Mycologie cutanée en clientèle : de nombreuses idées reçues - La Semaine Vétérinaire n° 1500 du 15/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1500 du 15/06/2012

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : ARNAUD MULLER*, LAUREN FIGUERES**

Fonctions :
*praticien à Lomme (Nord), résident du Collège européen de dermatologie.

Les principaux motifs de consultation en mycologie cutanée sont les otites à Malassezia (non abordées dans cet article), les dermatophyties et les dermatites à Malassezia. Un certain nombre d’idées reçues qui circulent sur ces affections chez le chat et le chien, sur leur diagnostic et sur leur traitement, méritent d’être citées et rectifiées.

« La teigne se présente toujours sous forme d’alopécie »

La teigne est en réalité une affection extrêmement polymor­phe, en particulier chez le chat : elle doit être intégrée au diagnostic différentiel de toute dermatose. Les symptômes évocateurs peuvent être des dépilations, mais également une dermatite miliaire (voir photo 1), un état kérato-séborrhéique ou encore une chute des moustaches. Des comédons sont parfois observés en région ventrale de l’abdomen chez le persan. Dans de rares cas, les dermatophytes entraînent un onyxis ou un mycétome (le champignon est inoculé sous la peau et forme un nodule).

Chez le chien, là encore, les symptômes sont variables. La teigne est à suspecter lors de dépilations, mais aussi en cas d’atteinte folliculaire qui se traduit par des pustules. Le chien présente parfois des kérions (voir photo 2) : ces lésions surinfectées, érythémateuses et suintantes sont dues au développement d’un champignon peu adapté à l’hôte (par exemple, Trichophyton mentagrophytes). Le test à la lampe de Wood est toujours négatif pour ce type de lésion.

« La teigne est une affection des races à poils longs »

Le persan est pré­disposé aux dermatophyties. Elles prennent souvent la forme d’un état kérato-séborrhéique et, parfois, de manchons pilaires ou d’une folliculite discrète (piqueté rouge). Ces lésions sont localisées ou généralisées. Lors d’atteinte de la base de la queue, il convient de la différencier d’une hyperplasie de la glande supra­caudale. D’autres races félines sont régulièrement atteintes : le rex, l’abyssin, voire le sphynx susceptible de présenter des lésions circinées comme chez l’homme.

Le yorkshire terrier est également prédisposé à la teigne, en particulier à des formes généralisées avec des squames, des croûtes et une hyperpigmentation (voir photo 3). Le traitement est souvent difficile.

Les chiens de chasse (terriers surtout) sont parfois contaminés par un dermatophyte trans­mis par les rongeurs, Microsporum persicolor, qui provoque des lésions squamo-croûteuses de la face et des membres. Cette affection est probablement sous-diagnostiquée.

« Le diagnostic de teigne est compliqué en clientèle courante »

La teigne est une affection sous-diagnostiquée chez le chat et surdiagnostiquée chez le chien. Pourtant, plusieurs examens simples sont réalisables en consultation avec peu de matériel.

→ En présence de symptômes évocateurs de teigne, l’examen à la lampe de Wood peut confirmer le développement de Microsporum canis (voir photos 4 et 5). Cet examen présente en effet une bonne valeur prédictive positive, même si des faux positifs sont possibles (les croûtes et les squames semblent parfois fluorescentes). En revanche, lorsque le test est négatif, il est impossible de conclure car, parmi les dermatophytes, seule la moitié des souches de Microsporum canis produisent la fluorescence verte caractéristique. Cet examen, facile à mettre en œuvre, est néanmoins intéressant, car M. canis est impliqué dans 95 % des teignes félines et 65 % des teignes canines. Il est moins utile pour les nouveaux animaux de compagnie (NAC) chez lesquels 90 % des teignes sont dues à Trichophyton mentagrophytes. Pour réaliser ce test dans de bonnes conditions, il est important d’uti­li­ser une lampe de qualité, de la faire chauffer plusieurs minutes avant l’examen, et de vérifier l’ensemble du pelage dans l’obscurité totale.

→ Le trichogramme est l’autre examen complémentaire à résultat immédiat dont la réalisation est aisée en clientèle. Pour cet examen microscopi­que, il suffit de tirer à la pince des poils en périphérie des lésions et de les déposer sur une lame dans une goutte de lactophénol. Après un éclaircissement pendant 10 à 20 minutes, la portion suprabulbaire des poils est examinée. Le trichogramme permet d’établir un diagnostic de teigne dans 70 % des cas. Au faible grossissement, la tige du poil est alors gonflée, il est impossible de distinguer les structures (cuticule, cortex et médulla), même en faisant varier la mise au point (voir photos 6 et 7). Le diagnostic peut être orienté selon la distribution et la taille des spores : petites et sans organisation particulière dans le cas de Microsporum canis, elles sont de taille moyenne et disposées en chaînes pour Trichophyton mentagrophytes. Le trichogramme ne permet pas de diagnostiquer une dermatophytie à Microsporum persicolor, car celui-ci n’envahit pas le poil.

→ La culture fongique est un examen nécessaire à l’identification précise du dermatophyte. Il existe des systèmes de culture sur paillasse (milieu DTM), mais leurs résultats varient selon la qualité de l’ensemencement. Il est préférable de faire appel à un laboratoire spécialisé.

« Lors de teigne, tous les animaux sont traités et le problème est résolu »

Le portage asymptomatique concerne 10 à 15 % des chats, 5 % des chiens de race yorkshire terrier et 10 à 40 % des NAC. Pour mettre en place un traitement dans un foyer de teigne, il convient donc de ne pas négliger les porteurs asymptomatiques. Cependant, traiter l’ensemble des animaux ne suffit pas. Agir sur l’environnement est également nécessaire pour limiter les recontaminations. En effet, les spores peuvent résister jusqu’à 1 an dans le milieu, et les poils de chat restent contaminants pendant 18 mois ! Toute la maison est à traiter, en particulier les lieux de couchage, les brosses et les caisses de transport, avec une solution d’eau de Javel (1 à 5 %) ou d’énilconazole à 4 %.

Pour les animaux dont la culture fongique est positive, qu’ils soient symptomatiques ou non, les traitements systémique et topique sont toujours associés. Actuellement, il est recommandé de ne tondre que les individus qui présentent une forme généralisée, en récupérant et en éliminant au maximum les poils. Tout le corps est à traiter, avec une solution d’énilconazole à 0,2 %, 2 fois par semaine, en prenant garde à la toxicité potentielle en cas de léchage. Une décoloration du poil peut survenir. Une solution moussante à base de chlorhexidine et de miconazole à 2 % est tout à fait indiquée pour cet usage (Malaseb(r), AMM chez le chat), à raison de 2 shampoings hebdomadaires pendant 3 semaines.

Pour le traitement systémique, la griséofulvine, utilisée à la dose de 25 mg/kg matin et soir, est distribuée avec un repas riche en graisse. Cette molécule présente de nombreux effets secondaires (troubles digestifs, aplasie médullaire, etc.). L’itraconazole est efficace chez le chat à la dose de 5 mg/kg/j en semaines alternées. Chez le chien, le kétoconazole est prescrit à raison de 5 à 10 mg/kg/j. Le traitement est à prolonger 1 mois après la négativation des cultures ou 10 semaines au minimum.

« La dermatite à Malassezia est une affection canine »

Le chat n’est pas épargné par la dermatite à Malassezia : les lésions évocatrices sont un érythème, une alopécie, des squames grasses et adhérentes.

La multiplication des Malassezia est favorisée par une humidité excessive, une hyper­sécrétion de cérumen ou de sébum, ou la présence de plis.

La mise en évidence des levures peut être réalisée grâce à un scotch test, trempé simplement dans du bleu de méthylène : la visualisation au microscope de 4 à 5 levures sur un champ à immersion est en faveur d’une dermatite à Malassezia. Une maladie intercurrente, telle qu’une allergie ou une immunosuppression (FeLV, FIV, diabète), est à rechercher attentivement. Le traitement est topique (shampoing à base de chlorhexidine et de miconazole à 2 %), voire systémique lors de lésions importantes (itraconazole à raison de 5 mg/kg/j sur 2 jours consécutifs par semaine, pendant 3 semaines). La griséofulvine n’est pas efficace sur les Malassezia.

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