La présence vétérinaire réduite à peau de chagrin ? - La Semaine Vétérinaire n° 1490 du 06/04/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1490 du 06/04/2012

Politique sanitaire de l’animal

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Auteur(s) : MARINE NEVEUX

Près d’une vingtaine d’organisations agricoles constitueront le futur Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale. Au vu de cette forte représentation, la présence vétérinaire apparaît bien restreinte, actuellement, sur le papier…

L’enjeu du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cnopsav) est majeur, puisque celui-ci aura en charge toutes les questions relatives à la santé et à la protection des animaux et des végétaux en France. Au regard de la représentation des organismes agricoles, ne faut-il pas craindre une dilution des missions vétérinaires, à l’heure pourtant où la rénovation de celles des confrères titulaires d’un mandat sanitaire est attendue ?

« Le Comité consultatif de la santé et de la protection animales (CCSPA) a un rôle technique, il émet des avis sur les projets de textes réglementaires. Le Cnopsav aura un rôle plus politique. Il validera les grandes orientations de la politique sanitaire française », explique Christophe Brard, président de la SNGTV.

Quelle place pour la profession ?

« L’examen de la composition projetée du Cnopsav m’amène à considérer qu’elle est, en tant qu’instance consultative chargée de réfléchir aux questions de protection et de santé animales, inadaptée, déséquilibrée en défaveur de la compétence vétérinaire, s’insurge Michel Baussier, président du Conseil supérieur de l’Ordre (CSO). Si une telle composition devait être confirmée, ce serait pour moi, clairement et sans détour, une insulte aux vétérinaires de France. Pourquoi le pays qui les a inventés, et qui débourse tant pour les former, les renierait aujourd’hui, au point de se priver de leur avis consultatif quand il s’agira d’examiner des questions qui sont au cœur de leur métier Je ne peux croire que notre ministre Bruno Le Maire soit au courant d’un tel projet. Je viens de lui écrire pour lui demander de reconsidérer la composition de cette instance. »

De son côté, Benoît Assémat, président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF), estime que « les dangers sanitaires peuvent aussi concerner les équidés, les carnivores domestiques et les NAC. Le Cnopsav aurait dû les intégrer. L’approche du ministère est trop agricole ». En outre, notre confrère trouve ce conseil insufisamment ouvert sur la société.

« Si le Cnopsav intègre dans ses objectifs la réflexion sur le Code de déontologie vétérinaire, la présence de l’Ordre sera nécessaire », souligne Christophe Brard. Un point de vue appuyé par Michel Baussier : « Je suis effaré de constater que la déontologie vétérinaire constituerait l’un des 7 axes de préoccupation de ce conseil sans que la personne morale créée par la loi pour représenter les 16 000 vétérinaires du secteur privé et libéral, pour administrer – par délégation de prérogatives de puissance publique – la profession, participer en tant que force de proposition à sa réglementation et y maintenir la discipline, à savoir l’Ordre des vétérinaires, ne soit en situation d’y être consultée. »

Ainsi, la profession aura-t-elle une place dans la composition du nouveau comité ? « La majorité des vétérinaires n’ont plus de relations avec le monde de l’élevage. Comment pourraient-ils supporter que leurs règles déontologiques soient examinées par des personnes qui, quelle que soit leur grande compétence par ailleurs, n’ont pas la connaissance de leur vie professionnelle et ne pourraient ainsi donner un avis pertinent sur les règles qu’ils doivent respecter ? Ils admettraient facilement, en revanche, une représentation de l’Institut national de la consommation ou de telle autre organisation représentative des consommateurs au sein de ce conseil. » Mais pour répondre à la question, le président de l’Ordre poursuit : « J’ose toujours espérer, parce que je crois au bon sens et à l’intelligence, que la profession figurera in fine à sa juste place dans la composition de ce nouveau comité. »

Une réorganisation inachevée ?

Les missions du vétérinaire sanitaire, de même que son implication au niveau de la protection animale, ne risquent-elles pas d’être réduites à peau de chagrin au final « Je ne suis pas devin, mais comme je suis optimiste, au risque d’être parfois naïf, je ne veux rien craindre de tout ce que vous imaginez de catastrophique et je veux surtout faire confiance à notre ministre Bruno Le Maire », rassure Michel Baussier.

En outre, « il reste à définir, au niveau national, une entité technique qui sera chargée de mettre en place les orientations politiques définies par le Cnopsav, constate Christophe Brard. L’Association de certification en santé animale (Acersa) a le potentiel pour remplir cette fonction technique pour les maladies des catégories 2 et 3. Celles du 1er groupe resteront de nature régalienne. »

En outre, 2 autres textes ont été envoyés au Conseil d’État. L’un concerne la prévention, la surveillance et la lutte contre les dangers sanitaires de 1re et 2e catégories. L’autre a trait aux modalités de reconnaissance des organismes à vocation sanitaire (OVS), organisations vétérinaires à vocation technique (OVVT), associations sanitaires régionales (ASR), ainsi qu’aux conditions de délégations de missions. « Le Respe sera d’ailleurs candidat au titre d’OVS », précise Jean-Yves Gauchot, président de l’Avef1.

Vers la disparition des CDSPA

La disparition des Conseils départementaux de la santé et de la protection animales est également annoncée. Créés en 2006, ils étaient porteurs d’espoir pour aborder les problèmes de protection animale sur le terrain et chercher à y apporter des solutions concrètes. Ces conseils comprennent plusieurs représentants des instances vétérinaires et des associations de protection animale. La nouvelle organisation sera-t-elle plus à même de pallier le manque d’activité constaté dans plusieurs CDSPA « À ce jour, la réponse est non », selon Michel Baussier.

L’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), présidée par notre confrère Jean-Pierre Kieffer, siège dans une vingtaine de conseils départementaux. « Cela représente de nombreux déplacements dans toute la France. Certains CDSPA ont créé des groupes “éleveurs en difficulté” (Orne, Meuse, Territoire de Belfort) pour intervenir en cas d’abandon de soins, mais ce sont des initiatives isolées. Il est regrettable que le fonctionnement de la plupart des conseils soit au point mort », a rappelé Frédéric Freund, directeur de l’OABA2, lors de la dernière assemblée générale de l’association.

La disparition des CDSPA va reporter la gestion des problématiques de l’échelon départemental à l’échelon régional. « Or, dans la réalité des faits, seul le préfet de département est responsable de la sécurité sanitaire et de la gestion des crises, ce qui risque de poser des difficultés sur le plan opérationnel, par exemple pour l’intégration des plans d’urgence contre les épizooties dans le dispositif Orsec, redoute Benoît Assémat. La vision n’est pas du tout adaptée au rôle des préfets de département en matière d’ordre public et de sécurité sanitaire. »

Le CSO a inscrit le bien-être animal parmi ses priorités pour les années à venir. Quelles actions sont aujourd’hui attendues ? Ne faut-il pas craindre que l’agenda préélectoral soit plus propice aux promesses qu’aux engagements des présidentiables ? « En l’état de sa composition projetée, le Cnopsav ne peut rien concrétiser, car les organisations professionnelles agricoles françaises, en tout cas celles majoritairement prévues en son sein, ne sont pas suffisamment imprégnées de la nécessité de progresser dans ce domaine. La crainte que vous exprimez concernant les promesses en période électorale me paraît assez bien fondée… », conclut Michel Baussier.

  • 1 Association vétérinaire équine française, voir aussi en pages 18 et 19 de ce numéro.

  • 2 Voir en pages 27 à 31 de ce numéro.

Composition et rôle du futur Cnopsav

La composition du Comité consultatif de la santé et de la protection animales (CCSPA) a été redéfinie par un arrêté ministériel du 16 mars dernier. À court terme, il devrait être remplacé par le Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cnopsav). Un projet de décret portant création de ce Cnopsav est soumis au Conseil d’État. Du côté de son conseil plénier, le Cnopsav intégrerait, au niveau des organisations vétérinaires, la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). Pour la section spécialisée en santé animale, la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF) serait également représentée avec la SNGTV. Les autres représentants sont ceux des syndicats et des organisations agricoles.

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