Pathogénie et prévention des cloacites chez les poules reproductrices - La Semaine Vétérinaire n° 1467 du 21/10/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1467 du 21/10/2011

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/VOLAILLES

Auteur(s) : KARIM ADJOU*, KHALED KABOUDI**

Le cloaque joue un rôle physiologique important chez les oiseaux, car il se situe au “carrefour” de trois voies : digestive, urinaire et génitale. Tout dysfonctionnement à ce niveau se traduit par des lésions appelées “cloacites”, de plus en plus fréquentes ces dernières années chez les poules. Cette affection se complique davantage en l’absence de traitement efficace.

PATHOGÉNIE

L’incidence des cloacites chez les poules pondeuses par rapport aux poulettes s’explique par l’oviposition et l’éversion du cloaque, qui jouent un rôle primordial dans la pathogénie de cette maladie. En effet, durant l’oviposition, une partie du vagin et le cloaque se trouvent éversés vers l’extérieur afin de favoriser la sortie de l’œuf sans qu’il soit contaminé par les matières fécales contenues dans le cloaque. Dans les conditions normales, ce dernier se rétracte peu de temps après l’oviposition pour regagner sa position initiale.

Chez certains animaux, cette éversion se maintient plus longtemps et le retour du cloaque à sa position normale se trouve bloqué par un dépôt excessif de graisse abdominale, notamment chez des poules en pleine ponte dont les besoins nutritifs sont importants (d’où une tendance à l’engraissement).

La muqueuse rose et luisante du cloaque, ainsi éversée, attire les congénères qui l’attaquent en la piquant, provoquant des blessures de la paroi cloacale. De plus, cette muqueuse éversée se trouve exposée aux irritations dues au contact des objets : abreuvoirs, mangeoires, pondoirs, caillebotis, litière, cages, etc.

Après ce prolapsus transitoire, le cloaque revient à sa position initiale, mais les lésions primaires subies constituent une porte d’entrée pour les infections secondaires.

FACTEURS CONTRIBUANT A L’APPARITION DES CLOACITES

→ L’excès du gras sous-cutané, et son dépôt excessif sur les viscères, la ponte d’un gros œuf et l’hypocalcémie prédisposent les poules à développer de telles affections. L’aliment est l’un des principaux facteurs incriminés dans l’obésité des poules. Un excès de matériaux énergétiques, glucidiques et/ou lipidiques, ainsi qu’une distribution inadéquate de l’alimentation (grandes quantités à volonté) favorisent le dépôt de gras au niveau de l’organisme.

→ L’entrée précoce en ponte des poules n’ayant pas un développement corporel adéquat favorise le prolapsus cloacal et les cloacites. M. Ng et coll. (2003) ont montré qu’un poids vif insuffisant des poulettes (futures pondeuses d’œufs de consommation), juste à l’entrée en ponte, est corrélé ultérieurement à une incidence plus importante des cloacites hémorragiques aux alentours du pic de production, conséquence d’une difficulté de ponte. Cela peut s’expliquer en partie par le développement inadéquat du tractus génital de la poulette et de son inaptitude à pondre.

→ Enfin, le picage vient compliquer la pathogenèse des cloacites. Il peut être déclenché par diverses causes, notamment les dérèglements hormonaux, un déséquilibre alimentaire, la présence de coqs agressifs, un sexe ratio inapproprié, une forte intensité lumineuse, une densité élevée d’animaux, etc.

RÔLE MAL CONNU DES BACTÉRIES

→ La présence d’amas abondants de bactéries dans les foyers de nécrose laisse supposer le rôle important que jouent certains germes dans le développement des lésions ulcéreuses et nécrotiques du cloaque et de l’oviducte.

→ Escherichia coli, Bacteroïdes sp, Fusobacterium sp et d’autres anaérobies ont été isolées à partir des écouvillonnages effectués au niveau des zones nécrotiques des cloaques affectés.

Toutefois, il n’est actuellement pas encore démontré que ces bactéries interviennent directement dans la pathogénie des cloacites, où elles se greffent ultérieurement (cas le plus probable) pour provoquer des lésions au niveau des muqueuses.

SIGNES CLINIQUES ET LÉSIONS

→ Les œufs souillés de sang représentent le premier signe d’alerte au niveau de l’élevage (voir photo 1).

→ Le taux de mortalité, de 5 à 10 % en moyenne, peut être élevé, notamment en présence de picage et de cannibalisme accompagnés d’une extériorisation du vagin et des portions intestinales. La mort est consécutive à un choc hypovolémique et/ou à une septicémie.

→ Les poules montrent souvent des lésions sévères du ventre, du cloaque et du tissu avoisinant (voir photo 2). L’éviscération de la plus grande partie des intestins et la présence de caillots sanguins dans la cavité abdominale sont deux observations fréquentes chez les animaux morts. Dans les cas extrêmes, seule une partie du duodénum se trouve attachée au gésier. Parfois, une grande portion de l’oviducte de la poule est absente, mais cela reste moins fréquent que l’éviscération des intestins.

→ Les lésions du cloaque varient de quelques hémorragies et une légère hypertrophie à une nécrose de la muqueuse cloacale qui se trouve recouverte d’un magma fibrino-nécrotique (voir photo 3).

→ A l’autopsie, les poules montrent en général un bon état d’embonpoint, avec un dépôt excessif de gras sous-cutané, au niveau du péritoine et sur les différents viscères (voir photo 4). La stéatose hépatique est également une lésion fréquente (voir photo 5).

→ La plupart des poules affectées sont en pleine production, âgées de 25 à 50 semaines. Leur tractus génital (grappe ovarienne et oviducte) est bien développé. L’ouverture de l’oviducte révèle souvent des lésions d’inflammation et d’hémorragie.

→ L’infection ascendante via des germes provenant du milieu extérieur et/ou des matières fécales au niveau du cloaque explique les lésions d’ovarite et de salpingite notées chez la plupart des sujets atteints d’une cloacite.

MESURES DE PREVENTION

→ L’une des principales recommandations pour limiter les cloacites chez les reproductrices est de prévenir l’engraissement excessif des poulettes et des poules. Pour cela, l’apport d’un aliment équilibré, en fonction du stade de production et en quantités adéquates, devra être assuré. L’adoption d’un programme de rationnement doit tenir compte du contrôle hebdomadaire du poids vif dès la phase d’élevage et jusqu’à la réforme. Une diminution progressive des quantités d’aliments distribuées aux poules en production est parfois recommandée durant les 4 à 5 semaines qui suivent le pic de ponte, afin de maîtriser le risque d’engraissement. Cette baisse sera modulée selon le niveau de la ponte, le poids des œufs et celui des poules.

→ La maîtrise des stimulations lumineuses chez la poulette est également importante. Elles la préparent à l’entrée en ponte et ne doivent être pratiquées qu’au moment opportun, déterminé par le poids vif, en conformité avec les recommandations du guide de la souche animale. L’objectif est ainsi de prévenir l’entrée précoce en production avec un développement corporel insuffisant.

→ La gestion du programme lumineux au stade de la poulette et au cours de la ponte est un paramètre qui se révèle beaucoup plus difficile à maîtriser dans les bâtiments clairs.

→ Le contrôle régulier de l’homogénéité du lot vise une meilleure maîtrise du poids vif, de la maturité sexuelle et, par conséquent, d’un démarrage optimal de la ponte.

→ Le respect de la densité des animaux au mètre carré fait aussi partie des mesures préventives.

→ De même que la mise en place du matériel d’élevage adéquat (mangeoires, abreuvoirs, pondoirs) en nombre suffisant pour éviter les compétitions entre les poules.

→ Une pratique correcte du débécage (technicité, matériel adéquat) est recommandée.

→ Enfin, il convient de lutter contre les entérites qui favorisent les prolapsus et les cloacites.

Pour en savoir plus

  • 1 → Keymer I.F., 1986. Disorders of the avian female reproductive system. Avian Pathol., 9 : 405-419.
  • 2 → Ng. M., Parkinson G.B et Cransberg P.H., 2003. Influence of pullet weight on production and cloacal hemorrhage in layers. Proc. Aust. Poult. Sci. Sym., 15 : 87-90.
  • 3 → Wakenell P.S., 1996. Obstetrics and reproduction of backyard poultry. Seminar in Avian and Exotic Pet Medicine, 5(4) : 199-204.
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