Caractéristiques de la tuberculose aviaire au parc de Clères - La Semaine Vétérinaire n° 1492 du 20/04/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1492 du 20/04/2012

Formation

FAUNE SAUVAGE

Auteur(s) : YANNICK LAMBERT

Fonctions : consultations oiseaux/NAC, campus VetAgro Sup (Rhône) et Saint-Ismier (Isère). Article rédigé d’après une intervention dans le cadre du CES de pathologie aviaire à Alfort, le 6 janvier 2012.

PROBLÉMATIQUE

La tuberculose aviaire est la maladie bactérienne la plus fréquemment rencontrée dans les collections d’oiseaux. Elle touche tous les groupes, avec des niveaux de sensibilité différents. Les galliformes, les ansériformes et les gruiformes sont les plus touchés. L’agent pathogène est extrêmement résistant dans le milieu extérieur (sa durée de survie est susceptible d’atteindre plus de 55 semaines dans des fèces sur le sol à l’abri de la lumière et jusqu’à 2 ans en milieu aquatique pour Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis). Son diagnostic est difficile : les symptômes sont frustes et non pathognomoniques (amyotrophie, faiblesse avec un appétit conservé, boiterie, coloration jaune des urates qui s’accumulent dans les reins, troubles respiratoires). En général, ils se manifestent peu de temps avant la mort de l’animal, ce qui permet une longue période de dissémination du bacille tuberculeux, alors que l’oiseau est encore apparemment sain, mais excréteur. Ces caractéristiques en font une maladie difficile à éradiquer d’une collection d’oiseaux. Certains auteurs soulignent des facteurs de risque liés à la maladie, tels que l’âge, le mode de vie et les habitudes alimentaires ou le taux de consanguinité. Toutefois, il est probable que certains de ces éléments sont spécifiques des souches de mycobactéries incriminées. Une investigation de ces facteurs à l’échelle d’une collection apparaît donc nécessaire. Une telle étude a été menée au parc de Clères (Seine-Maritime).

OBJECTIFS

Cette étude, réalisée sous la direction de notre confrère Yannick Roman, vise à dresser l’état des lieux de la tuberculose aviaire au parc de Clères entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2010, et à identifier les facteurs de risque qui lui sont associés afin d’affiner le plan de lutte contre l’infection. Elle a également pour objectif l’identification des souches impliquées et l’analyse des tableaux lésionnels qui s’y rapportent. Les résultats de ces travaux, couplés à la réactualisation des données bibliographiques, permettent d’orienter les prises de décision en matière de gestion zootechnique et prophylactique et de définir les lignes à suivre dans le cadre de la rénovation des installations animalières du parc. Certains aspects de cette étude sont susceptibles de profiter à d’autres collections ornithologiques captives. La majorité d’entre elles sont, en effet, touchées par la maladie.

CONTEXTE

Le parc zoologique de Clères abrite 1 353 animaux, dont 1 199 oiseaux et 154 mammifères. La plupart sont présentés au public sur 13 ha, soit en semi-liberté, soit en volières extérieures. L’autre partie (reproducteurs et jeunes nés dans l’année) est hébergée dans une zone d’élevage non visitée. Les oiseaux qui craignent les basses températures passent la mauvaise saison dans un bâtiment d’hivernage. Ils sont donc soumis, 2 fois par an, à un stress lié à leur délocalisation.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Prévalence

La tuberculose est diagnostiquée chez 18,7 % des galliformes et 11,5 % des ansériformes, qui sont également les 2 groupes taxonomiques les plus représentés au parc de Clères. La maladie est également identifiée chez 13,2 % des colombiformes, pourtant désignés comme résistants. La proportion des animaux tuberculeux par rapport à l’ensemble des oiseaux autopsiés est de 12,3 %.

Évolution

Cette étude est la première à mettre indiscutablement en évidence une diminution significative de la prévalence de la tuberculose aviaire au cours du temps au niveau du secteur des volières du parc de Clères. En effet, la prévalence de l’infection mycobactérienne au parc au cours des 10 années de l’étude est de 12,3 % en moyenne. Un pourcentage élevé par rapport à certaines collections animales1, mais inférieur à certaines collections importantes d’ansériformes, telles que le Wildfowl and Wetland Trust (Pays de Galles) où la prévalence de la tuberculose aviaire a atteint 43 %.

Agent pathogène

16 prélèvements sont effectués. Aucun des échantillons n’a mis en évidence une infection polyclonale. Les identifications ont permis d’incriminer 2 sous-espèces de Mycobacterium avium : M. avium subsp. avium dans 14 cas et M. avium subsp. hominissuis dans 2 cas.

Facteurs de risque

→ Âge

Le risque de contracter la tuberculose augmente de manière significative avec l’âge des individus. Ce phénomène est compatible avec d’autres études. Les oiseaux morts porteurs de lésions tuberculeuses entre 2001 et 2010 sont âgés de 8 ans et 3 mois en moyenne (écart type de 6 ans et 4 mois). L’augmentation du risque avec l’âge pourrait s’expliquer par la nature chronique de la maladie, par la baisse du statut immunitaire lors du processus de vieillissement, mais également, dans le contexte du parc de Clères, par le fait qu’un individu âgé a évolué sur un secteur contaminé sur une plus longue période et que ses chances d’infection sont donc plus élevées. Un des axes du plan de prophylaxie pourrait reposer sur le rajeunissement de la pyramide des âges des oiseaux du parc, en particulier au niveau des espaces de présentation en semi-liberté où de nombreux volatiles coexistent et où les mesures de prophylaxie classique sont plus difficiles à mettre en application.

→ Saison

Avant d’entreprendre ce travail, les auteurs pensaient qu’il existait une saisonnalité de la mortalité liée à la tuberculose aviaire. Cependant, il semble que l’augmentation du nombre de cas constatés à certains mois de l’année ne fait que refléter une plus grande mortalité sur ces mêmes périodes. Aucune différence significative n’est mise en évidence entre la prévalence de la tuberculose pendant la saison froide et pendant celle de reproduction.

Lésions

Dans la plupart des cas, les lésions de tuberculose aviaire observées au parc de Clères consistent en un envahissement du parenchyme des organes affectés par des granulomes caséeux de 1 mm à plusieurs centimètres de diamètre, qui peuvent à l’extrême envahir la totalité de l’organe, celui-ci disparaissant alors dans un magma caséo-nécrotique. Ce phénomène est noté au niveau de la rate, mais également du foie (voir photos 1 et 2). Dans certains cas, l’autopsie révèle la présence d’un unique granulome volumineux qui occupe la quasi-totalité de la cavité thoraco-abdominale (voir photo 3).

Organes atteints

Le foie est l’organe le plus souvent affecté, puisqu’il est atteint chez 57,7 % des animaux tuberculeux. Viennent ensuite la rate (33,6 %) et le tube digestif (32,9 %). Les atteintes pulmonaires sont présentes dans 18,1 % des tableaux lésionnels. Les atteintes des sacs aériens sont notées dans 8,1 % des cas, ce qui porte les atteintes respiratoires à 24,8 %. Les lésions qui affectent les autres organes sont plus rares : péricarde (7,4 % des cas), os/articulations (5,4 %), cœur (2 %), muscles (2 %), reins (1,3 %), gonades (1,3 %, voir photo 4), peau et conjonctive (1,3 %). Cette étude illustre le caractère protéiforme de la tuberculose aviaire au niveau lésionnel, et par conséquent sur le plan clinique.

CONCLUSION

La tuberculose aviaire est décrite dans les parcs zoologiques depuis plus d’un siècle. Néanmoins, l’éradication de la maladie dans les collections d’oiseaux reste difficile. L’utilisation d’un modèle linéaire global appliqué à la totalité des animaux morts à Clères entre 2001 et 2010 permet d’approfondir la compréhension de l’épidémiologie de la maladie sur le site et d’identifier certains facteurs de risque. Ces données permettent une remise à jour du plan global de lutte contre la tuberculose aviaire au parc, qui a d’ores et déjà montré son efficacité au niveau du secteur des volières.

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