La photosensibilisation chez les ruminants : diagnostic et pronostic - La Semaine Vétérinaire n° 1492 du 20/04/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1492 du 20/04/2012

Formation

SANTÉ ANIMALE / RUMINANTS

Auteur(s) : KARIM ADJOU*, ESTELLE GUNLDENFELS**

DIAGNOSTIC ÉPIDÉMIOLOGIQUE

Les cas de photosensibilisation sont généralement sporadiques. Lorsque plusieurs animaux sont atteints, il est aisé de trouver un lien épidémiologique (bêtes d’une même pâture ou qui ont reçu un traitement identique). Les signes cliniques apparaissent après une période de fort ensoleillement. Dans les régions tempérées, cela se produit principalement en période estivale. Toutefois, des cas hivernaux ne sont pas à exclure.

Lorsque l’ingestion d’une plante est en cause, cela correspond à une période du cycle de la plante ou à des conditions climatiques favorables (développement de Pithomyces chartarum, par exemple, lors d’eczéma facial). Dans ce cas, une pénurie d’autres plantes est généralement observée, car les plantes photosensibilisantes sont peu appétentes.

Il est possible qu’un seul animal d’une pâture soit atteint, celui-ci ayant par exemple un foie déjà malade, ou une peau plus claire que les autres.

Le recueil des commémoratifs est susceptible d’orienter le diagnostic, mais surtout le diagnostic étiologique (animaux qui ont déjà présenté des signes après avoir été sur telle pâture, ou à la même période de l’année). Cela permet ensuite de cibler les examens pour confirmer l’origine : recherche de spores fongiques lors de suspicion d’eczéma facial, ou recherche de plantes photosensibilisantes sur les pâtures.

L’âge des animaux atteints oriente également le diagnostic : des individus jeunes, ou d’une même lignée, sont en faveur d’une origine congénitale.

DIAGNOSTIC CLINIQUE

Sur le plan clinique, le diagnostic est en général facile. Tout d’abord, les signes cutanés sont remarquables : les lésions ne touchent que les zones non pigmentées de l’animal. Elles sont, dans un premier temps, non prurigineuses. L’érythème et l’œdème cutanés laissent par la suite la place à des lésions ulcératives et croûteuses. En fin d’évolution, la peau peut se détacher par lambeaux. Une régression des signes cutanés est observée lors de la mise à l’ombre des animaux. L’évolution est en général apyrétique, sauf lors d’infection bactérienne secondaire.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE

Chez les animaux jeunes, l’exa­men des dents et de l’urine sous lampe de Wood permet facilement de conclure à une porphyrie érythropoïétique congénitale bovine s’il y a fluorescence. Lorsque cet examen est négatif, un dosage de protoprophyrine dans les fèces peut orienter vers une protoporphyrie.

Chez les animaux plus âgés, un dosage des gamma-glutamyl transférases (GGT) permet d’identifier une possible origine hépatique. Si les paramètres hépatobiliaires sont dans les normes, la photosensibilisation est probablement d’origine primaire. Dans ce cas, il est possible d’examiner les pâtures à la recherche de plantes photosensibilisantes, ou de s’assurer que les animaux atteints n’ont pas reçu de traitements photosensibilisants. Cependant, il est en général difficile de déterminer précisément l’origine.

Si les paramètres hépato­biliaires sont augmentés, ou si l’animal présente des signes cliniques d’atteinte hépatique (ictère), la photosensibilisation est d’origine hépatique. De même, pour en déterminer la cause précise, il est parfois utile d’inspecter les pâtures, d’effectuer éventuellement des prélèvements pour rechercher des spores de Pithomyces chartarum. Une biopsie hépatique peut apporter quelques précisions : lors d’intoxication par les sporidesmines, des cristaux sont visualisés dans les canaux biliaires, par exemple. D’autre part, lors d’une intoxication à Narthecium ossifragum, le tableau clinique est, dans certains cas, complété par une atteinte rénale liée à la néphrotoxine présente dans la plante.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Le diagnostic différentiel de photosensibilisation regroupe essentiellement les affections cutanées des ruminants. Il comprend des maladies d’origine bactérienne, virale ou parasitaire, et quelques autres affections particulières. La distinction est en général aisée pour les animaux bicolores, grâce à l’atteinte exclusive des zones non pigmentées. En revanche, chez les sujets à la robe entièrement claire, un diagnostic différentiel est nécessaire (voir tableau, qui regroupe les signes cliniques communs et les différences par rapport à une photosensibilisation).

PRONOSTIC

Le pronostic est lié à la rapidité d’identification de l’origine de la photosensibilisation et à la précocité du traitement approprié (notamment le retrait de la cause et la mise à l’abri de la lumière).

→ Lors de photosensibilisation primaire, le pronostic est généralement bon. Il convient cependant de prendre en compte le degré de l’atteinte cutanée. Si les lésions sont très étendues, le risque de complication (infectieuse notamment) est plus élevé et peut conduire à la mort de l’animal, ce qui assombrit le pronostic. De même, la localisation des lésions est à considérer : une atteinte importante de la mamelle peut entraîner une forte perte économique le temps de la guérison (traite impossible). Les lésions cutanées régressent en quelques semaines, selon leur étendue.

→ Dans les cas de photosensibilisation d’origine congénitale, le pronostic est désespéré. Il est possible d’élever ces animaux, mais ce sont en général des non-valeurs économiques, car ils souffrent de retards de croissance et il faut les garder à l’abri de la lumière pour éviter l’apparition des lésions cutanées.

→ Dans le cas de photosensibilisation d’origine hépatique, le pronostic est toujours plus réservé que lors d’une photosensibilisation primaire : il dépend de l’étendue des lésions hépatiques et biliaires. Les paramètres biochimiques n’ont aucune valeur pronostique.

ÉVOLUTION DES PARAMÈTRES BIOCHIMIQUES LORS DE PHOTOSENSIBILISATION HÉPATOGÈNE

Une 1re série de paramètres sont modifiés de façon précoce avant même l’apparition des signes cliniques. C’est le cas pour l’activité du sorbitol déhydrogénase (SDH), de la glutumate déhydrogénase, de l’arginase, de l’ornithine carbamyltransférase et de l’aspartate transaminase (Asat). Ces paramètres augmentent rapidement lors d’une atteinte hépatocellulaire et ne restent élevés que pendant un temps bref. Ils peuvent être redescendus dans les normes au moment de l’apparition des signes cliniques.

Les paramètres qui marquent une cholestase suivent une cinétique différente. Les taux de gamma-glutamyl transférase (GGT) et de bilirubine augmentent aussi lors d’atteinte hépatobiliaire, plus tardivement que les premiers paramètres, et ils restent élevés dans le temps. De plus, chez les bovins, le dosage du taux de GGT est plus fiable que celui des phosphatases alcalines (PAL). Face à une photosensibilisation clinique, il est donc préférable de mesurer le taux de GGT pour confirmer ou exclure une origine hépatique.

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