Tout sur la nosémose de l’abeille domestique Apis mellifera L. - La Semaine Vétérinaire n° 1476 du 23/12/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1476 du 23/12/2011

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/ABEILLES

Auteur(s) : NICOLAS VIDAL-NAQUET

La nosémose est une maladie parasitaire de l’abeille due à Nosema apis et Nosema ceranae. N. apis est connu depuis longtemps. N. ceranae, à l’origine un parasite d’Apis cerana (abeille asiatique), a été mis en évidence en Europe en 2005. La nosémose affecte le tube digestif des 3 castes d’abeilles adultes (reine, ouvrières, mâles). En France, la nosémose due à N. apis est une maladie réputée contagieuse.

AGENT CAUSAL

N. apis et N. ceranae sont des microsporidies(règne des Fungi). Ils sont suspectés par certains auteurs (Higes, Paxton) d’être en cause dans le colony collapse disorder (le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles) et les affaiblissements de colonies. D’autres pensent que Nosema spp. est un organisme pathogène opportuniste. N. ceranae ne contribuerait pas significativement à ces pertes (Cox-Foster, Colin).

STRUCTURE ET CYCLE

Le parasite se trouve sous forme amiboïde (végétative et reproductrice) et de spores (résistance et dissémination).

Les spores, composées de 3 éléments fondamentaux (l’enveloppe, le sporoplasme et l’appareil d’extrusion) sont très résistantes(5 à 6 semaines dans les cadavres d’abeilles, 1 an et plus dans les excréments, 2 à 4 mois dans le miel et dans la cire). Elles peuvent être détruites par la chaleur (60 °C) et l’acide acétique.

PATHOGÉNIE

En se multipliant dans les cellules épithéliales, les spores les détruisent, ce qui permet la prolifération et la dissémination du parasite. En éclatant, les cellules épithéliales sont suseptibles de libérer des millions de spores.

Chez l’abeille, l’affection entraîne de la diarrhée, une constipation par accumulation de spores dans le rectum, une diminution du taux d’acides gras et de la protéinémie dans l’hémolymphe entraînant des carences dans l’alimentation du couvain et de la reine, ainsi qu’une diminution de la résistance des abeilles.

Chez les abeilles jeunes qui possèdent un épithélium pouvant se régénérer, la maladie peut être asymptomatique durant l’été car les abeilles ont une durée de vie plus courte.

La dose infectieuse semble s’élever à 100 spores par abeille.

La pathogénicité de N. apis et N. ceranae est discutée. Certains auteurs les décrivent comme opportunistes (Colin), d’autres comme agents pathogènes stricto sensu (Higes).

Les symptômes de la nosémose sont le plus souvent observés au sortir de l’hiver et au printemps.

SYMPTÔMES AU NIVEAU DES COLONIES

Les colonies peuvent être plus ou moins atteintes, avec une surmortalité hivernale, des effondrements de colonies au printemps, une baisse de la production et de la population. En cas d’atteinte de faible ampleur, l’infection peut être asymptomatique.

L’espérance de vie des ouvrières est nettement diminuée. Il semble que la colonie s’adapte à cette affection via un “vieillissement accéléré” des ouvrières. Ces dernières deviennent plus rapidement butineuses et passent moins de temps aux soins du couvain, aux tâches de nourrice, de ventilation. Ce phénomène génère les conditions d’une désorganisation et d’un affaiblissement des colonies.

Chez les abeilles ouvrières

De la diarrhée, de la constipation (abdomen dilaté), une impossibilité d’envol et des abeilles traînantes peuvent être observées. Les déjections renferment des millions de spores, véritable source de contamination.

Une nosémose sèche est évoquée lorsque des cas de per­tes de colonies attribuées à Nosema spp. sont notés, sans symptômes de dysenterie.

Chez les reines

Les conséquences pathologiques d’une infection par Nosema spp. chez les reines sont variables (carence alimentaire, dégénérescence ovarienne). Cela peut donc induire la stérilité avec, pour conséquence, un remérage par supersédure.

Chez le couvain

Le couvain est susceptible d’être touché indirectement par la diminution du nombre d’ouvrières nettoyeuses et, surtout, par l’atteinte des nourrices (qui fournissent une gelée nourricière carencée).

Les signes cliniques associés à N. ceranae sont peu connus, même si celui-ci est suspecté d’être en cause dans les pertes ou les affaiblissements de colonies. En outre, il semblerait que l’infection pourrait être présente tout au long l’année, à la différence de N. apis.

CAUSES FAVORISANTES

La nosémose est souvent consi­dérée comme une affection opportuniste. Différents facteurs extérieurs peuvent favoriser la nosémose :

→ les conditions climatiques (les hivers longs et humides entraînent un confinement des abeilles dans la ruche) ;

→ le nourrissement hivernal (le miel de miellat, riche en mélézitose qui cristallise dans l’intestin, fragilise la membrane péritrophique et les cellules intestinales, donc favorise l’apparition de conditions favorables à Nosema) ;

→ Varroa (il semble exister une synergie entre Varroa et Nosema ; affaiblissant les colonies, Varroa peut donc favoriser le développement de Nosema) ;

→ certaines souches et races d’abeilles semblent être plus ou moins sensibles ;

→ des techniques apicoles inadéquates ;

→ la synergie pesticides-Nosema (une synergie avec d’autres agents pathogènes et chimiques est mise en évidence, par exemple avec l’imidaclopride et le fipronil1 ; ainsi, l’exposition des abeilles infectées avec N. ceranae à des doses sublétales de fipronil ou de thiaclopride entraîne une surmortalité en comparaison à des animaux non infectés) ;

→ enfin, la pathogénicité de Nosema spp. est suspectée d’être liée à d’autres germes pathogènes : amibiase des tubes de Malpighi, le virus Y de l’abeille (BVY), le queen cell virus (BQCV), le virus filamenteux, etc.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La propagation s’effectue par les spores dans la ruche (échanges entre les abeilles, par les activités de nettoyage, par trophallaxie, etc.) et entre les colonies (dérive, pillage, mauvaises techniques apicoles, cires, transhumance, etc.).

La propagation de Nosema ceranae pourrait être différente. Il semblerait que les pelotes de pollen pourraient être impliquées. Lors de leur formation, celles-ci seraient contaminées par ces spores provenant du tube digestif des butineuses2.

DIAGNOSTIC

Clinique

Les pertes de colonies pendant ou à la sortie de l’hiver, la présence d’abeilles mortes ou affaiblies incapables de voler dans ou devant les ruches sont évocatrices de l’infection à Nosema.

Des souillures fécales de couleur brunâtre peuvent être observées dans les ruches en cas de forme aiguë.

L’examen visuel de l’intestin des abeilles permet une orientation du diagnostic. L’intestin des animaux atteints est généralement de couleur blanche et très fragile, tandis que celui des abeilles saines est brun-rouge (pollen dans l’intestin).

Le diagnostic de certitude est l’analyse de laboratoire.

Laboratoire

La mise en évidence des spores N. apis ou N. ceranae par microscopie permet d’établir un diagnostic de certitude. La méthode de la polymerase chain reaction permet de distinguer les 2 espèces.

Enfin, le diagnostic différentiel doit se faire avec toutes les causes d’affaiblissement des colonies, de dysenterie (Malpighamoeba mellificae génère des diarrhées de couleur jaunâtre), diminution de production, etc.

PRONOSTIC

Le pronostic peut être favorable si la colonie présente des symptômes d’affaiblissement limités. Il est sombre dans sa forme épizootique, capable de détruire de nombreuses colonies.

TRAITEMENT

La fumagilline a une action contre les microsporidies. Cependant, elle n’a pas d’autorisation de mise sur le marché pour cette espèce et cette affection en France. Ainsi, la lutte contre cette maladie s’effectue essentiellement via la prévention.

L’application de la prescription selon la cascade est théoriquement possible, mais pratiquement impossible à mettre en œuvre.

PROPHYLAXIE

L’apiculteur applique les règles de bonnes pratiques apicoles, en particulier dans sa préparation à l’hivernage :

→ abeilles robustes, reines jeunes et prolifiques, couvain d’automne qui donnera les abeilles d’hiver de qualité et quantité ;

→ le choix d’environnements floraux des ruches (lierre, etc.) à cette époque doit permettre de peupler les ruches avec des abeilles jeunes au corps gras (réserves protéiques), bien développés pour passer l’hiver ;

→ éviter les emplacements humides et ombragés ;

→ provision d’hivernage de bonne qualité (éviter le miel de miellat, notamment de sapin et de mélèze) et en quantité suffisante ;

→ limiter les carences protéiques : traitement optimal de la varroase, apports polliniques ;

→ bonnes techniques sanitaires du matériel (ruches, cadres, etc.).

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