Des risques anesthésiques à prévenir via plusieurs axes - La Semaine Vétérinaire n° 1459 du 26/08/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1459 du 26/08/2011

Anesthésiologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : François Jacquet

La prévention passe par l’évaluation du statut préanesthésique, une anesthésie balancée, une surveillance cardiorespiratoire et la lutte contre l’hypothermie.

L’anesthésie consiste à induire une perte de conscience contrôlée, accompagnée d’une myorelaxation et d’une analgésie plus ou moins importantes selon les besoins. L’animal anesthésié est placé dans un état intermédiaire entre conscience et coma. Cependant, la dépression du système nerveux central s’accompagne toujours d’une dépression cardiovasculaire, qu’il convient de maîtriser.

Le taux de complications lors d’une anesthésie est compris entre 1,9 et 12 % chez les carnivores domestiques. Ces complications peuvent être cardiovasculaires (hypotension, arythmies), res­piratoires (apnée/bradypnée, hypoxie), métaboliques (hypothermie, difficultés de réveil) ou neuro-endocriniennes. La mortalité peranesthésique est estimée entre 0,1 et 12 % selon les études. Les facteurs de risque connus sont le statut clinique préanesthésique, la race (dalmatien, bulldog, akita, caniche, yorkshire, westie, jack russell, berger allemand, cocker spaniel, pékinois, himalayen) ou un poids inférieur à 5 kg. Il n’existe aucun consensus concernant l’espèce ou l’âge.

La classification ASA (de l’American Society of Anesthesiologists) permet de classer l’animal parmi cinq catégories, selon le risque anesthésique encouru (voir tableau). La classe ASA est toujours liée à la mortalité périanesthésique. En médecine vétérinaire, cette dernière est trois fois plus importante lors d’intervention chirurgicale non prévue et six fois plus dans un contexte d’urgence, par rapport à une opération planifiée. Il est donc primordial de préparer soi­gneusement l’acte anesthésique et d’évaluer de manière précise les besoins induits.

La prémédication permet de diminuer la mortalité

Aucune molécule ne possède toutes les qualités requises lors d’une anesthésie. Il convient donc de mettre en œuvre une anesthésie balancée, en associant la prémédication, l’induction et la maintenance.

La prémédication permet de diminuer la mortalité, de combler un déficit de l’agent anesthésique (notamment l’analgésie) et de réduire le coût global de l’anesthésie. Elle est réalisée de préférence par voie intraveineuse, 10 à 15 minutes avant l’induction. Par voie intramusculaire, ce délai doit être de 35 à 40 minutes.

Les associations possibles sont nombreuses. Par exemple, l’acépromazine (10 à 20 µg/kg) et la morphine (0,1 à 0,2 mg/kg) ou le butorphanol (0,1 à 0,2 mg/kg) et la médétomidine (2 à 5 µg/kg) peuvent être utilisés conjointement.

Lors d’anesthésie gazeuse, une induction par voie intraveineuse divise par 5,8 le risque de mortalité. Si aucun agent ne permet de sécuriser totalement l’anesthésie et n’apparaît plus sûr que les autres, la xylazine semble cependant associée à une augmentation de la mortalité périanesthésique.

La manière dont est réalisée l’induction est également importante. Une titration, c’est-à-dire une injection progressive durant 1 minute, permet de mieux gérer la perte de conscience induite. Seule la quantité de produit nécessaire est administrée, ce qui correspond à autant de dépressions cardiovasculaires en moins.

La surveillance anesthésique est avant tout humaine

La respiration est la première chose à vérifier chez un animal anesthésié. Tous les agents anes­thésiques sont des dépresseurs respiratoires. L’intubation permet une sécurisation des voies aériennes et une ventilation en cas de besoin. Chez un animal en bon état général, les 21 % d’oxygène de l’air suffisent. Le rythme respi­ratoire doit être régulier, avec une fréquence de 5 à 15 mouvements par minute et un volume tidal (quantité d’air inspiré ou expiré à chaque mouvement) de 10 à 15 ml/kg. La surveillance est avant tout humaine (mouvements du thorax, souffle dans la sonde), mais passe aussi par des appareils comme l’Apalert®, la capnographie et la capnométrie.

L’hypotension, qui correspond à une pression artérielle systolique inférieure à 80 mmHg, repré­sente 80 % des complications chez le chat et 58 % chez le chien. Hormis la kétamine et les a2-agonistes, dotés de propriétés hypertensives, tous les agents anesthésiques entraînent une hypotension. Celle-ci peut être prévenue grâce à l’administration par voie intraveineuse de cristalloïdes, à raison de 10 à 20 ml/kg/h. La surveillance humaine passe par la mesure du temps de recolorationcapillaire (1à 2 secondes) et l’estimation du pouls, qui doit être frappé et synchrone.Cedernier signe est cependant peu fiable, car tardif. Le pouls fémoral disparaît en effet lorsque la pression artérielle systolique est inférieure à 50 mmHg, seuil en deçà duquel le cerveau n’est plus perfusé.

Les autres moyens de mesure de la pression artérielle sont le Doppler, l’oscillométrie, et la pression invasive qui constitue la méthode de référence.

Une pression artérielle correcte signifie le plus souvent que la fonction cardiaque est normale. La surveillance humaine repose sur l’observation de la couleur des muqueuses, la mesure du temps de recoloration capillaire, du rythme et de la fréquence cardiaques, et sur l’estimation du pouls. L’électrocardiogramme permet de déceler si le rythme cardiaque est régulier et sinusal.

Contre l’hypothermie, seuls les sacs de billes et les couvertures chauffantes ont un intérêt

L’hypothermie est fréquente lors de l’anesthésie, car celle-ci dérégule le centre de la thermorégulation. Par ailleurs, l’intervention chirurgicale et l’appareillage d’anesthésie gazeuse entraînent des déperditions thermiques importantes. Seuls les sacs de billes et les couvertures chauffantes ont un intérêt. Les bouillottes sont peu efficaces et dangereuses pour l’animal (brûlures, animal trempé en cas de rupture). L’utilisation des lampes s’accompagne d’un risque de brûlure et de lésions de la rétine par les rayons infrarouges. Les perfusions chauffées sont inefficaces.

Le réveil est un moment périlleux de l’anesthésie. En médecine vétérinaire, 25 à 61 % des cas de mortalité surviennent à ce moment-là (3 heures après l’anesthésie), versus 65 % en médecine humaine. En cas de réveil difficile, l’animal doit être tranquillisé.

Lors de l’anesthésie, la prévention des complications repose sur différentes mesures comme l’intubation et la perfusion. Cependant, l’élément le plus important est la surveillance clini­que, notamment au moment du réveil. Notre confrère Christophe Bille rappelle que pour une faute commise parce qu’on ne savait pas, 100 le sont parce qu’on ne regardait pas.

BIBLIOGRAPHIE

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CONFÉRENCIER

Christophe Bille, praticien au centre hospitalier vétérinaire de Meaux (Seine-et-Marne).

Article rédigé d’après une conférence pré­sentée à Maisons-Alfort, en janvier 2011.

Les nouveautés en anesthésie

La gestion de la douleur tient une place importante, mais elle est souvent négligée. Une étude montre qu’en France, seuls 17,2 % des chiens et 36,3 % des chiennes stérilisés reçoivent un analgésique anti-inflammatoire ou opioïde. Or, aucun agent d’induction ne possède de propriété antalgique. Une prémédication spécifique, afin de couvrir ce besoin, est donc nécessaire.

Des études montrent l’efficacité de nombreuses molécules à des posologies bien inférieures à celles recommandées par l’AMM. L’acépromazine, à la dose de 10 à 20 µg/kg, est un bon tranquillisant. Son action est longue, ce qui amène à rendre parfois au propriétaire un animal encore sous l’effet de la sédation. Néanmoins, cela ne pose aucun problème si le réflexe de déglutition est présent.

La médétomidine (2 à 5 µg/kg) et la dexmédétomidine (1 à 2 µg/kg) présentent, outre leur action sédative, un effet antalgique intéressant. Une réversion de la sédation ne semble pas nécessaire si une surveillance clinique de l’animal est possible et si aucun signe de dépression cardiovasculaire n’est noté.

La kétamine (0,5 mg/kg + 0,5 mg/kg/h) est un coanalgésique qui potentialise l’action de la morphine. Elle stimule le système nerveux orthosympathique, et notamment la fonction cardiaque, ce qui peut se révéler utile dans certains cas.

Les agents anesthésiques gazeux entraînent la dépression cardiovasculaire la plus importante. Le sévoflurane, récemment mis sur le marché, permet d’obtenir une réponse plus rapide, par rapport à l’isoflurane, lors de changement de palier anesthésique. Cependant, il reste cher, requiert une cuve spéciale et nécessite de travailler à 3 %, versus 1 % pour l’isoflurane.

F. J.
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