La myopathie ou myoglobinurie atypique - La Semaine Vétérinaire n° 1470 du 12/11/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1470 du 12/11/2011

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : DOMINIQUE VOTION*, ANNE COUROUCÉ-MALBLANC**

Fonctions :
*chercheuse à l’université de Liège (Belgique). Article rédigé d’après les conférences « How to diagnose atypical myopathy ? » au congrès de la British Equine Veterinary Association, du 8 au 10 septembre 2011, à Liverpool (Grande-Bretagne).

À l’heure où le groupe d’alerte sur la myopathie atypique (Amag)1 lance une alerte en raison de l’apparition de cas récents, il convient de faire le point sur cette maladie.

DESCRIPTION

La myopathie atypique, à caractère fulgurant, affecte les chevaux au pré en bonne santé. Le taux de mortalité est élevé et la mort rapide (plus de 75 % des animaux succombent dans les 72 heures). La maladie présente un caractère saisonnier. Une majorité de cas sont observés en automne. Ce phénomène serait lié aux conditions météorologiques rencontrées au cours de cette saison.

Le nombre de cas recensés par l’Amag, qui a travaillé en collaboration avec le Respe2 de 2000 à 2010, s’élève à 154 en Europe au printemps 2010 (voir graphique). Jusqu’en 2005, seuls les cas belges étaient recensés par l’Amag. La myopathie atypique a été reconnue pour la première fois en France au cours de l’automne 2002.

QUELQUES DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Plusieurs points ressortent d’une étude épidémiologique qui permet de comparer les cas recensés en France et en Belgique3 :

→ le caractère saisonnier de l’affection (la majeure partie des cas se déclarent en automne) ;

→ la sensibilité particulière des jeunes (moins de 5 ans) et des vieux (plus de 20 ans) chevaux à la maladie ;

→ la confirmation que la myopathie atypique n’affecte pas particulièrement les chevaux mal soignés (la majorité des animaux présentaient un embonpoint normal et étaient régulièrement vaccinés et vermifugés) ;

→ une gestion similaire des chevaux (animaux en pâture, faible proportion d’équidés au travail) ;

→ des caractéristiques environnementales comparables (pâtures avec des arbres, des feuilles mortes amassées en automne, présence de bois mort, souvent en pente, rases, etc.).

L’observation des cas français révèle que :

→ les séries automnales au cours desquelles un grand nombre de cas sont enregistrés sont généralement suivies d’un important épisode clinique au printemps ;

→ les zèbres et les ânes sont également susceptibles d’être touchés par la maladie ;

→ les prairies où des mortalités d’équidés sont enregistrées sont particulièrement à risque.

SIGNES CLINIQUES

Les symptômes de la myopathie atypique apparaissent de manière soudaine. Les rares manifestations annonciatrices décrites par les propriétaires de chevaux atteints sont l’abattement, une diminution de l’appétit, des signes de colique et de la raideur, voire une boiterie.

La totalité des chevaux affectés présentent de la faiblesse. Les animaux sont fréquemment observés couchés dans le pré, le plus souvent sur le flanc. Parfois, ils sont trouvés morts en pâture alors qu’ils ne présentaient aucun comportement anormal la veille. Lorsque le cheval est capable de se déplacer, il présente une raideur particulièrement marquée de l’arrière-main.

L’émission d’urines anormalement foncées est probablement le signe le plus spécifique de la myopathie atypique.

Des coliques sont parfois notées. Elles résulteraient de la distension de la vessie, souvent constatée par palpation rectale.

Les propriétaires remarquent que, malgré la gravité des signes cliniques, le cheval veut manger (il tente de grappiller tout brin de paille ou de foin à proximité de sa bouche). Souvent, l’animal présente des difficultés respiratoires qui s’accentuent avec le temps. La fréquence cardiaque augmente souvent (supérieure à 60 battements/minute au lieu de 40 au repos), la fréquence respiratoire parfois. Les bruits digestifs sont généralement d’intensité normale.

COMMENT CONFIRMER LE DIAGNOSTIC ?

Un diagnostic de la myopathie atypique repose sur :

→ l’historique ;

→ les signes cliniques ;

→ les résultats de l’activité sérique des enzymes musculaires (CK4 essentiellement).

Le diagnostic de myopathie atypique peut être confirmé à l’aide de :

→ l’analyse histologique de biopsies prélevées post-mortem, éventuellement sur un cheval vivant (au niveau de l’épaule, par exemple). L’analyse histologique permet de confirmer l’existence d’une rhabdomyolyse ;

→ la détermination d’un profil biochimique particulier à partir de prises de sang (réalisée à l’université de Liège, en Belgique).

Le dosage de l’activité des CK des différents chevaux partageant une même prairie offre la possibilité de déceler des cas subcliniques, qui resteront sans symptomatologie ou qui évolueront rapidement vers la maladie clinique.

Il importe de confirmer le diagnostic de myopathie atypique pour le devenir de la pâture. En effet, lorsqu’un cas est attesté, le pâturage de cette prairie est à proscrire pendant les saisons à risque (à l’automne et au printemps).

GESTION CLINIQUE ET MÉDICAMENTEUSE

En attendant l’arrivée du vétérinaire, le propriétaire prend plusieurs mesures.

→ Le cheval est à déplacer le moins possible, car tout mouvement pourrait aggraver la destruction musculaire. Néanmoins, si ce n’est déjà le cas, le cheval se couchera rapidement et sera incapable de se relever. L’idéal est de le conduire vers l’écurie ou l’abri (richement paillé et au chaud) le plus proche où il recevra les soins vétérinaires.

→ Il convient de prendre la température rectale et, si le cheval souffre d’hypothermie, de le réchauffer.

→ S’il transpire abondamment, l’animal est à bouchonner.

→ Le propriétaire donnera des sucres et/ou de l’eau sucrée si le cheval parvient à déglutir.

→ Se munir d’un pot permet de récolter les urines afin de déterminer leur couleur et de contribuer au diagnostic.

Outre les mesures thérapeutiques décrites ci-après, le vété-rinaire réalise une palpation transrectale (pour exclure une colique), retourne régulièrement le cheval en décubitus et vide souvent la vessie.

Diverses causes sont suspectées pour la myopathie atypique. Les principales sont l’action de toxines d’origine bactérienne (Clostridium spp. ou Streptomyces spp.), de mycotoxines ou encore une carence d’origine nutritionnelle (c’est-à-dire une carence en vitamine E/sélénium). Même si aucune de ces causes n’est confirmée ou infirmée, le traitement médicamenteux tient compte de ces possibilités, ainsi que des résultats des études histologiques et biochimiques qui permettent d’établir un processus pathologique hypothétique.

ÉTABLIR UN PRONOSTIC DE SURVIE

75 % des chevaux meurent rapidement et 25 % survivent. Face à ce type de cas, il importe de confirmer le diagnostic et d’établir un pronostic de survie afin de mettre en œuvre une gestion clinique et médicamenteuse appropriée.

Le pronostic de survie ne repose pas sur le niveau d’activité des CK, car celui-ci n’a aucune valeur pronostique.

À l’inverse, la détermination du taux d’oxygène dans le sang artériel (PaO2) est particulièrement utile. En effet, une diminution de la PaO2avec l’aggravation des signes cliniques qui précédent la mort est observée. Une valeur de PaO2 anormalement basse (inférieure à 70 mmHg) est à considérer comme un critère décisif d’euthanasie. En l’absence d’analyseur de gaz sanguin, l’évolution de la respiration est un autre facteur pronostique à prendre en considération : l’hypoxémie s’aggrave parallèlement à la dyspnée expiratoire. De plus, les survivants présentent des muqueuses normales tandis que ceux qui meurent ont, pour la plupart, des muqueuses congestives. Le fait de rester debout constitue un autre facteur pronostique de survie identifié lors des dernières séries européennes.

Compte tenu de l’absence apparente de séquelles chez les animaux survivants, une gestion médicamenteuse des cas est à entreprendre lorsque la détresse respiratoire est peu marquée (et/ou la PaO2 satisfaisante), les muqueuses demeurent de couleur normale, d’autant plus si le cheval reste debout (ou se relève fréquemment sans être sollicité). Dans certains cas, la souffrance est incontrôlable malgré des mesures mises en œuvre (vidange de la vessie et administration d’antidouleurs). Pour des raisons de bien-être animal, l’euthanasie de ces cas est recommandée.

LA GESTION DES COMPAGNONS DE PÂTURE

À tout moment, les compagnons de pâture d’un cheval atteint de myopathie atypique sont susceptibles d’entrer en phase clinique de la maladie. Il est primordial de retirer le plus rapidement possible les sujets sains (en apparence sains pour les cas subcliniques) de la pâture et d’observer l’activité des CK pendant quelques jours. Les animaux mis au box peuvent déclarer la myopathie atypique jusqu’à 2 jours après avoir quitté le pâturage. En prévention, des sucres, des complexes vitaminés (comprenant de la vitamine B2) et des antioxydants peuvent être administrés. Toute forme de stress et tout effort physique constitueraient des facteurs déclenchant des signes cliniques de la myopathie atypique chez des équidés au stade subclinique. Il importe donc d’éviter de soumettre les compagnons de pâture à un stress (le transport, par exemple) et/ou de réaliser un exercice physique pendant la semaine qui suit la déclaration d’un cas.

RÉDUIRE LE RISQUE DE MYOPATHIE ATYPIQUE

→ Restreindre l’accès à la pâture de l’automne au printemps (lorsque les conditions climatiques sont défavorables : pluie, vents violents, premiers jours de gel, etc.) diminue le risque de myopathie atypique.

→ En automne, il convient d’éviter la distribution de foin déposé à même le sol (source potentielle de mycotoxines qui pourraient être une cause de myopathie atypique).

→ Un historique de mortalité d’équidés dans une pâture (de cause non identifiée ou à la suite d’une myopathie atypique) est un facteur de risque pour la myopathie atypique.

→ Les chevaux utilisés pour une activité physique sont moins à risque que ceux laissés au pâturage en permanence.

Les échanges entre l’université de Liège et le Respe permettent de constater que les séries cliniques tendent à se déclarer simultanément dans diverses régions, voire divers pays. Lorsqu’une série clinique se déclenche, un message d’alerte publié sur un site Internet dédié à la myopathie atypique5 informe les vétérinaires et les propriétaires de l’émergence des cas. Ainsi, ces derniers sont en mesure, lors de ces phases d’alerte, de prendre les mesures relatives à la gestion de crise. Par ailleurs, il est désormais possible de déclarer les cas en ligne via le “formulaire vétérinaire” par les vétérinaires traitants et via le “questionnaire propriétaire” par les gestionnaires de l’équidé suspecté de souffrir de myopathie atypique. Une déclaration sommaire via l’onglet “primo-déclaration” permet d’informer rapidement le secteur équin de l’émergence de cas.

  • 1 Atypical Myopathy Alert Group.

  • 2 Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine.

  • 3 Patarin et coll., 2011.

  • 4 Créatines kinases.

  • 5 http://www.myopathieatypique.fr

DÉCLARER LES CAS DE MYOGLUBINURIE ATYPIQUE

→ Vous pouvez devenir vétérinaire sentinelle et faire remonter les informations relatives à la myoglobinurie atypique (et d’autres maladies infectieuses) en ligne via le Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (http://respe.net)

POUR EN SAVOIR PLUS

→ F. Patarin, G. van Galen, C. Marcillaud-Pitel, D. Serteyn, D.-M. Votion (2011) : « Incidences pratiques tirées des dernières séries cliniques de myopathie atypique sur le territoire français », 37e journée de la recherche équine, 24 février 2011.

→ C. Marcillaud-Pitel, G. van Galen, E. Guix, D. Votion (2010) : « Recrudescence de la myopathie atypique du cheval au pré en Europe », bulletin d’épidémiologie du Respe.

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