vont, comme nous, faire le tour des associations et des rédactions pour présenter leurs projets. Comme nous, ils se feront éconduire. Mais s’ils viennent frapper à la porte de La Semaine, promettez-nous de les écouter. Ils auront certainement raison.