La fluoxétine face aux troubles liés à la séparation chez le chien

Reconcile(r) devrait (enfin) faire oublier Prozac(r)… chez les vétérinaires. Ce lancement d’une formulation vétérinaire de la fluoxétine est attendu de longue date par nos confrères spécialistes du comportement canin. Cela fait 20 ans que ces praticiens comportementalistes prescrivent, non sans difficultés, le médicament humain Prozac(r) pour environ 30 % des chiens qui présentent des troubles comportementaux. Plus d’un vétérinaire sur deux (55 %) prescrit déjà souvent (11 %), parfois (15 %) ou rarement (29 %) Prozac(r) ou ses génériques à base de fluoxétine, selon une étude réalisée par Biosat pour Elanco en avril 2010.

15 à 20 % des chiens souffrent de la séparation avec leur maître

L’arrivée d’une formulation vétérinaire comme Reconcile(r), adaptée aux chiens par sa galénique (des comprimés appétents) et ses dosages plus élevés, permettra d’éviter un débat, voire un combat avec le propriétaire pour le convaincre du bénéfice médical pour son animal d’un traitement avec un médicament humain aussi connu, mais parfois aussi mal perçu, que Prozac(r). La posologie efficace est en effet assez élevée chez le chien : entre 1 et 2 mg/kg/j en une seule prise journalière. Le médicament, dont le nom commercial évoque une « réconciliation entre l’animal et l’homme », est indiqué pour tous « les troubles liés à la séparation du chien et de son propriétaire uniquement en complément d’une thérapie comportementale ». Ces troubles ne sont pas limités à l’anxiété de séparation. Ils concerneraient 15 à 20 % des chiens. Ils se traduisent par de vraies nuisances : destructions, aboiements ou gémissements, malpropreté (mictions ou défécations), agitation, voire panique, avec des activités répétitives comme de l’automutilation (granulome ou plaie de léchage), des tentatives de fugue, etc. Ces troubles, dont la répétition peut devenir insupportable, sont aussi à l’origine d’abandons ou de demandes d’euthanasie, avec une souffrance partagée à la fois par le chien et par son propriétaire.

La fluoxétine et son principal métabolite actif, la norfluoxétine, sont des « inhibiteurs hautement sélectifs de la recapture de la sérotonine ». Ils ne sont pas dénués d’effets indésirables, couramment une perte d’appétit ou de la léthargie.

Mais la sélectivité sur les seuls récepteurs de la sérotine confère à la fluoxétine des effets indésirables (somnolence) moindres que des antidépresseurs moins sélectifs. Ce mode d’action conduit aussi à la contre-indiquer en association avec l’acépromazine ou d’autres agents sérotoninergiques comme la sélégiline Selgian(r) (inhibiteur de monoamine oxydase) ou la clomipramine Clomicalm(r) (antidépresseur tricyclique).

La sérotonine : le neuromédiateur du contrôle…

La sérotonine est l’un des nombreux neurotransmetteurs du système nerveux central. Elle joue un rôle régulateur “apaisant” sur l’humeur, le sommeil, la satiété, le comportement sexuel. « C’est le neurotransmetteur du contrôle de ces comportements  », a expliqué notre confrère comportementaliste Claude Béata, à l’occasion de ce lancement. Les déficits en sérotonine se traduisent par une perte de contrôle (hyperactivité et manque de sommeil) sans que le chien donne l’impression de pouvoir s’arrêter ou contrôler son hyperactivité, son léchage ininterrompu, sa boulimie permanente, son hypersexualité, voire son agressivité.

La fluoxétine a une action sérotoninergique sélective en prolongeant l’action de la sérotonine dans les synapses. Avec la forme vétérinaire, la biodisponibilité est améliorée et atteint 72 % sans être influencée par la prise de nourriture. La fluoxétine est éliminée rapidement, avec une demi-vie de 6 heures. En revanche, la norfluoxétine est éliminée beaucoup plus lentement (T1/2 de 49 heures). De ce fait, l’état d’équilibre (le steady state) est atteint en une dizaine de jours.

Dans un essai clinique multicentrique¹ contre placebo mené sur 242 chiens souffrant de troubles liés à la séparation (^{voir graphique}), Reconcile(r), associé à une thérapie comportementale, améliore rapidement et significativement la situation, en 1 semaine pour 42 % des chiens (versus 17 % avec le placebo). Une amélioration de l’état des trois quarts des chiens environ est notée en 8 semaines avec la fluoxétine, au lieu de la moitié par la seule thérapie comportementale.

• 1 Simpson B.S. et coll. (2007) Veterinary Therapeutics 8 (1) : 2-15.