Bien prendre le départ du marathon de l’antibiorésistance

Il y a urgence à faire cesser certaines pratiques », a prévenu Marc Mortureux dans son discours introductif à la 2^e journée Anses sur l’antibiorésistance en santé animale, citant l’exemple de l’élevage de poulets. Le colloque s’est tenu le 18 novembre dernier, journée européenne de l’antibiorésistance. Le directeur général de l’Anses a rappelé que l’antibiorésistance était prioritaire dans la stratégie de l’agence. Un groupe de travail pluridisciplinaire, réunissant 27 experts, est missionné pour évaluer le risque d’émergence d’antibiorésistances associé à l’usage des antibiotiques vétérinaires. Gilles Salvat, directeur de la santé animale et du bien-être des animaux à l’Anses, attend beaucoup de ce groupe de travail. Il constate que la résistance aux céphalosporines de 3^e et 4^e générations (C3G/C4G) et aux fluoroquinolones progresse, malgré une stabilisation de leur consommation. « Des mesures urgentes et concrè­tes sont nécessaires », annonce-t-il, prenant encore l’exemple des filières avicoles (les injections d’antibiotiques in ovo et chez le poussin d’un jour). Mais si la lutte contre l’antibiorésistance est un travail urgent, c’est aussi un marathon : l’évaluation des effets obtenus ne pourra se faire qu’à moyen terme, voire à long terme.

Le tonnage des antibiotiques vétérinaires en baisse

La surveillance et l’évaluation des risques font partie du programme de travail de l’agence sur la problématique de l’antibiorésistance. Gérard Moulin (Anses-ANMV²) a ainsi signalé la récente parution du rapport annuel de suivi des ventes d’antibiotiques vétérinaires en France pour 2010. Toutes espèces confondues, la consommation globale s’élève à 1 014 t, soit le plus faible volume enregistré. En revanche, l’exposition des animaux est restée stable entre 2009 et 2010.

Jean-Yves Madec (Anses Lyon) a également annoncé la publication du bilan 2010 du Résapath. Ce réseau volontaire de suivi de l’antibiorésistance en France associe 60 laboratoires d’analyses dans 94 départements. Il livre des tendances, comme l’augmentation de l’anti­biorésistance aux C3G/C4G chez E. coli dans les filières poules et poulets.

Le lapin consomme peu d’antibiotiques critiques

L’an dernier, un moratoire sur l’usage des C3G/C4G a été adopté pour la filière porcine. Cette année, un plan de démédication dans la filière cunicole est annoncé pour décembre 2011. Claire Chauvin (Anses Ploufragan) a présenté les résultats d’une enquête sur les usages des antibiotiques chez le lapin, menée en 2010 dans 113 élevages, à la demande conjointe de la filière et de l’ANMV. Ses conclusions révèlent l’usage de familles plutôt anciennes d’antibiotiques (tétracyclines, polypeptides, aminoglycosides). Le recours aux céphalosporines est anecdotique. Les fluoroquinolones sont les antibiotiques les moins employés. En 2010, les volumes d’antibiotiques utilisés ont baissé de 10 à 15 %, « comme la filière s’y était engagée », note l’intervenante.

De son côté, Émilie Gay (Anses Lyon) est revenue sur les usa­ges d’antibiotiques chez les ruminants. 3 enquêtes ont été menées chez les bovins auprès d’éleveurs et de vétérinaires, ainsi que chez des éleveurs d’ovins, afin d’analyser les 2 derniers traitements antibiotiques prescrits ou mis en œuvre. Les résultats montrent que les éleveurs sont souvent eux-mêmes à l’initiative des traitements, « ce qui implique de les intégrer dans la démarche de lutte contre l’antibio­résistance ».

25 000 morts par an en Europe

Outre la présentation des plans de maîtrise des antibiotiques chez l’homme et l’animal, la journée s’est prolongée par la présentation de divers travaux de recherche. Un chiffre a marqué les discussions : 25 000 décès humains en Europe seraient liés à l’antibiorésistance.

• 1 Agence nationale de sécurité sanitaire.

• 2 Agence nationale du médicament vétérinaire.