Bilan de la loi sur les chiens dangereux - La Semaine Vétérinaire n° 1476 du 23/12/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1476 du 23/12/2011

Entreprise

JURISPRUDENCE

Auteur(s) : CHRISTIAN DIAZ

Fonctions : VICE-PRÉSIDENT DE L’AFVE, VÉTÉRINAIRE COMPORTEMENTALISTE DIPLÔMÉ DES ENV.

En cette fin d’année 2011, il est temps de faire un premier bilan de la loi du 20 juin 2008, dite loi pour la protection des personnes, sur sa partie relative au risque représenté par les chiens dits dangereux. Ce texte est venu compléter (et complexifier) un arsenal législatif et réglementaire dont la cohérence n’est pas la principale qualité.

HISTORIQUE

L’invention des chiens dits dangereux remonte à la loi du 6 janvier 1999, loi de circonstance dénuée de tout fondement scientifique ou épidémiologique, à l’image du rapport Sarre qui lui a servi de support et de justification. Le législateur crée ainsi une nouvelle variété canine, les chiens dits dangereux (au sens de l’article L.211-12 du Code rural) sur des critères raciaux, voire racistes, conformément aux dispositions du délirant arrêté du 27 avril 1999. D’aucuns le qualifient d’ « arrêté séquelles », en référence à l’accident d’anesthésie dont a été victime son signataire quelques mois plus tôt.

Pour paraphraser un homme politique récemment retraité, on peut dire que cette loi, votée par nos députés, prétend qu’un chien dangereux se reconnaît à sa carte d’identité et à sa truffe.

Il n’est pas inutile de rappeler que, lors de sa promulgation, les chiens de type “pitbull à la mode française” n’ont fait aucune victime. Le premier décès imputable à l’un de ces chiens survient en 2003, et ce sera également le dernier.

Cette loi impose aux possesseurs de chiens de 1re et 2e catégories des contraintes, non seulement peu dissuasives, mais au contraire fortement incitatrices en ce qui concerne ceux de 2e catégorie. Les effectifs des american stafford-shire terriers et des rottweilers “explosent” littéralement, ces 2 races entrant dans le top 5 aux environs de l’année 2005.

En 2006, l’impressionnante série de 2 accidents médiatisés attire à nouveau l’attention des médias et, surfant sur la vague sécuritaire, de nouvelles mesures sont votées selon le principe consacré « un drame, une loi ».

Le 5 mars 2007, une loi de sécurité publique crée l’évaluation comportementale canine effectuée par un vétérinaire. Cette mesure est destinée à l’origine à tout chien susceptible de présenter un danger pour les personnes et les animaux domestiques, et fait l’unanimité parmi les professionnels. Elle confère au maire des pouvoirs étendus dans le domaine de la prévention des accidents d’origine canine et paraît apte à jouer un rôle positif en matière de santé publique.

Mais le législateur ne s’arrête malheureusement pas là et, après la consultation de différents lobbies, promulgue dans la hâte la loi du 20 juin 2008. Ce manque de préparation a, entre autres, pour conséquence la promulgation plus que tardive des décrets d’application, parus bien après la date limite fixée par la loi.

C’est ainsi que, alors que tous les chiens dits dangereux en circulation le 21 juin 2008 doivent faire l’objet d’un permis de détention avant le 31 décembre 2009, les modalités de délivrance de ce dernier ne font l’objet d’une circulaire qu’en janvier… 2010. Une circulaire si manifestement illégale qu’elle est remplacée dans l’urgence par celle du 17 février 2010, l’administration n’hésitant pas, en toute illégitimité pour la partie relative au droit privé, à baptiser ce texte de « guide de méthodologie », démontrant ainsi une fois de plus, selon la formule consacrée, que « le comportement des services centraux de l’État est juridiquement approximatif » (SNVEL, octobre 2010).

LES PRINCIPALES MESURES DE LA LOI DU 20 JUIN 2008

1 – L’observatoire du comportement canin

Créé par l’article 1er, cet observatoire n’a jamais vu le jour.

Un rapport sur le sujet est publié en 2009. Étrangement, si divers lobbies ont bien été consultés, l’Ordre des vétérinaires, garant des missions de santé publique de notre profession, ne figure pas parmi les contacts des auteurs de ce rapport. On ne peut que s’interroger et regretter l’attitude de certains représentants professionnels complices de cette éviction politique, qui affaiblissent ainsi, par cette division, la position de la profession, pourtant crédible que dans l’unité.

En tout état de cause, les propositions de ce rapport, décalées de la réalité, ont transformé le concept d’observatoire en “usine à gaz” destinée à bâtir un instrument de fichage éloigné des objectifs de santé publique qui auraient dû être les siens.

Faute de volonté politique de créer un outil de santé publique, l’observatoire est mort-né. Son exécution, reléguée du rang légal au rang réglementaire par le Conseil constitutionnel, est officialisée par le décret du 28 juin 2011 abrogeant l’article 1er de la loi du 20 juin 2008.

Ne reste plus qu’un fantôme, dont la présence évanescente est seulement le révélateur des incohérences d’une loi qui affiche, dès son 1er article, qu’elle a pour objectif de lutter contre un danger non évalué au préalable…

2 – Évaluation obligatoire des chiens de 1re et 2e catégories entre 8 et 12 mois d’âge, des mesures transitoires concernant les chiens en circulation à la date de promulgation de la loi

Aujourd’hui ne devraient plus rester en circulation sans permis que les chiens de moins de 12 mois. Il est évident que ceux qui circulent dans les “zones de non-droit” n’ont pas fait et ne feront pas l’objet de cette mesure.

Cependant, il reste encore un certain nombre de chiens dont les propriétaires, pour diverses raisons, ne sont pas en règle. En cas de “découverte”, et conformément à la législation, le maire peut les mettre en demeure de régulariser leur situation dans un délai de 1 mois.

La profession vétérinaire s’est rapidement mobilisée, dès le mois de décembre 2007 (1re formation “chiens dangereux” à l’école de Toulouse organisée par l’AFVE1), et a formé au total environ 2 000 praticiens jusqu’en décembre 2009.

Bien que réalisée dans la douleur – des considérations politiques et mercantiles, relayées par l’administration, étant venues semer la confusion dans un discours juridique cohérent, parmi les formés comme chez les formateurs –, le bilan de cette 1re phase est globalement satisfaisant.

Ainsi, fin juin 2010, la plupart des chiens en circulation avaient fait l’objet de l’évaluation, les praticiens, suffisamment nombreux pour accomplir leur mission, ayant mis les bouchées doubles entre octobre 2009 et mai 2010. Aujourd’hui, combien de chiens de 1re et 2e catégories seraient susceptibles d’alimenter ce “marché” de l’évaluation (voir encadré)

Selon une enquête réalisée par Emmanuel Tasse, 98 % des chiens évalués sont classés en niveaux 1 (pas de danger particulier, bien que présentant un risque inhérent à l’espèce canine) et 2 (risque mineur lié à certaines personnes ou situations). Ce risque est probablement surestimé concernant le niveau 2. En effet, les praticiens, influencés par la diffusion d’une simpliste grille de risques combinant gravité et probabilité en 16 cases, dénuée de toute validité scientifique, ont pu considérer que les chiens de catégorie ne sauraient relever du niveau 1, compte tenu de la puissance de leur mâchoire (donc de la gravité potentielle des blessures). C’est ainsi que certains rottweilers, animaux de compagnie parfaitement sociables, ont pu se retrouver classés en niveau 3 (risque critique).

Une telle attitude systématique, considérée à tort comme protectrice pour le vétérinaire, revient à admettre qu’un rottweiler ne pourra jamais présenter un risque inhérent à l’espèce canine (définition du niveau 1) et pose de facto la question de l’appartenance même de cette race à celle-ci.

Une telle conception non seulement ne protège pas le praticien, mais l’expose à des poursuites éventuelles pour défaut de compétence, dans le cas où son appréciation porterait préjudice.

3 – Permis de détention obligatoire pour tous les chiens de 1re et 2e catégories

Ce permis annule et remplace l’obligation d’enregistrement en mairie des chiens dits dangereux.

Ses modalités précises ont été longues à se préciser. Bien que la loi ait fixé comme date butoir le 31 décembre 2009 pour les chiens en circulation au 21 juin 2008, ce n’est qu’au début de l’année 2010 que les maires en charge de sa délivrance ont pu en connaître la teneur.

L’information semble encore difficile à assimiler, car bon nombre de mairies continuent de refuser d’enregistrer des chiens de 1re catégorie nés après l’an 2000, au motif que ceux-ci ne sont pas censés être nés.

C’est oublier plusieurs choses :

→ l’enregistrement en mairie n’existe plus depuis juin 2008, remplacé par le permis de détention que le maire ne peut refuser qu’en cas d’incapacité du détenteur ou à cause du résultat de l’évaluation ;

→ les chiens de 1re catégorie ne sont pas de race ; si certains peuvent effectivement être le produit d’animaux de 1re catégorie détenus au mépris de la loi, de préférence dans des zones de non-droit, d’autres sont issus de croisements divers, y compris de chiens non réputés dangereux ;

→ si l’acquisition et la cession des chiens de 1re catégorie sont prohibées, leur détention ne constitue pas une infraction.

Le permis de détention fait l’objet d’un arrêté municipal et est inscrit dans le passeport européen du chien. Sa validité est soumise au respect des conditions nécessaires à sa délivrance, comme la vaccination antirabique ou l’évaluation.

En ce qui concerne la vaccination antirabique, sa validité en Europe est conditionnée par la législation du pays où est pratiquée l’injection. Ainsi, le possesseur d’un rottweiler (2e catégorie), s’il habite dans le nord de la France, pourrait parfaitement faire vacciner son chien en Belgique pour bénéficier d’une validité triennale de sa vaccination.

Avant la délivrance du permis de détention, le législateur a créé, pour les chiens de moins de 1 an, le permis provisoire de détention, dès l’âge de 4 mois. S’il peut se concevoir pour les chiens de race de 2e catégorie, qui est présumée sous réserve de conformité au standard, on peut s’interroger sur sa pertinence chez ceux de 1re catégorie. En effet, les critères des chiens de 1re catégorie sont purement morphologiques, établis pour des animaux adultes. De plus, la combinaison des différents textes, en particulier ceux concernant le certificat vétérinaire avant une cession, interdit de considérer comme relevant de la 1re catégorie un chien de moins de 8 mois. Dès lors, le permis provisoire ne devrait pas exister pour un chien de 1re catégorie, le permis proprement dit pouvant être délivré dès l’âge de 8 mois.

4 – Déclaration de morsure à la mairie

La loi impose cette déclaration au propriétaire de tout chien ayant mordu une personne, ainsi qu’à tout professionnel qui en a connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Elle impose également au propriétaire de soumettre son chien à une évaluation comportementale pendant le délai de mise sous surveillance.

C’est pratiquement la seule mesure susceptible de présenter un intérêt pour la santé publique, maintenant que l’observatoire du comportement canin est enterré. Cependant, elle soulève quelques questions…

→ Compte tenu des conséquences administratives et financières pour le propriétaire d’un chien mordeur, déclarera-t-il les morsures survenues dans le cercle de famille, surtout si elles sont bénignes ?

Le corollaire de cette position est, bien entendu, une réticence plus grande encore à effectuer les mises sous surveillance. Il semble, d’après divers témoignages, que leur nombre a effectivement diminué depuis 2008.

→ Les médecins, les premiers professionnels à avoir connaissance des morsures, effectueront-ils ces déclarations, et seront-ils seulement informés de cette mesure, eux qui ignorent le plus souvent les obligations liées à la lutte contre la rage ?

Après 3 ans, il semble cependant que certaines structures, minoritaires, accomplissent cette démarche.

→ Les vétérinaires, dont l’information ne fait aucun doute, se plieront-ils eux-mêmes à ce devoir de déclaration ?

Le praticien qui, malgré les conseils des juristes, a choisi d’évaluer les chiens de sa clientèle pour ne pas perdre un client prendra-t-il l’initiative de déclarer une morsure (surtout bénigne) au risque de le mécontenter, voire de le perdre ?

Si la loi du 6 janvier 1999 a induit une augmentation du nombre de chiens de 2e catégorie, celle du 20 juin 2008 semble être responsable d’une dégradation dans la prise en charge des animaux vraiment dangereux… Vous avez dit « santé et sécurité publiques »

Parallèlement aux agitations, voire aux gesticulations des uns et des autres dans la mise en place des dispositions relatives à la loi du 20 juin 2008, les juridictions judiciaires et administratives se sont penchées sur diverses questions relatives à la législation sur les chiens dangereux…, mais à la vitesse de la justice, qui a pu apparaître en déphasage avec la précipitation affichée par certains.

L’ÉTAT DE LA JURISPRUDENCE

Les catégories

Les incohérences de l’arrêté du 27 avril 1999 ne pouvaient qu’être à l’origine de contentieux, les consignes ministérielles prônant une conception extensive de cette notion, malgré un manque de base légale.

Le 8 février 2005, la Cour de cassation, siégeant comme cour de révision, a annulé un arrêt de la cour d’appel de Versailles qui condamnait le propriétaire d’un croisé rottweiler/amstaff pour détention d’un chien de 1re catégorie non stérilisé. Alors que ce jugement était devenu définitif, un vétérinaire avait constaté que l’animal évoquait plutôt un labrador et certainement pas un chien de 1re catégorie, ce qui fut confirmé par une expertise ultérieure. Cet arrêt est intéressant, d’une part, parce que la procédure de révision est rarement couronnée de succès, d’autre part, parce qu’il consacre le vétérinaire comme l’expert de la diagnose de catégorie.

Cependant, les juges, plus clairvoyants que les politiques, n’en demeurent pas moins attachés à la notion de sécurité publique, indépendamment de l’apparence de l’animal.

En témoigne l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 10 mai 2005. La cour, bien que relaxant le prévenu du délit de détention d’un chien de 1re catégorie en l’absence de précision sur les particularités de l’animal, a intégralement confirmé la peine correctionnelle de 1re instance, eu égard à la dangerosité prouvée de celui-ci, euthanasié peu après les faits.

Une conception confirmée par le tribunal de grande instance de Montpellier, le 18 octobre 2010. Relaxé du délit de détention d’un chien de 1re catégorie non assuré, puisque la catégorie du chien n’a pu être établie avec certitude au vu du seul rapport d’évaluation comportementale, le prévenu est cependant reconnu coupable de la contravention de blessures involontaires. Dans cette affaire, la relaxe partielle est d’importance, car elle permet à la victime (une petite fille blessée au visage) d’espérer une réparation par la mise en œuvre de l’assurance habitation d’un prévenu non solvable.

Les pouvoirs des maires en matière d’abattage

L’article L.211-11 du Code rural donne au maire le pouvoir de décider souverainement (en apparence) de l’abattage d’un chien, pudiquement rebaptisé euthanasie, après l’avis d’un vétérinaire désigné par le directeur des services vétérinaires jusqu’en 2010 et aujourd’hui par le préfet.

Ces dispositions ont, un temps, laissé croire aux maires qu’ils disposaient d’un pouvoir, sans craindre d’être contredits par le juge administratif.

C’est ainsi qu’en septembre 2007, à la suite de la mort d’un petit chien tué par un congénère apparenté à un american stafford-shire terrier, la mairie de Toulouse rédige un arrêté municipal stipulant que « ce chien sera euthanasié après avis d’un vétérinaire désigné par la Direction des services vétérinaires (DSV) ». En janvier 2008, le préfet de l’Ain écrit : « J’insiste sur le fait que la décision d’euthanasie relève de la seule responsabilité du maire, même si l’avis d’un vétérinaire est sollicité. J’ai demandé à mes services de faire appliquer sans délai les décisions des maires. »

C’est oublier que, même s’ils suivent à la lettre les instructions du ministère de l’Intérieur, les maires peuvent voir leurs décisions contredites par le juge administratif, indépendant du pouvoir et en aucun cas lié par des notes de service à usage interne.

Le 6 août 2008, le Conseil d’État confirme la suspension d’un arrêté municipal d’euthanasie d’un chien croisé rottweiler et condamne la commune à verser à sa détentrice la somme de 3 500 €. Selon le Conseil d’État, la mesure d’euthanasie présente un caractère irréversible – ce qui est objectivement peu contestable – et il existe un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté, l’appartenance du chien à la 2e catégorie n’étant pas certaine. Cette suspension n’entraîne cependant pas nécessairement la remise en liberté du chien, mais elle permet de contester une décision aux conséquences graves.

Dans son arrêt du 8 juillet 2010, la cour d’appel administrative de Marseille n’a pu que réparer financièrement le préjudice subi par le détenteur paraplégique d’un chien présumé de 1re catégorie, euthanasié à la suite d’un arrêté municipal pris uniquement pour défaut de respect des obligations légales. La cour a considéré que le non-respect de ces obligations, pour un chien décrit comme particulièrement sociable par les vétérinaires sollicités, ne suffisait pas à caractériser la notion de danger grave et immédiat, alors même que la loi du 5 mars 2007 “répute” un tel animal comme constituant un danger grave et immédiat, laissant ainsi la possibilité d’apporter la preuve contraire.

La cour d’appel administrative de Bordeaux, par un arrêt du 30 mars 2010, confirme la suspension d’un arrêté préfectoral d’euthanasie de 2 bergers allemands ayant gravement blessé 2 personnes âgées, au motif qu’il appartient à l’autorité administrative de prescrire en premier lieu les mesures préconisées par le vétérinaire et de n’ordonner l’euthanasie qu’en l’absence de respect de ces préconisations.

Les procédures se multiplient contre les excès de pouvoir d’élus pourtant respectueux des notes de service qui leur sont adressées par l’administration centrale, avec de réelles chances de succès pour les requérants. Cependant, compte tenu des délais inhérents au manque de moyens de la justice, les chiens concernés, s’ils ne sont pas euthanasiés, sont susceptibles de passer plusieurs mois, voire des années, dans un lieu de dépôt.

Jurisprudence vétérinaire

À ce jour, il existe fort heureusement peu de jurisprudence concernant les praticiens, visiblement conscients de leur responsabilité. Cependant, nous ne sommes qu’à 3 ans du début des principales procédures, et la jurisprudence est à venir. Cependant, quelques décisions méritent d’être commentées, d’une part, concernant les réquisitions, d’autre part, pour la qualification des actes réalisés par des praticiens.

Les réquisitions

L’autorité administrative ou judiciaire peut réquisitionner un praticien pour des actes qui relèvent de sa compétence. Il s’agit là d’une réquisition dite pour prestation de service, régie par l’article 642-1 du Code pénal. Le refus de déférer à cette réquisition sans motif légitime est passible d’une contravention de 2e classe. Il en va ainsi des diagnoses de catégorie, de certaines évaluations et, bien entendu, des euthanasies. L’euthanasie d’un chien dangereux ne peut être réalisée que par un vétérinaire, à la différence de l’abattage d’un animal enragé qui peut être effectué par les agents de la force publique. Par jugement du 19 décembre 2008, la juridiction de proximité de Toulouse a ainsi relaxé un praticien, responsable d’un refuge, qui refusait de déférer à une réquisition lui enjoignant de déterminer la catégorie d’un chien saisi sur la voie publique. Le fait de n’avoir pas sollicité son inscription sur les listes des évaluateurs en raison d’un défaut de compétence et d’avoir indiqué un praticien expérimenté à proximité a été considéré comme un motif légitime par le magistrat.

Qualification des actes

Le vétérinaire est un expert, c’est-à-dire une personne indépendante et compétente dans sa discipline. Il est dit expert de jure de par son titre.

L’évaluation comportementale a généré de pénibles débats sur la notion d’expertise, pour des raisons incompréhensibles. L’administration est même allée jusqu’à “inventer” une définition de circonstance, au mépris de l’officielle norme NFX50/110, dans le seul but de permettre au praticien de s’exonérer du respect de l’article R.242-82 du code, lequel interdit d’effectuer des expertises pour le compte de ses clients.

Rappelons que la clientèle d’un vétérinaire est constituée des personnes qui lui confient à titre habituel les actes relevant de cet exercice. Selon cette définition, une personne qui ferait soigner son animal en urgence dans le cadre d’un service de garde ne relèverait pas de la clientèle propre du praticien.

Les tribunaux se sont précocement prononcés sur le classement d’un chien dans une catégorie, la cour d’appel de Montpellier, dans son arrêt du 10 mai 2005, considérant qu’il s’agit d’une véritable expertise.

À ce titre, le classement sans équivoque d’un chien, qui consiste en un avis d’expert, nécessite compétence, indépendance, objectivité, et est susceptible d’engager lourdement la responsabilité du praticien.

La problématique est quelque peu différente, même si la distinction peut paraître subtile, lorsque le vétérinaire effectue un constat objectif, en se référant uniquement, mais exhaustivement, aux critères morphologiques de l’arrêté du 27 avril 1999. Il souligne alors les points de conformité et de non-conformité, ce qui suppose de bien connaître le texte de référence, lequel ne se limite pas à une simple mention de la hauteur au garrot et du périmètre thoracique.

En ce qui concerne l’évaluation comportementale, objet de tous les fantasmes, une chambre de discipline vétérinaire, présidée par un magistrat professionnel, a condamné un vétérinaire à la peine de la réprimande, en date du 16 décembre 2010, pour avoir effectué une expertise sur le chien d’un de ses clients au mépris de l’article R.242-82. Si la sanction peut paraître pour l’heure symbolique, elle n’en présente pas moins de graves conséquences potentielles si d’autres juridictions confirment cette position. En effet, le risque majeur, au-delà des éventuelles sanctions disciplinaires, est sans aucun doute l’absence de couverture des actes du praticien par son assurance en responsabilité civile, laquelle ne couvre que l’exercice légal de la profession.

Ceux qui ont délivré des avis péremptoires susceptibles de mettre en danger le vétérinaire assumeront-ils alors leurs responsabilités ?

  • 1 Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise.

LES DISPOSITIONS MAJEURES DE LA LOI DU 20 JUIN 2008

→ Création d’un observatoire du comportement canin.

→ Évaluation obligatoire des chiens de 1re et 2e catégories entre 8 et 12 mois d’âge, mesures transitoires concernant les animaux en circulation à la date de la promulgation de la loi.

→ Permis de détention obligatoire pour détenir ou posséder un chien dit dangereux.

→ Création d’une attestation d’aptitude obligatoire pour obtenir ce permis de détention.

→ Obligation de déclaration de toute morsure d’un chien sur une personne par le propriétaire ou par tout professionnel en ayant connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

→ Évaluation de ces chiens mordeurs pendant le délai de mise sous surveillance.

LA POULE AUX œUFS D’OR A VÉCU

En 2007, les “estimations” administratives avançaient les chiffres extravagants de 270 000 chiens de 1re catégorie et 410 000 de 2e catégorie. En ajoutant les 500 000 “mordeurs”, cela représentait plus de 1 million d’animaux à évaluer, une véritable “poule aux œufs d’or” pour les vétérinaires, dont certaines autres professions (éducateurs en particulier) revendiquaient quelques plumes.

Le sénateur Braye, dans son rapport de 2007, a ramené ces estimations délirantes à une plus juste réalité : sur l’ensemble du territoire, les mairies avaient enregistré 16 800 chiens de 1re catégorie, 116 600 de 2e catégorie et les ex-DSV avaient réceptionné environ 10 000 certificats de mise sous surveillance sanitaire.

Aujourd’hui, les chiens en circulation en 2008 ayant été évalués, et malgré quelques réévaluations pas toujours justifiées sur le plan technique, et compte tenu de la réduction du nombre des naissances dans les races concernées, le potentiel est estimé à moins de 20 000 chiens dits dangereux à évaluer par an. Si l’on y ajoute les “mordeurs déclarés”, sur la base de 2 000 vétérinaires inscrits sur les listes départementales, le “marché” représente 1 ou 2 actes par mois et par praticien. La poule aux œufs d’or a du plomb dans l’aile…

RAPPEL SUR L’EXPERTISE

Une expertise est un dispositif technique qui a pour but de fournir, à une personne qui n’en a pas les compétences, un avis, une recommandation, une interprétation lui permettant de prendre une décision. L’évaluation comportementale, destinée à éclairer le maire sur un danger potentiel, pour lui permettre de prescrire des mesures, semble correspondre à cette définition.

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