Du bon usage de la rupture conventionnelle - La Semaine Vétérinaire n° 1494 du 04/05/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1494 du 04/05/2012

Entreprise

Auteur(s) : MICHEL RAVELET

L’assouplissement récent du droit du travail en matière de rupture du contrat à durée indéterminée (CDI) permet à l’employeur d’éviter un licenciement contentieux, voire une démission brutale.

La rupture conventionnelle du contrat de travail connaît un succès grandissant qui s’explique non seulement par la conjoncture particulièrement défavorable de notre économie, mais aussi par la souplesse de cette formule. Ce dispositif de “rupture à l’amiable” entre patron et salarié ménage autant les intérêts de l’employeur que ceux de l’entreprise. Entre le 1er août 2008 (date d’entrée en vigueur de la mesure) et le 28 février 2012, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé a recensé 811 823 dossiers qui sont venus “dégonfler” les licenciements pour motifs économiques, voire ceux pour faute (voir encadré).

Éviter les contentieux

La rupture conventionnelle, 4 ans après sa création par la loi de 2008 dite de modernisation du marché du travail, est consacrée par le Code du travail. Mais son origine et son élaboration reviennent aux partenaires sociaux (syndicats employeurs et salariés) qui l’ont imaginée. L’objectif est sinon de mettre un terme aux dérives jurisprudentielles en matière de licenciement, du moins de diminuer au maximum le recours aux tribunaux. Le mécanisme de base de la rupture conventionnelle est simple : il s’agit d’éviter le contentieux. Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il sait qu’il s’expose à une assignation devant le conseil des prud’hommes et à une procédure qui fera peser un risque juridique certain sur l’entreprise, tant sur le plan financier – nul ne peut prévoir le coût final – qu’au niveau juridique – nul ne peut prévoir la durée de la procédure. Certes, il est possible d’effectuer une transaction, mais uniquement après la lettre de licenciement. En outre, cette opération est risquée et ne supprime pas tout contentieux. Le licenciement, même bien mené, crée inévitablement un malaise dans l’entreprise.

Peu de dossiers de rupture rejetés

La rupture conventionnelle offre, à l’inverse, une parfaite sécurité puisqu’il s’agit d’un accord entre l’employeur et le salarié afin d’officialiser la rupture du CDI – et non du contrat à durée déterminée (CDD) – et d’en définir les modalités. La seule contrainte est que cette contrepartie doit être financièrement supérieure (même de peu) aux dispositions de la convention collective ou du Code du travail. L’aléa du contentieux devant les prud’hommes est supprimé, puisque la convention de rupture conventionnelle est soumise à l’approbation de la Direction du travail. Ce visa empêche alors le salarié d’en contester ensuite les dispositions. Selon une récente étude du ministère, 2 % seulement des dossiers soumis aux différentes directions départementales sont rejetés.

L’employeur sait donc exactement à quoi s’en tenir et peut parfaitement négocier un étalement des paiements. De son côté, le salarié s’assure de son indemnité et pourra immédiatement s’inscrire à Pôle emploi et bénéficier des indemnités de chômage.

Par ailleurs, la convention qui est ainsi signée entre les 2 parties ne revêt pas forcément qu’un aspect financier. Elle peut aussi encadrer les conditions de départ de l’entreprise, l’interdiction de faire concurrence à l’employeur, l’engagement à former un successeur, la transmission organisée des dossiers, etc.. Selon la Dares1, les trois quarts des demandes de rupture conventionnelle s’opèrent dans les sociétés de moins de 50 salariés.

La rupture amiable 2 fois plus utilisée

L’une des utilisations principales de cette procédure concerne les entreprises qui, pour des motifs économiques, doivent impérativement réduire leur masse salariale, voire, pour les plus grandes, mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi. Ce type de situation est toujours perturbant pour l’entreprise elle-même, mais plus encore pour l’ensemble du personnel, y compris celui qui restera. Le recours aux départs volontaires, par le biais de la rupture conventionnelle, ne présente alors que des avantages. En effet, le licenciement pour motif économique débouche fréquemment sur une action judiciaire, avec en plus une jurisprudence fluctuante. L’issue est donc totalement imprévisible pour le dirigeant. Entre février 2010 et février 2012, la part des licenciements pour motif économique est tombée de 12 à 6 % des ruptures de CDI, soit une baisse de moitié. Dans le même temps, la rupture conventionnelle du contrat de travail a augmenté, passant de 7 à 13 %. Les 2 procédures se sont inversées dans les entreprises, preuve de l’avantage de la convention sur le conflit.

Ce type de rupture peut également se mettre en place dans le cadre de la démission du salarié, l’intérêt pour ce dernier étant l’accès aux indemnités de chômage, non prévues pour une démission simple. Dans ce contexte, l’employeur peut, par exemple, retarder le départ d’un salarié important pour le bon fonctionnement de l’entreprise, et aménager une transition ou la formation de son successeur. C’est aussi le moyen de mettre fin à une situation tendue qui peut perturber l’entreprise lorsqu’un salarié souhaite partir sans vraiment vouloir démissionner. Ce dernier espère être licencié, alors que, de son côté, l’employeur souhaite son départ, mais ne veut courir aucun risque.

Un mode de départ adapté aux seniors

Une autre application, que cette fois les initiateurs de cette procédure n’avaient pas prévue, est l’utilisation de la rupture conventionnelle comme un outil de préretraite… 12 % des ruptures conventionnelles concernent en effet les salariés de plus de 58 ans qui, entre l’indemnité perçue lors de leur départ de l’entreprise et l’indemnisation de leur chômage, font la soudure avec la liquidation un peu plus tard de leurs droits à la retraite. Ce mode de départ des seniors n’est d’ailleurs pas une mauvaise formule pour l’entreprise qui réembauchera du sang neuf avec, en général, un salaire bien moindre. Car le salarié qui part en fin de carrière a, en principe, une rémunération élevée pour le poste occupé. Il faut certes verser une indemnité, mais sur un plan fiscal, elle est déductible des résultats de l’entreprise. La contrainte sur la trésorerie peut, en outre, être minorée par un étalement des versements.

Il convient de souligner un aspect fondamental de la rupture conventionnelle : il n’existe aucune limitation ensuite pour une nouvelle embauche, ni évidemment de priorité de réembauche pour le salarié qui part, à la différence du licenciement pour motif économique. Le fait de se séparer à l’amiable d’un ou de plusieurs salariés ne limite pas la liberté de l’entreprise de passer de nouveaux contrats de travail, avec de nouveaux salariés. Et cela sans délai particulier.

Ni cette pratique ni la mesure qui encadre la démission ne sont conformes à l’esprit de la loi instaurant la rupture conventionnelle. Mais ces procédures n’en sont pas moins légales, puisqu’elles respectent les textes à la lettre. Même si elles font certainement peser une charge financière supplémentaire sur le régime d’allocations de chômage, puisqu’elles conduisent in fine à indemniser des personnes qui n’y ont pas réellement droit. Pour l’heure, ce débat n’a pas été ouvert par les gestionnaires du régime. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’il n’existe pas de contentieux judiciaire significatif sur ce sujet, preuve de son efficacité. L’étude des chiffres démontre surtout que la procédure de rupture conventionnelle est en passe de marginaliser le licenciement pour motif économique, qui donne souvent lieu à un contentieux judiciaire.

  • 1 Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail.

LES DIFFÉRENTS MOTIFS DE FIN DES CDI

→ Démission : 63 %.

→ Rupture conventionnelle : 13 %.

→ Licenciement économique : 6 %.

→ Autres licenciements (faute, mésentente, résiliation judiciaire, etc.) : 18 %.

→ 288 988 ruptures conventionnelles homologuées ont été enregistrées en 2011, soit une hausse de 13 % par rapport à l’année 2010.

→ 770 000 ruptures conventionnelles ont été validées entre août 2008 et décembre 2011.

Source : Dares, ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé.

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