Reconnaître et traiter le picage chez les oiseaux - La Semaine Vétérinaire n° 1462 du 16/09/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1462 du 16/09/2011

Formation

NAC

Auteur(s) : DIDIER BOUSSARIE*, YAEL FARHI**

Fonctions :
*praticien à Reims. Article tiré de la conférence « Le picage des oiseaux », présentée lors d’une formation organisée par l’Afvac Ile-de-France, en janvier 2011.

POINTS FORTS

– Le picage est lié aux conditions d’élevage.

– L’alimentation intervient peu dans son apparition.

– Il est à distinguer des autres causes de perte de plumes.

Notre confrère Didier Boussarie définit le picage comme un trouble comportemental qui conduit un oiseau à arracher ses propres plumes ou celles de ses congénères. Fréquente chez les Psittacidés (cacatoès, gris d’Afrique, amazone, inséparable, ara, eclectus, perruche, etc.), cette conduite peut être rencontrée chez d’autres espèces à bec droit (telles que le rossignol du Japon et le canari). Il est important de la distinguer d’autres causes d’arrachage des plumes, de nature physiologique, parasitaire ou infectieuse.

SYMPTÔMES

Les manifestations cliniques du picage sont évocatrices puisque c’est souvent le motif de consultation. En général, une perte de plumes sur le corps, plus ou moins étendue, est observée, mais la tête garde un aspect normal. Certains oiseaux ne s’arrachent les plumes qu’en l’absence de leur propriétaire, notamment pendant la nuit. La présence anormale de plumes au fond de la cage, en dehors des périodes de mue, est un signal d’alerte.

Le diagnostic est évident lorsqu’un oiseau se met à nu en un temps bref (quelques jours, voire quelques heures). Les régions préférentielles sont celles qui sont facilement accessibles par le bec. Une forme particulière existe, dite des “mâcheurs de plumes”. Ainsi, certains oiseaux mâchent leurs plumes, sans les arracher, ce qui les rend non fonctionnelles, empêche leur repousse, et donne une mauvaise apparence à l’animal.

ÉTIOLOGIE

Cette affection, qui n’est pas rencontrée dans la nature, est fortement liée aux conditions de vie en captivité. L’environnement matériel peut être en cause. Ainsi, une cage trop petite, qui ne laisse aucune possibilité à l’animal de s’isoler, le prédispose au picage, surtout s’il est laissé seul et qu’il s’ennuie. L’environnement social entre aussi en ligne de compte, comme un élevage à la main de type industriel (qui entraîne des défauts de socialisation), le non-respect du rythme biologique des oiseaux (il convient de couvrir leur cage pendant les 12 heures de nuit), les bruits et le stress, la frustration sexuelle par absence de partenaire (exacerbée au printemps), l’imprégnation exagérée vis-à-vis d’une personne (cela concerne notamment les cacatoès, qui peuvent conjointement se faire vomir). Les conditions d’entretien constituent également des facteurs favorisants, par exemple une mauvaise hygiène corporelle chez certains perroquets qui ne se baignent pas par temps chaud. Didier Boussarie propose alors de les brumiser. Contrairement à une idée répandue, l’alimentation n’intervient pas ou peu dans l’étiologie du picage.

TRAITEMENT

Psychotropes

Le traitement du picage dépend de sa cause. Cependant, notre confrère insiste sur le fait que la prévention par le respect de bonnes conditions d’environnement reste la meilleure solution.

Des psychotropes peuvent être prescrits lorsque l’origine est comportementale,? mais il convient d’être vigilant quant aux effets secondaires (risques d’aplasie médullaire et d’hépatotoxicité pour certaines molécules) et aux surdosages. Les spécialités administrées sont des médicaments de la pharmacopée humaine, car les produits utilisés en canine ne sont pas adaptés aux perroquets. Il est primordial de se familiariser avec leur emploi au préalable. La préférence du conférencier va à la doxépine (Quitaxon®1, 0,5 à 1 mg/kg/12 h, per os), qui présente peu d’effets secondaires et est efficace si elle est prescrite pendant plusieurs mois. L’halopéridol (Haldol®1) est intéressant pour le traitement des phases aiguës à raison de 0,1 ml/500 g par voie intramusculaire. L’hydroxyzine (Atarax®1, 1 ou 2 gouttes pour 100 g de poids, soit 5 à 10 gouttes pour un gris d’Afrique) possède une action rapide. Attention, cependant, aux surdosages qui peuvent entraîner une somnolence et une anorexie chez le perroquet et, à terme, la mort. Le diazépam (Valium®1) est une bonne solution alternative pour les aras, qui sont sensibles aux autres molécules.

Hormones thyroïdiennes et desloréline

L’utilisation des hormones est bénéfique lors de frustration sexuelle. Elles améliorent aussi le plumage. Les extraits thyroïdiens (lévotyroxine) induisent une nouvelle mue, dans certains cas, et activent la repousse des plumes. Notre confrère propose un comprimé par jour dans l’eau de boisson pendant trois mois (Levothyrox®1, 100 µg pour un gris d’Afrique ; 25 µg pour une perruche). Un dosage hormonal au préalable est inutile. Les implants d’acétate de desloréline (Suprelorin®) sont bien tolérés et efficaces en cas de frustration sexuelle pendant trois mois à un an.

Lors de la présentation de cette conférence, notre confrère Jean-François Quinton, consultant NAC à Paris, a indiqué qu’il existe des comportementalistes pour oiseaux. Les praticiens ne doivent pas hésiter à proposer aux propriétaires de les consulter. Il recommande notamment notre consœur Marie-Hélène Chiarisoli.

  • 1 Pharmacopée humaine.

ATTENTION AUX FAUX PICAGES

→ Mue physiologique La mue physiologique est variable selon les espèces. Chez la perruche, elle s’étend sur toute l’année selon un cycle de 6 à 8 semaines, alors que les petits exotiques (les canaris, par exemple) muent de façon saisonnière à la fin de l’été, c’est-à-dire au terme de la période de reproduction en juillet-août, pendant 20 à 60 jours. Les perroquets ne possèdent pas de phase de mue codifiée, le cycle de celle-ci est en moyenne d’un an chez la majorité des perroquets alors qu’il peut atteindre deux ans chez les perroquets de grande taille. Le déterminisme de la mue est hormonal, et exige un photopériodisme naturel sous le contrôle de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Les hormones thyroïdiennes jouent aussi un rôle important et il est donc judicieux de proposer des extraits thyroïdiens pendant cette période.

→ Comportement physiologique de lissage des plumes L’oiseau étale avec son bec la sécrétion de la glande uropygienne et retire l’étui de kératine qui entoure les plumes nouvellement formées.

→ Maladie du bec et des plumes (psittacine beak and feather disease, ou PBFD) Cette maladie est due à un circovirus. Elle concerne uniquement les becs crochus et peut se révéler dramatique chez certaines espèces, les cacatoès notamment. Ses conséquences sont un plumage de mauvaise qualité, ainsi qu’une non-repousse des plumes. Le diagnostic est établi à l’aide de la recherche de virus par polymerase chain reaction (PCR) sur un prélèvement de sang et de plumes. Il n’existe pas de vaccin, ni de traitement disponible en France.

→ Polyomavirose (budgerigar fledling disease, ou BFD) Due au polyomavirus, cette affection est le plus souvent observée chez les perruches et les inséparables. La perte de plumes est associée à une mortalité chez le nouveau-né ou à une incapacité de voler par la suite.

→ Parasitisme L’ectoparasitisme concerne les oiseaux à bec droit. Un prurit est présent. Les parasites les plus fréquents sont le pou du canari (Philopterus communis), à l’origine d’articulations de l’aile déplumées, enflammées et érythémateuses, et les acariens hématophages.

→ Anomalies localisées des plumes Des stress lines peuvent être présentes sur les plumes. Il s’agit de lignes localisées, d’origine plurifactorielle (carences alimentaires, PBFD, administration de corticoïdes, intoxication au plomb, lipidose hépatique).

→ Plaie ulcéreuse du bréchet Ce phénomène est observé chez les perroquets à la suite de la coupe défectueuse des plumes, sur de mauvais conseils d’éleveurs. Il est proscrit de ne couper les plumes que d’une seule aile, car cela entraîne un déséquilibre du vol et des chutes en torche sur le bréchet. Le traitement est chirurgical, et consiste en une ostéotomie partielle du bréchet, voire, dans les cas particulièrement étendus, en une greffe cutanée (Vet BioSIS®), qui implique une hydratation correcte de la zone opérée et la pose d’un carcan adapté durant la période postopératoire.

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