« La génomique et le phénotypage sont les deux mamelles de l’élevage »

En quoi les progrès de la génomique contribuent-ils à l’avenir de l’élevage bovin ?

La génomique regroupe un ensemble d’analyses qui permettent l’établissement de cartes du génome, le séquençage des molécules d’ADN et l’identification de nouveaux gènes (génomique structurale), ainsi que l’étude des fonctions des gènes (génomique fonctionnelle). Grâce à des développements technologiques à haut débit pour l’étude de l’ADN et de ses produits (ARN, protéines, métabolites), la révolution génomique déclinée en France à travers le programme Agenae (analyse du génome des animaux d’élevage), entre l’Inra et les professionnels des filières animales (regroupés à travers le consortium Apis-Gène dans le cas des bovins), a permis une meilleure connaissance des génomes des espèces animales.

L’étude simultanée de l’expression d’un grand nombre de gènes, de protéines ou de métabolites facilite la compréhension de la physiologie des herbivores. Il en résulte, grâce à la sélection génomique et au développement de techniques automatisées, de nombreuses applications potentielles pour l’élevage dans ses dimensions économique, environnementale et sociétale (amélioration de la productivité des animaux et de la qualité de leurs produits, limitation des rejets de méthane et d’azote, prise en compte du bien-être des animaux, etc.).

Après la génomique, le phénotypage s’annonce-t-il comme une nouvelle révolution pour l’élevage ?

L’un des enjeux est de parvenir à expliquer la variabilité des caractéristiques et des performances des animaux par les gènes. Il faut donc pouvoir relier, d’un côté, l’étude des caractéristiques des gènes – la génomique – à celle, de l’autre côté, des performances et des caractères physiologiques des animaux – le phénotypage. Celui-ci n’a pas encore atteint le même développement que celle-là, mais les nouvelles technologies à haut débit y pourvoiront. Aujourd’hui, le phénotypage est au cœur des préoccupations des chercheurs et des professionnels.

Si l’on sait depuis longtemps mesurer les caractéristiques des animaux sur des critères simples (vitesse de croissance, production de lait ou de viande, etc.), nous envisageons dorénavant d’apprécier des caractères beaucoup plus complexes (robustesse, adaptation aux conditions environnementales, sensibilité au stress, etc.) afin de les sélectionner sur la base de ces caractères, voire de définir de nouvelles modalités de conduite de ces animaux et des élevages. La génomique et le phénotypage sont les deux mamelles de l’élevage.

Les projets de recherche de l’Inra, à cet égard, n’intéressent-elles pas tout particulièrement les filières animales de l’élevage français ?

C’est en effet l’enjeu du futur. Nous venons de déposer un projet sur le phénotypage animal, de l’ordre de 18 millions d’euros, lors des appels d’investissements d’avenir de l’Agence nationale de la recherche. Nous voulons équiper, avec une rupture technologique (puces RFID, capteurs, bolus, etc., sur le même animal), 4 stations de l’Inra : en Normandie (vaches laitières), à Rennes (porcs), à Tours (volailles) et Laqueuille, dans le Puy-de-Dôme (bovins à viande). Il s’agit de faire des enregistrements automatiques en continu des performances de l’animal et de ses caractéristiques.

Il est aisé d’imaginer qu’avec un animal en état de suivi permanent, il sera possible d’optimiser son environnement, son alimentation, ses soins, en résumé de tendre vers un élevage de précision. On devine également la possibilité de prédire les performances de l’animal selon des critères mesurés en amont (consommation d’aliments ; vitesse de croissance ; taux de gras, maturation de la viande) : on peut construire de beaux modèles de biologie prédictive ! Les filières animales sont naturellement intéressées, et pas seulement elles. Cela concerne rien moins que la qualité des produits, l’autosuffisance alimentaire, l’économie de l’élevage, la gestion des territoires, notamment dans les zones défavorisées.