Comment traiter l’asthme chez un chat diabétique ou pour éviter qu’il ne le devienne - La Semaine Vétérinaire n° 1468 du 28/10/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1468 du 28/10/2011

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : GHITA BENCHEKROUN*, GWENAËL OUTTERS**

Fonctions :
*DESV de médecine interne, service de médecine de l’école d’Alfort. Article rédigé d’après la conférence « Diabète sucré et asthme félin », présentée au congrès de l’Afvac 2010 à La Défense.

Points forts

– Des alternatives aux corticoïdes existent dans le traitement de l’asthme, même s’ils restent incontournables en urgence.

– La corticothérapie par voie inhalée n’induirait pas de diabète sucré.

– Les bronchodilatateurs permettent de diminuer les doses de glucocorticoïdes.

L’asthme est fréquent chez le chat. Son traitement le plus efficace repose sur une corticothérapie systémique, en général au long cours. Le diabète sucré en est un des effets secondaires. Or, cette dysendocrinie est également fréquente dans l’espèce féline. L’objet de cette présentation est d’envisager un traitement alternatif à la corticothérapie, qui peut être utilisé chez le chat à la fois asthmatique et diabétique ou chez tout chat asthmatique, afin de prévenir les risques de complications de diabète sucré.

PLACE DES CORTICOÏDES DANS L’ASTHME

Les glucocorticoïdes occupent une place centrale dans le traitement de l’asthme (diminution de la réaction inflammatoire et de l’hypertrophie musculaire, inhibition de la dégranulation des mastocytes, voir encadré). La corticothérapie chez l’animal asthmatique repose sur de la prednisolone à raison de 1 à 2 mg/kg, deux fois par jour pendant une semaine, suivie d’une dégression progressive jusqu’à la dose minimale efficace. Une étude, qui compare les effets diabétogènes de la prednisolone et de la dexa­méthasone, suggère que l’effet diabétogène de la seconde molécule est supérieur [1]. Il convient donc de lui préférer la prednisolone. En urgence, la dexaméthasone par voie injectable peut toutefois être utilisée. Selon notre consœur, la cor­ticothérapie reste incontour­nable en cas d’urgence, lors de risque vital. Après son initiation, des alternatives doivent cependant être trouvées.

LES ALTERNATIVES À LA CORTICOTHÉRAPIE SYSTÉMIQUE

Aérosolthérapie

Des dispositifs commercialisés et adaptés au chat (long de 11 cm, et d’un diamètre de 3,5 cm, comme l’Aerokat(r)) permettent de réaliser une corticothérapie par voie inhalée. Une pulvérisation est pratiquée et on attend 7 à 10 inspirations que le produit soit totalement inhalé. La fluticasone (Flixotide(r)1) est la molécule la plus utilisée (le flunisolide, Nasalide(r)1, est aussi envisageable). Des études suggèrent des doses d’administration de 44, 110, 220 ou 250 µg pour des efficacités similaires. Selon l’expérience de notre consœur et les formes disponibles en France (50, 125 ou 250 µg), l’administration initiale de 125 à 250 µg de fluticasone par chat, deux fois par jour, semble suffisante pour contrôler l’asthme. Il convient ensuite de diminuer le trai­tement progressivement jusqu’à obtenir la dose minimale efficace. Le principal frein de cette démarche est la tolérance du chat vis-à-vis du masque. Dans une étude, bien que la fluticasone inhalée induise un aplanissement de l’axe corticotrope en raison de son assimilation systémique, aucun animal n’a développé d’effet secondaire ou de diabète sucré [2].

Bronchodilatateurs

La bronchoconstriction est un phénomène majeur de la physiopathologie de l’asthme. Les bronchodilatateurs Β-agonistes d’action rapide sous forme d’inhalateur (salbutamol, Ventoline(r)1) occupent une place centrale dans le traitement de l’asthme. Ils sont cependant réservés aux situations d’urgence car, utilisés quotidiennement, ils sont pro-inflammatoires. Le salmétérol, Β-agoniste d’action plus longue, utilisé seul (Serevent(r)1) ou associé à la fluticasone (Seretide(r)1), est indiqué dans le traitement au long cours de l’asthme. La terbutaline, autre Β-agoniste, s’administre par voie injectable dans les situations de crise et peut être relayée par voie orale. La contre-indication de diabète sucré à l’administration de Β-agonistes se justifie peu chez l’animal. La résistance à l’insuline qu’ils induisent est minime par rapport aux effets des glucocorticoïdes.

La famille des méthylxanthi­nes (théophylline, propentophylline) peut être utilisée, cependant le recul manque dans le traitement de l’asthme félin.

DE NOUVEAUX TRAITEMENTS EN SECONDE INTENTION

La cyclosporine possède une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de l’atopie chez le chien. Elle a été évaluée dans le traitement de l’asthme félin et peut être réservée aux cas d’asthme corticorésistant ou lorsque la corticothérapie est contre-indiquée. Sa posologie est de 5 à 10 mg/kg/j. Idéalement, la concentration plasmatique en cyclosporine doit être comprise entre 500 et 1 000 ng/ml. Dès que l’animal est en rémission, la fréquence d’administration est diminuée, en jour alterné, jusqu’à trouver la dose minimale efficace.

Une publication en médecine humaine montre une amélioration des signes cliniques chez des patients cortico­résistants lors d’utilisation de masitinib, un inhibiteur des récepteurs de la tyrosine kinase (présents sur les mastocytes) [4]. Une étude vétérinaire en cours montre son effet bénéfique dans le traitement du chat asthmatique expérimentalement induit. Sur le terrain, quelques animaux commencent à être traités par le masitinib en seconde intention (si la corticothérapie est insuffisante ou contre-indiquée), avec des réponses satisfaisantes. Une dose moyenne de 6 mg/kg/j est utilisée, soit un comprimé de 50 mg de Masivet(r) toutes les 48 heures, pour un chat de poids moyen. Cette administration requiert des contrôles rapprochés (bilan hépatorénal, albuminémie, numération-formule tous les deux mois). Dès que l’animal est équilibré, le traitement est diminué jusqu’à la dose minimale efficace. Une exacerbation des signes cliniques est possible au cours des deux premiè­res semaines de traitement, liée à la dégranulation des mastocytes présents sur le lieu de l’inflammation.

Les antihistaminiques sélectifs et les antagonistes de la sérotonine (cyproheptadine) présentent un intérêt comme traitement adjuvant pour diminuer la dose d’un autre traitement, mais ils ne constituent pas une alternative.

L’immunothérapie, qui repose sur l’administration de l’allergène responsable de manière rapprochée les premiers jours, puis de manière étalée sur plu­sieurs semaines, est une perspective. Son efficacité a été montrée sur des animaux asthmatiques expérimentalement induits.

Enfin, si le propriétaire est réfractaire, pour des raisons financières ou pratiques, au traitement alternatif, la corticothérapie peut être maintenue, mais l’insulino-résistance induite devra être “forcée” afin que l’animal soit équilibré.

  • 1 Pharmacopée humaine.

Bibliographie

  • 1 – A.D. Lowe, T.K. Graves, K.L. Campbell, D.J. Schaeffer : « A pilot study comparing the diabetogenic effects of dexamethasone and prednisolone in cats », J. Am. Anim. Hosp. Assoc., septembre/octobre 2009,45(5): 215-224.
  • 2 – N. Kirschvink, J. Leemans, F. Delvaux et coll. : « Inhaled fluticasone reduces bronchial responsiveness and airway inflammation in cats with mild chronic bronchitis », J. Feline Med. Surg., février 2006 ; 8(1): 45-54. Epub 2005 Oct 6.
  • 3 – L.A. Cohn ; A.E. Declue ; R.L. Cohen et coll. : « Effects of fluticasone propionate dosage in an experimental model of feline asthma », J. Feline Med. Surg., février 2010 12(2): 91-96.
  • 4 – M. Humbert, F. de Blay, G. Garcia et coll. : « Masitinib, a c-kit/PDGF receptor tyrosine kinase inhibitor, improves disease control in severe corticosteroid-dependent asthmatics », Allergy, août 2009, 64(8): 1194-1201.

PHYSIOPATHOGÉNIE DE L’ASTHME

L’asthme correspond à une hypersensibilité de type 1.

Lors d’un premier contact avec l’allergène, celui-ci est présenté au niveau des tissus lymphoïdes locaux par des cellules présentatrices de l’antigène. Il s’ensuit une production d’IgE dirigées spécifiquement contre cet antigène.

À la deuxième exposition, les mastocytes affluent au niveau de la muqueuse bronchique. Ils portent à leur surface des IgE reconnaissant l’antigène spécifique. L’interaction des mastocytes avec l’antigène entraîne leur dégranulation et la libération de nombreux facteurs, en particulier de l’histamine, de la sérotonine et un facteur attractif des éosinophiles qui vont être les principales cellules inflammatoires à infiltrer la muqueuse bronchique. L’histamine, la sérotonine et les éosinophiles sont à l’origine d’une hyperproduction de mucus, d’une vasodilatation, d’une augmentation de la perméabilité vasculaire (à l’origine d’un œdème de la muqueuse bronchique), d’une hypertrophie musculaire et d’une bronchoconstriction. Le système nerveux autonome se déséquilibre en faveur du système parasympathique : augmentation de la perméabilité vasculaire et de la production de mucus, hypertrophie musculaire, inhibition du système sympathique. Les conséquences de cette cascade sont la maladie asthmatique caractérisée par une hypertrophie de la muqueuse bronchique à l’origine d’une diminution du diamètre de la bronche et une augmentation de la quantité de mucus.

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