Le résidanat : trois années de sacrifices, sans regret - La Semaine Vétérinaire n° 1463 du 23/09/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1463 du 23/09/2011

Dossier

Auteur(s) : AGNÈS FAESSEL

Le résidanat vétérinaire, formation de spécialisation européenne, ouvre la perspective d’un exercice exclusif de la discipline, en France, en Europe, voire au-delà. Chaque programme respecte des lignes directrices précises, s’inscrivant dans un format général commun, sans pour autant perdre ses spécificités. La charge de travail, trois ans durant, impose une motivation sans faille. Pourtant, les candidats se bousculent pour décrocher leur place.

Les “résidents”, qui sont-ils ? Ces vétérinaires gravitent dans les services cliniques des écoles, dans les structures de consultations spécialisées. Ce sont des confrères diplômés qui ont opté pour une formation complémentaire, longue et pointue dans une discipline donnée, répondant aux directives des collèges européens. Ils ont choisi la voie de la spécialisation européenne.

À ce jour, 23 collèges sont approuvés par le Bureau européen de la spécialisation vétérinaire (EBVS), et aptes à délivrer un diplôme dans leur spécialité (anesthésie et analgésie vétérinaires, par exemple). Les résidanats préparent les candidats à l’examen pour son obtention (le board). Chaque collège définit les objectifs et les critères détaillés à respecter dans les programmes de ces formations, établis selon des règles communes, mais avec des spécificités inhérentes à la discipline1. Cette préparation, d’une durée de trois ans le plus souvent, est avant tout une formation pratique, mais associée à un enseignement théorique solide. En règle générale, le résident doit ainsi compiler un certain nombre de cas (cas cliniques, interventions chirurgicales, etc.) dont il aura eu la charge, et qu’il aura documentés par une étude de la bibliographie. Il est encadré par un superviseur, lui-même diplômé du collège concerné, et accueilli dans une structure universitaire ou privée suffisamment équipée. Le résidanat initie également à la recherche. Les programmes prévoient de monter un ou plusieurs projets de recherche, aboutissant à des publications scientifiques dans des revues de référence. Le résident participe activement à des congrès de formation continue, comme congressiste, mais aussi comme intervenant, à des séminaires, des réunions de résidents, des journal clubs (groupes d’analyse critique de la littérature scientifique), etc.

Selon le pays et l’institution d’accueil, chaque résidanat présente des particularités propres. Il appartient à chacun de présenter sa candidature à ceux qui correspondent à ses attentes. Les programmes universitaires peuvent offrir un environnement plus riche, avec des moyens humains et matériels plus développés. Les résidanats en structure privée ont l’avantage de mieux appréhender la pratique libérale, incluant le rapport au client et les contraintes techniques et économiques qui s’y rattachent. « Une entente parfaite avec le superviseur se révèle indispensable », prévient une résidente.

Selon la discipline, le nombre de candidats varie. « La résidence en chirurgie est l’une de celles qui attirent le plus de postulants. Elle ne s’obtient que grâce au parcours qui a été réalisé en amont », témoigne un de ces étudiants en Belgique. Car quelques prérequis sont incontournables : de bons résultats pendant les études vétérinaires, être titulaire d’un internat, justifier à défaut d’une expérience pratique équivalente (d’au moins deux ans le plus souvent), d’un niveau d’anglais minimal et, bien entendu, d’une motivation sans borne.

Plus qu’un plein temps, mais mal rémunéré

Être admis pour entamer un résidanat est ainsi une première victoire. Mais que les postulants ne s’y méprennent pas : la formation n’a rien, ensuite, d’une promenade de santé. Au contraire, le résident est contraint de mettre sa vie personnelle entre parenthèses pendant trois ans. Car entre le travail clinique et de recherche, les stages, la documentation, les révisions… les moments de détente, en famille ou entre amis, se raréfient. Le travail représente plus qu’un plein temps.

Cette formation est néanmoins accessible aux vétérinaires en activité, qui souhaitent le rester tout en la suivant. Dans l’idéal, ils travaillent dans la structure du superviseur. Sinon, la plupart des collèges autorisent le résidanat dit alterne, dans lequel le candidat organise son temps de formation par alternance avec son activité de praticien sur une plus longue période. Valérie Deniau, résidente du collège européen de médecine interne équine à Oniris (Nantes), a ainsi entamé un programme de résidanat alterne sur 5 ans, après 7 ans de pratique équine tout en se maintenant à son poste de vétérinaire salariée. « Je cherchais un moyen pour à la fois approfondir et valider mes compétences en médecine interne équine. Ce programme particulier me permet de conserver mon emploi et mon habitude de la clientèle, tout en m’offrant un cadre et des objectifs d’approfondissement. Il présente l’inconvénient majeur d’être compliqué à mettre en place et de rester sujet à discussion pour sa validation. Je ne sais pas encore si je serai autorisée à passer leboard à la fin du résidanat », explique-t-elle.

Quelle rémunération est prévue pour les résidents ? Des disparités considérables sont observées en pratique. Dans les structures universitaires, ce statut est généralement associé à une rémunération dont la hauteur varie selon l’établissement et le pays. La France se situe dans le peloton de queue, avec un revenu s’échelonnant entre 1 000 et 1 500 € bruts mensuels. Cette rémunération est bien supérieure dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis. En structure privée, la négociation de la rémunération peut s’appuyer sur une évaluation du temps passé au bénéfice de la structure (consultations, actes, etc.). Elle est souvent faible, voire inexistante, dans le cas de résidanat alterne notamment. La recherche de partenariats privés et l’obtention de bourses sont une démarche courante, qui améliore les conditions matérielles de la préparation de ces trois années.

Un intérêt intellectuel plutôt que financier

Les résidents recherchent avant tout une formation de haut niveau dans un domaine spécialisé. La reconnaissance de leurs compétences passe ensuite par l’obtention du diplôme du collège européen concerné, auquel le résidanat prépare. Mais l’examen diplômant est encore une épreuve, qui peut se solder par un échec. Et en cas de réussite, ce titre de diplômé n’est pas acquis à vie.

Aujourd’hui, les actuels et les anciens résidents s’accordent à dire qu’en France, la valorisation de leur formation n’est pas (encore ?) financière. Elle est surtout liée à la possibilité d’un exercice exclusif ou prédominant dans la spécialité. Les cliniques qui travaillent en référé se développent et recrutent des spécialistes dans de nombreuses disciplines.

Mais tous les domaines de spécialisation vétérinaire européenne ne sont pas reconnus comme tels dans notre pays. À ce jour, seules 14 spécialités y existent. Le titre de spécialiste est alors réservé aux détenteurs du diplôme ad hoc (DESV2 ou collège selon le cas). La réglementation évolue, dans le sens d’une reconnaissance plus systématique des diplômes européens (voir encadré en page 30). Mais un diplômé du collège européen de dentisterie ou de neurologie vétérinaire, par exemple, ne peut pas – aujourd’hui – se prévaloir du titre de spécialiste en France, car sa spécialité n’y est pas reconnue.

Au-delà du titre, la simple reconnaissance des compétences de la part de la profession et des clients n’est pas acquise non plus. « À nous de nous “vendre” auprès des confrères référents ! », s’enthousiasme une résidente.

Après une résidence à l’étranger, de nombreux confrères font le choix d’y rester. D’autres reviennent, suivant des motivations variables, d’ordre professionnel ou personnel. Et les anciens candidats au board français peuvent aussi s’expatrier : « C’est un projet que j’ai bien entendu envisagé, mais rien ne sert de se leurrer, nous ne sommes pas attendus non plus ! », remarque l’un d’entre eux. Une bonne partie des résidents souhaitent suivre une carrière universitaire. Or, être diplômé d’un collège européen devient un prérequis pour certains postes, y compris en France.

Par la suite, les diplômés européens ont un devoir de transmission et de partage de leurs connaissances. Certains envisagent d’accueillir un résident à leur tour, si leur situation professionnelle l’autorise. Mais d’autres alertent sur le danger de former trop de spécialistes : il convient de rester cohérent avec le développement de la discipline.

  • 1 Le cadre détaillé des programmes des résidanats et la liste des structures agréées sont disponibles auprès de chaque collège.

  • 2 Diplôme d’études spécialisées vétérinaires.

« La résidence n’est pas une partie de plaisir, c’est un investissement en temps et en énergie colossal. »

« C’est une formation éprouvante, mais particulièrement aboutie. »

« Il m’est parfois difficile de gérer dans une même semaine mes activités d’enseignement, de recherche et du collège. Mais cela m’a obligé à gagner en efficacité de travail, ce qui est une excellente chose ! »

« La plus grande difficulté que j’ai rencontrée a été de préparer cet examen tout en travaillant, ce qui m’obligeait à faire chaque jour à la fois le travail pour lequel j’étais payée et celui pour lequel j’étais en formation. »

« Je me régale. C’est dur, mais j’ai la possibilité de me concentrer sur une discipline qui me passionne et que je peux pousser à fond, avec un plateau technique et un encadrement intéressants. »

« J’ai choisi de suivre un résidanat afin de pouvoir pratiquer une discipline que j’affectionne tout particulièrement et de continuer à le faire avec légitimité une fois sorti du cursus universitaire. »

« J’ai découvert la recherche, et je souhaite poursuivre une carrière universitaire. »

« Le diplôme européen n’est pas un sésame : les places restent rares. »

« J’ai préféré une résidence universitaire, car l’enseignement théorique y est de meilleure qualité. Les cliniques privées ne peuvent malheureusement pas se passer du souci de rentabilité. »

« Notre but est de poursuivre le développement de l’activité de référé en pratique bovine sur le site d’Alfort : la présence d’un résident dans l’équipe constitue une manière d’y parvenir. »

« On suit une telle formation par passion, pas pour le titre honorifique. »

« Les prérequis : la passion d’un travail exigeant et l’envie de faire évoluer la discipline et sa structuration. »

DIPLOMATES : DES SPÉCIALISTES EN MAL DE RECONNAISSANCE

Jusqu’en 2009, en France, le titre de spécialiste était réservé aux détenteurs d’un diplôme d’études spécialisées vétérinaires (DESV).

Un arrêté daté du 1er juillet 2009 a ouvert la possibilité d’une reconnaissance comme spécialistes des diplômés de collège européen (diplomates), soumise à l’évaluation du Conseil national de la spécialisation vétérinaire (CNSV), pour chaque diplôme. Celui du collège de dermatologie fut le premier approuvé en mai 2010, suivi en octobre de la même année par ceux des collèges d’imagerie médicale, d’ophtalmologie, de chirurgie et de cardiologie.

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