De l’Écosse au Yémen, une fable piscicole

C’est sans doute une manière insolite d’évoquer l’aquaculture que de mentionner la sortie le 6 juin sur les écrans français d’une fable cinématographique, dont la trame narrative repose sur l’élevage du saumon et la passion de la pêche à la mouche¹. Adapté du livre Fishing salmon in Yemen de l’écrivain anglais Paul Torday, Les Saumons du désert raconte l’aventure d’un rêve fou – implanter le saumon au Yémen – imaginé par un cheikh richissime et philanthrope. La faisabilité de ce chantier démiurgique est confiée à un spécialiste britannique de l’aquaculture, qui décline d’abord, jugeant le projet farfelu. L’attachée de presse² du Premier ministre anglais, qui voit là l’opportunité de redorer l’image du gouvernement enlisé dans la guerre en Afghanistan, aura néanmoins raison des objections scientifiques du biologiste. La foi fera le reste. Un immense barrage transforme un oued yéménite en torrent écossais. 10 000 saumons (non pas sauvages, comme cela était prévu, mais d’élevage) y sont déversés. Sauront-ils remonter le courant ? La zootechnie n’aura-t-elle pas altéré l’instinct naturel des salmonidés ? Ce suspense piscicole, inédit au cinéma, constitue la véritable originalité du film de Lasse Hallström (My life as a dog), qui signe ici une comédie romantique charmante et sans prétention. Ceux qui lui préféreraient le ton moins édulcoré de la satire politique – à la limite de l’absurde – dont les Anglais ont le secret, pourront toujours revenir au livre³.

• 1 La pêche à la mouche est un thème cher aux Anglo-Saxons. Robert Redford y avait déjà consacré un film : « Et au milieu coule une rivière », (1992).

• 2 Impeccablement interprétée par Kristin Scott Thomas

• 3 Traduit en français, sous le titre « Partie de pêche au Yémen », le livre est disponible en poche aux éditions 10-18.