Diagnostic et stratégies de contrôle de la paratuberculose caprine - La Semaine Vétérinaire n° 1489 du 30/03/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1489 du 30/03/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/CAPRINS

Auteur(s) : KARIM ADJOU*, ÉMILIE BRIOT**

DIAGNOSTIC

Le diagnostic définitif de la paratuberculose requiert des tests sérologiques ou bactériologiques, ainsi qu’un examen histologique des tissus.

De nombreuses méthodes, utilisables à différents stades de l’infection (voir figure), existent pour diagnostiquer la paratuberculose. Les techniques directes (bactérioscopie, coproculture) sont utiles pour confirmer une suspicion clinique : l’animal doit être excréteur. L’intradermoréaction et le test à l’interféron γ mettent évidence la réaction immunitaire à médiation cellulaire. La réaction immunitaire à médiation humorale est testée par l’Elisa ou l’immunodiffusion sur gel.

Les tests sont pratiqués sur le sang, les fèces, les organes ou le lait. Dans ce dernier cas, la culture bactériologique est la technique la plus sensible. Le test Elisa permet, cependant, une première évaluation peu coûteuse de l’état sanitaire des troupeaux caprins laitiers.

Il n’existe pas un seul test sérologique ou bactériologique suffisamment sensible pour identifier tous les cas cliniques ou subcliniques de la paratuberculose caprine, ni de test assez spécifique pour éviter les faux positifs. Il est donc préconisé d’associer 2, voire 3 tests diagnostiques, ce qui génère un coût assez important pour lutter contre cette maladie.

Méthodes directes

→ La bactérioscopie est une technique directe qui permet de visualiser le germe après une coloration de Zielh Nielsen. Ce test qualitatif est intéressant si le résultat est positif, surtout en présence d’un tableau clinique évocateur. Il est, en revanche, impossible de conclure en cas de résultats négatifs, en raison de l’excrétion inconstante des myco­bactéries. Ce test ne présente donc aucun intérêt pour la détection précoce des animaux infectés peu ou pas excréteurs.

→ La coproculture bactérienne est la technique directe la plus utilisée pour établir un diagnostic ante mortem. Les prélèvements issus d’animaux infectés qui n’excrètent pas de bactéries donneront des cultures faussement négatives. La sensibilité de ce test n’est pas élevée (16 %), mais sa spécificité est proche de 100 %. Cette technique longue, qui nécessite plusieurs semaines, permet toutefois de détecter un animal excréteur avant l’apparition des signes cliniques. La coproculture bactérienne est la méthode de détection de référence.

→ La polymerase chain reaction (PCR) offre une spécificité proche de 100 %. Néanmoins, sa sensibilité n’est pas supérieure à celle de la culture. Cette technique est également plus chère, mais donne des résultats beaucoup plus rapides.

Méthodes indirectes

→ Le test le plus courant utilisé en France est l’Elisa. Facile à mettre en œuvre, il offre la possibilité de tester rapidement un grand nombre d’animaux avec un coût peu élevé. Les valeurs de sensibilité pour l’Elisa varient de 54 à 88 %. Ce test est donc l’un des plus sensibles, avec la PCR et l’immunodiffusion sur gel, et légèrement plus précoce que ce dernier, moins répandu en France que dans les pays anglo-saxons où il est fréquemment employé.

→ Le test de l’immunodiffusion sur gel, utilisé pour confirmer les suspicions cliniques de paratuberculose caprine, permet d’identifier des animaux qui présentent une forme subclinique de la maladie. La précipitation des anticorps est détectable chez les bêtes infectées environ au moment où commence l’excrétion fécale des bactéries. Une étude réalisée en Angleterre montre que ce test est aussi performant que la coproculture, lorsque les 2 sont utilisés pendant plusieurs années dans des troupeaux infectés de grande taille. Peu onéreux, il offre la particularité d’éviter les réactions croisées avec les bactéries qui partagent des antigènes communs avec M. paratuberculosis (Nocardia, etc.).

L’utilité relative du test de l’immunodiffusion sur gel chez les caprins comparée aux autres ruminants est démontrée en Australie et en Nouvelle-Zélande, où il est employé dans les programmes de régulation de la paratuberculose caprine.

→ Un test fondé sur la détection de l’interféron γ est également disponible. Il est utile dans la détection de la para­tuberculose au sein de troupeaux non vaccinés. Cependant, sa spécificité est assez faible en raison de nombreux faux positifs. Ces derniers seraient dus à des réactions croisées avec des mycobactéries de l’environnement.

STRATÉGIES D’ASSAINISSEMENT DES TROUPEAUX

La paratuberculose représente davantage un problème de troupeau qu’un problème individuel, sauf si un animal atteint vient juste d’être introduit dans le cheptel.

Lorsqu’un cas clinique se déclare dans un troupeau formé depuis longtemps, cela implique que ce dernier comprend des animaux excréteurs sains et d’autres infectés non excréteurs.

3 éléments de base sont à considérer avant de développer une stratégie d’élimination de la paratuberculose dans un troupeau atteint :

→ l’identification et l’élimination des chèvres infectées ;

→ la réduction du taux d’infection chez les jeunes animaux via l’amélioration de l’hygiène et la modification des méthodes d’élevage ;

→ la vaccination, pour augmenter la résistance face à de nouvelles infections.

Il est possible, mais peu courant, qu’une seule de ces mesures permette d’éliminer la paratuberculose dans un cheptel. L’importance accordée à chaque mesure dans le programme d’élimination totale de la maladie au niveau local est variable. Ainsi, en Norvège, la paratuberculose est largement contrôlée par la vaccination au plan national. Aux États-Unis, au niveau local, l’élimination dans un troupeau a lieu sans vaccination, à la suite de tests sur les animaux et l’amélioration des techniques d’élevage.

Identification et élimination des animaux infectés

Parce qu’aucun test n’est capable d’identifier les animaux infectés non excréteurs, un contrôle régulier et fréquent (tous les 6 mois environ) est recommandé afin de s’assurer que les infectés non excréteurs sont identifiés lorsqu’ils développent une affection subclinique (excréteurs non apparents). Dans les programmes agressifs d’éradication de la maladie, tous les animaux nés d’une bête positive sont éliminés avec cette dernière. Ces programmes tiennent compte du fait que les chevreaux nés de mères infectées présentent un risque important de l’être eux-mêmes.

Pratiques d’élevage

De bonnes méthodes d’élevage associées à une bonne hygiène des locaux sont susceptibles de contribuer à la réduction du taux de nouvelles infections chez les jeunes animaux du troupeau.

Dans des conditions intensives d’élevages laitiers, les chevreaux sont séparés de leur mère à la naissance et isolés des adultes. Ils sont nourris avec du colostrum, puis avec du lait pasteurisé ou un aliment lactoremplaceur. Les jeunes ne sont mis en contact avec des adultes qu’au moment de leur propre mise bas. Les animaux adultes ne doivent pas être trop nombreux sur une surface insuffisante. La litière est à remplacer régulièrement. L’eau et l’aliment (concentré et fourrages) sont placés hors de portée d’une contamination fécale. Si les fourrages proviennent de prés, les chèvres ne doivent pas avoir pâturé ces zones depuis 1 an au minimum.

Dans des conditions d’élevages extensives, il est plus difficile d’appliquer ces recommandations. Il est conseillé de conduire les chèvres sur des pâtures non contaminées avant la mise bas, afin de minimiser la contamination croisée. Il est également possible de tester les animaux, soit par coproculture, soit par immunodiffusion sur gel, avant la période de mise bas. Les chèvres reconnues infectées sont alors éliminées ou isolées des animaux non infectés avant la mise bas. Cela réduit le risque de contamination des nouveau-nés.

En France, des plans de maîtrise de la paratuberculose caprine sont mis en place localement dans les bassins de production. Il s’agit d’adaptation du plan de maîtrise bovin, dont le cahier des charges est validé par l’Acersa1.

Ces plans pluriannuels sont fondés sur le dépistage et l’élimination des animaux infectés. Ils reposent sur le volontariat, et peuvent être financés partiellement par les groupements de défense sanitaire.

  • 1 Association pour la certification en santé animale.

Bibliographie

  • → E. Wintz : « Étude comparative de différentes méthodes de diagnostic de la paratuberculose caprine », thèse vétérinaire Alfort 2006.
  • → M. Chastel : « Épidémiologie de la paratuberculose des ruminants : conséquences sur les mesures de contrôle et de prévention », thèse vétérinaire, Toulouse 2008.
  • → K. Whitaker, 2004 : « Diagnosis of Johne’s disease in goats », Goat Veterinary Society Meeting, Veterinary Laboratories Agency, Preston, 16-20.
  • → Kostoulas P., Leontides L., Billinis C., Florou M., 2006a : « Application of a semi-dependent latent model in the Bayesian estimation of the sensitivity and specificity of two faecal culture methods for diagnosis of paratuberculosis in sub-clinically infected Greek dairy sheep and goats », Prev. Vet. Med. 76, 121-134.
  • → Trupathi BN., Periasamy S., Paliwal OP., Singhn., 2006 : « Comparison of IS900 tissue PCR, bacterial culture, johnin and serological tests for diagnosis of naturally occurring paratuberculosis in goats », Vet. Microbiol. 116, 129-137.
  • → Storset AK., Berg I., Djonne B., 2005 : « Evaluation of the gamma interferon test for diagnosis of paratuberculosis in goats », Vet. Imm. Immunopathol. 107, 87-9.

LE CAS PARTICULIER DE LA NORVÈGE

En Norvège, la vaccination des chèvres contre la paratuberculose a été efficace pour réduire la prévalence nationale de la maladie. Un vaccin vivant, atténué, adjuvé, qui contient 2 souches de Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis est utilisé. Les animaux sont vaccinés entre 2 et 4 semaines d’âge. Une évaluation sur 15 ans, post-mortem entre les animaux vaccinés et non vaccinés, montre que la prévalence de l’infection est passée de 53 % en 1966 à 1 % en 1982, surtout grâce à la vaccination. La majorité des animaux infectés identifiés en 1982 sont des chèvres non vaccinées. Comme la paratuberculose caprine en Norvège est due à une souche unique spécifique de l’espèce, ce succès ne peut pas être appliqué à toutes les situations. Il existe cependant un manque d’expériences en élevage extensif dans d’autres pays.

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