Un rapport veut réveiller la pharmacovigilance vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1462 du 16/09/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1462 du 16/09/2011

Plan en 16 recommandations

Actu

À LA UNE

Auteur(s) : ÉRIC VANDAËLE

Une mission post-Mediator® recommande la mise en place d’enquêtes via la création de réseaux de vétérinaires sentinelles.

La pharmacovigilance vétérinaire était-elle en train de s’endormir, voire de s’appauvrir ? Tous les sujets avaient-ils effectivement été traités pour justifier la disparition de la Commission nationale de pharmacovigilance vétérinaire en 2010 ? Les vétérinaires ne sont-ils plus motivés pour déclarer les cas puisque, apparemment, leur nombre de déclarations d’effets indésirables a chuté de 32 % entre 2002 et 2010, passant de 4 000 à 3 000 déclarations ?

Le post-AMM, c’est la vraie vie du médicament

Le rapport1 officiel d’une mission de trois inspecteurs généraux propose de fortement redynamiser le suivi post-AMM, celui de la « vraie vie du médicament ».

Cette mission fait suite au scandale du Mediator®. Le 1er février dernier, lorsque le ministre de l’Agriculture commande ce rapport, il est en effet inquiet de la contagion éventuelle de cette affaire au médicament vétérinaire. Quelques mois plus tôt, il a accepté la suppression-fusion-absorption de la Commission nationale de pharmacovigilance vétérinaire, dont l’activité s’était réduite, dans la Commission d’AMM vétérinaire, à travers la création d’une unique Commission nationale du médicament vétérinaire (CNMV). Mais, en plein scandale Mediator®, son président fraîchement nommé, le professeur Pierre-Louis Toutain de l’école de Toulouse, est débarqué pour cause de « soupçons » de conflit d’intérêt.

La mission recommande surtout davantage de transparence en rendant publics ses débats. « La garantie de l’indépendance, c’est la transparence », écrit-elle.

De la surveillance “passive” à l’enquête “active”

La mission ne pointe pas vraiment du doigt les praticiens, à l’origine de 95 % des déclarations, à l’exception des enseignants-cliniciens des écoles vétérinaires et des confrères des filières hors sol qui ne déclarent pas, ou si peu. Mais elle considère surtout que la pharmacovigilance ne doit pas reposer sur cette seule « surveillance passive ». C’est très insuffisant pour évaluer un risque, l’incidence d’un effet et pour couvrir toutes les composantes du suivi post-AMM : les effets sur l’homme, sur l’environnement, les usages “hors AMM”, les manques d’efficacité (notamment les résistances) ou l’adéquation des temps d’attente.

C’est donc d’abord aux tutelles de s’intéresser à ces sujets. Et l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) a la charge de l’organiser activement, en allant chercher les informations là où elles existent, y compris à travers une veille scientifique, ou en mettant en place des réseaux de vétérinaires sentinelles pour la réalisation d’enquêtes pharmacoépidémiologiques.

16 recommandations déclinées selon 4 axes

Axe I. Sur la Commission nationale du médicament vétérinaire (CNMV)

1. Améliorer l’attractivité de la CNMV en augmentant l’indemnisation de ses experts non salariés (de 75 € à 300 ou 400 € par demi-journée) et la prise en compte des rapports d’évaluation et d’expertise dans la carrière des enseignants chercheurs.

2. Prévenir les conflits d’intérêt des experts de la CNMV, non seulement en collectant les déclarations publiques d’intérêts, mais en les faisant évaluer par le nouveau comité de déontologie de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Le président et le vice-président devraient être « insoupçonnables », donc vierges de tout lien d’intérêt professionnel, familial, etc.

3. Assurer la transparence de la CNMV en rendant publics les débats, à l’image de ce qui vient d’être mis en place au sein de l’agence du médicament humain (Afssaps) où les verbatims et les vidéos des débats sont disponibles sur Internet.

4. Renforcer l’indépendance scientifique de cette commission, en supprimant les représentants des industriels et les membres de droit (où siègent les tutelles) et surtout le directeur de l’ANMV comme gestionnaire du risque. Pour la mission, la commission actuelle n’est pas scientifique, mais « hybride » par sa composition.

Axe II. Sur le suivi post-AMM (hors effets indésirables sur les animaux)

5. Suivre les consommations de médicaments, les antiparasitaires externes et internes, les perturbateurs endocriniens, etc., avec un intérêt pour la santé publique ou pour l’environnement identique à celui qui vise aujourd’hui les antibiotiques.

6 et 7. Mettre en place un nouveau suivi post-AMM et maîtriser l’information sur la lutte contre les résistances en collaborant :

– avec d’autres équipes de l’Anses sur l’antibiorésistance (et par conséquent sur les manques d’efficacité, etc.) ;

– avec le laboratoire des résidus de Fougères sur la problématique des temps d’attente ;

– avec la Base nationale des cas d’intoxications (BNCI) pour les effets chez l’homme ;

– avec le plan national sur les résidus de médicaments dans l’eau pour les effets sur l’environnement ;

– ou en créant un observatoire de l’usage hors RCP (sans que l’ANMV devienne un organe d’interprétation de la doctrine de la cascade).

Axe III. Sur la remontée des informations par les vétérinaires

9. Rénover le retour d’information auprès des vétérinaires déclarants. Le retour d’information individuel ne devrait pas décourager les vétérinaires de déclarer de nouveaux cas, comme aujourd’hui avec la très fréquente imputation “O” (dite « inclassable par manque de données »), source de déception pour le déclarant. Pour la mission, ce n’est pas dans les cas facilement imputables en “A” ou “B” (causalité probable ou possible due à un effet connu et immédiat) que se situe la vraie valeur de la pharmacovigilance, mais, à l’inverse, dans la grande masse des cas difficilement imputables classés “O”, car les effets peuvent être différés ou méconnus.

10. Former les futurs vétérinaires dans les ENV. Les cliniciens des écoles ne contribuent quasiment pas aujour­– d’hui aux déclarations, alors qu’ils siègent à la CNMV.

8, 11 et 14. Créer des réseaux de 10 à 20 vétérinaires sentinelles en pharmacovigilance, par type de production ou par espèce. L’ANMV ne peut se contenter d’une surveillance passive (fondée sur les remontées spontanées des cas d’effets indésirables, insuffisantes pour apprécier un risque), mais devrait organiser une surveillance active, sur la base d’enquêtes pharmacoépidémiologiques auprès de réseaux de vétérinaires sentinelles.

La mission propose de se focaliser en priorité sur les filières porcine et aviaire, qui ne déclarent pas de cas d’effets indésirables ou de manque d’efficacité, mais qui sont les plus exposées aux problèmes sanitaires et aux crises médiatiques. Dans ces filières hors sol, la mission révèle l’existence d’« une pharmacovigilance privée », d’indemnisations « en cercle restreint : éleveurs, intégrateur, vétérinaire et firme pharmaceutique ».

Axe IV. Sur l’implication de l’ANMV

12. Formaliser les fonctions et les procédures de pharmacovigilance au sein de l’ANMV, en prévoyant une procédure d’alerte d’urgence de son directeur si cela se révélait nécessaire. La mission recommande la publication d’un arrêté de « bonnes pratiques de pharmacovigilance », comme le prévoit la réglementation (article R.5141-109).

13. Réaliser une veille scientifique et en présenter l’analyse à la CNMV.

15. Communiquer, via la publication de La lettre de la pharmacovigilance – mais en réduisant sa diffusion papier à chaque cabinet vétérinaire (soit environ 5 000 exemplaires) et non aux 23 000 officines qui ne déclarent pas –, via un rapport annuel sur le suivi post-AMM, ainsi que par un usage plus fréquent des communiqués de presse.

16. Mieux profiter des compétences reconnues du centre de pharmacovigilance de Lyon (CPVL).

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr