Fourbure : la cryothérapie podale démontre son efficacité physiopathologique - La Semaine Vétérinaire n° 1500 du 15/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1500 du 15/06/2012

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : BÉATRICE BOUQUET

Quels sont les effets du froid lors de fourbure ? Une équipe australienne1 vient de répondre à cette question de manière extrêmement étayée (allant jusqu’à la génétique moléculaire !). Dans le prolongement de leurs travaux, les auteurs envisagent des pistes thérapeutiques pour “cibler” tel ou tel médiateur de l’inflammation, afin de “mimer” l’action du froid et de guérir la fourbure de façon plus pratique qu’avec l’application de glace.

UNE ÉTUDE MENÉE SUR 14 CHEVAUX

La fourbure est induite par l’ingestion forcée d’oligofructose. L’un des antérieurs de chaque cheval est placé dans une botte réfrigérante (Big­footIceboots, Esk, Australie), contenant un mélange d’eau et de glace (voir encadré). L’autre membre est laissé à température ambiante. Le tissu lamellaire du pied est prélevé (après euthanasie) avant l’apparition d’une boiterie chez la moitié des chevaux (t = 24 heures) et juste après pour l’autre moitié. Les tissus de chevaux normaux prélevés lors d’une précédente expérimentation ont servi de témoins « non fourbus ».

INFLUENCE SUR LES MÉDIATEURS PRO-INFLAMMATOIRES

Dans les pieds à température ambiante, une élévation significative de différents médiateurs pro-inflammatoires est effectivement constatée (à travers le dosage de l’ARN messager de ces molécules, plus fiable) par rapport aux témoins non fourbus (davantage dans le groupe prélevé “boiteux”). La cryothérapie est associée à des baisses significatives du nombre de ces molécules (cytokines, chemokines, adhésines, etc.) et des “célèbres” COX 2, cibles de la thérapeutique AINS, par rapport aux pieds non boiteux. Au stade précoce, une interleukine “anti-inflammatoire” (IL 10) est, à l’inverse, diminuée lors de cryothérapie. Certaines enzymes (métalloprotéines, protéases) sont également en baisse, reflétant de moindres dégradations tissulaires.

Les auteurs vont approfondir l’intérêt de la cryothérapie à des stades plus avancés (pas seulement en prophylaxie, comme dans cette étude où la botte froide est mise en place dès l’ingestion du sucre initiant la fourbure). Ils remonteront les voies plus centrales de l’inflammation qui interviennent dans la physiopathologie de la fourbure. Ils ont déjà repéré 2 voies de l’inflammation cellulaire sur lesquelles cibler une éventuelle thérapeutique (NFkB et MAPK). Un traitement “bloquant” l’une ou l’autre de ces voies, à une étape clé, serait à administrer par voie locorégionale, précisent-ils, pour éviter les effets immunosuppresseurs généralement constatés par voie systémique avec cette approche.

  • 1 W. Van Eps et coll. Digital hypothermia inhibits early lamellar inflammatory signalling in the oligofructose laminitis model. Equine Vet. J;44(2):230-237.

Pour en savoir plus

→ http://www.icehorse.net

→ C.C. Pollitt et coll. Equine Laminitis. In: 49th Annual convention of the American Association of Equine Practitioners, 21/11/2003, New Orleans (Etats-Unis), http://www.ivis.org/proceedings/aaep/2003/pollitt/IVIS.pdfUSA.

LA CRYOTHÉRAPIE PODALE : DU PRATIQUE AU PRAGMATIQUE

Il est montré que la cryothérapie est extrêmement bien tolérée par le cheval sur son membre distal (sans doute en raison de la quasi-absence de muscle strié qui, lui, réagit au froid en “chauffant” douloureusement). Les chevaux inclus dans la récente étude australienne ont gardé la botte d’eau glacée jusqu’à 28 heures, assurant une température du sabot à 4 °C.

Il existe différents types de bottes de glace (par exemple, modèle américain Mac Kennon d’Ice Horse, 100 $ environ). Certaines sont juste des “entourages de paturon” à bande auto-agrippante à placer au congélateur (EZ Icehoof, 16,95 $). D’autres solutions plus “généralistes” sont proposées sur les sites Internet commerciaux spécialisés dans ce domaine, ciblant le plus souvent les tendons (bandages incluant des packs de gel, etc.). Il est aussi possible d’appliquer tant bien que mal des dispositifs de médecine humaine, en faisant tenir avec de l’adhésif à pied des sacs de gel évoquant des sacs à glaçons (qui ne risquent pas de percer).

Ainsi, il n’est pas indispensable de transporter des seaux de glaçons jusqu’à une piscine plus ou moins improvisée dans l’écurie les lendemains de longue épreuve sur terrain dur (attelage, endurance, etc.).

Il reste encore l’option “plaisir pas cher” qui consiste à tremper les pieds dans l’eau de la rivière voisine.

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