A LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE ENTRE GARONNE ET PYRÉNÉES - La Semaine Vétérinaire n° 1459 du 26/08/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1459 du 26/08/2011

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Auteur(s) : Marc Pouiol

Entre une agglomération toulousaine championne de France de l’expansion démographique et un monde rural en difficulté, les disparités sont fortes en Haute-Garonne. Véritable miroir aux alouettes, la ville rose et sa métropole frôlent le trop plein, pendant que les campagnes se vident. Entre les deux, le secteur périurbain galope. Les vétérinaires tentent de s’adapter.

L’agglomération de Toulouse absorbe, chaque année, près de 15 000 habitants supplémentaires. Elle détient le record de France de l’attractivité depuis plus de deux décennies. Le dynamisme économique de la métropole, tiré par le secteur aéronautique, les charmes du climat et de l’art de vivre du Sud-Ouest sont autant de facteurs qui ont fait exploser la démographie dans l’aire urbaine toulousaine, qui ne cesse de s’étaler.

Mais si la quatrième ville de France et son agglomération (près de 900 000 habitants) continuent leur expansion, le pôle urbain assèche le reste du département et de la région Midi-Pyrénées, en aspirant les forces vives, au risque de déséquilibrer encore un peu plus un monde rural en difficulté. A côté de la scientifique et opulente Toulousaine, le “désert” qui l’entoure illustre ici, parfois jusqu’à la caricature, les mutations profondes auxquelles le pays doit faire face.

« Aujourd’hui, il faut être fou pour s’installer sans spécialité »

Témoin de ces évolutions, Maurice Amalric, 59ans, a posé sa plaque en 1978 à Colomiers, une ville de la périphérie toulousaine de 30 000 habitants dont la population a grossi au rythme des usines Airbus. « Je me suis installé avec un confrère. A l’époque, nous étions les seuls à travailler en association. L’expansion de l’agglomération et la présence de l’école vétérinaire ont fait augmenter beaucoup trop le nombre de vétérinaires. Aujourd’hui, il faut être fou pour s’installer à Toulouse sans spécialité. »

Malgré ce contexte, Maurice Amalric ne se plaint pas. « L’élevage périurbain n’existe quasiment plus, même si je suis encore quelques vaches allaitantes. Si nous faisons désormais essentiellement de la canine, ce n’est pas par choix, mais par besoin de répondre à la demande. Ce qui a profondément changé, c’est la mentalité des praticiens. Moi, je me considère toujours comme un artisan, un tâcheron, non comme un chef d’entreprise. Les jeunes veulent une pratique spécialisée, organisée, réglementée. Mes revenus n’ont jamais beaucoup varié, mais je vis de ma passion selon ma conception du métier, et c’est l’essentiel. »

Un eldorado vétérinaire ou un miroir aux alouettes ?

Toulouse intra-muros (400 000 habitants) compte une trentaine de cabinets, gérés pour une bonne moitié par des praticiens en solo. La ville rose et son agglomération offrent peu de grosses structures : elles ne sont que deux à dépasser les six vétérinaires pour Toulouse. Pas de centre hospitalier non plus, hormis bien entendu celui de l’ENV de Toulouse. Autre spécificité, l’existence d’une clinique dédiée aux urgences qui ne fonctionne que la nuit et les week-ends, la première du genre créée en France (voir article en page 20).

« La vitalité de Toulouse a pu faire croire à un eldorado vétérinaire, explique Laurent Sauvagnac, président du conseil régional ordinal (CRO). Mais sauf dans certains secteurs de pointe, les revenus moyens sont moins élevés que dans d’autres régions françaises. La crise a évidemment frappé et, si je connais peu de cabinets en grosse difficulté, la situation devient tendue pour beau­coup. »

A une vingtaine de kilomètres à l’est de la capitale régionale, les collines du Lauragais invitent à l’évasion. Au pays de cocagne, les turbulences du périphérique semblent bien loin. Mais la ville essaime ici son lot de “rurbains”. Malgré tout, cette terre a gardé son caractère rural.

C’est là qu’ont décidé de s’installer Patrick Parisot et son épouse. Le couple a repris un cabinet existant en 1998, avant de construire un nouveau bâtiment pour abriter leur clinique. Un choix à la fois professionnel et géographique, qui permet une activité mixte sans trop s’éloigner de Toulouse.

Mixité et polyvalence en zone périurbaine

« L’activité canine représente 60 % de la demande, versus 40 % pour la rurale. Il y a 13ans, c’était exactement l’inverse, explique le praticien. Dans le département, l’élevage est en baisse, mais la demande existe. A condition d’accepter tous les types d’animaux et d’être pointu. Car les éleveurs sont de plus en plus performants et ont affaire à d’autres intervenants qui leur apportent conseils et technique. Nous devenons un peu les sapeurs-pompiers de l’élevage, ils nous appellent moins pour du suivi, et surtout quand il y a urgence. »

La Haute-Garonne n’échappe pas à cette tendance. Les troupeaux sont moins nombreux, mais plus importants. Entre 2006 et 2010, le nombre des exploitations bovines a diminué de 13 % (376 éleveurs de moins), alors que celui des vaches laitières baissait de 3 %, ce qui représente quand même 2 110 vaches en moins.

A l’extrême sud du département, région d’élevage au pied des Pyrénées, un praticien du Comminges confirme les propos de son confrère de Verfeil : « Le nombre d’animaux se maintient globalement, mais les éleveurs font de moins en moins appel à moi, je fais peu de délivrance. Dans les années 80, la canine représentait la moitié de l’activité, aujourd’hui, c’est la quasi-totalité. »

L’avenir passe par des réseaux de compétences et de nouveaux services

Le maillage territorial est encore bien assuré en Haute-Garonne, assure le président du CRO, Laurent Sauvagnac. « Si nous voulons le conserver, il faut évidemment anticiper pour s’adapter à un contexte changeant. »

Mobiliser la profession pour préparer l’avenir, c’est ce que tente de faire Patrick Parisot, président du syndicat départemental depuis quelques mois. Mais le syndicalisme ici n’est pas vivace, seuls 27 des 262 praticiens du département sont inscrits. Les chiffres du centre de gestion l’attestent, l’activité économique des cabinets se maintient globalement. « Avec des disparités importantes, souligne le responsable syndical. Demain, chacun ne s’en sortira pas seul dans son coin. L’avenir passe par le développement de réseaux de compétences, l’offre de nouveaux services. Sur un secteur donné, il est possible de travailler plus intelligemment, en complémentarité, pour proposer les meilleures réponses aux clients. Nous avons besoin de partage de pratiques, d’échanges et de confraternité, et tout le monde y gagnera. »

Côté répartition vétérinaire, trop, c’est trop !

Certes, mais comment faire quand les réalités démographiques et économiques viennent se heurter ? Julie Alcouffe est un peu amère et ne voit pas son avenir en rose. Installée en 2000, elle a repris en solo le cabinet où elle était remplaçante dans une petite commune de la vallée de la Lèze, au sud de Toulouse. Depuis, elle a vu arriver une population nouvelle et des confrères en nombre. « Il y a des vétérinaires tous les 3 km, regrette-t-elle, nous sommes trop nombreux. La présence de l’école fait que beaucoup de jeunes originaires d’autres régions restent ici, sans compter les nombreux diplômés en Belgique. Le chiffre d’affaires n’a cessé de diminuer depuis dix ans et l’activité s’est encore ralentie après 2007. Je m’inquiète vraiment pour la pérennité du cabinet. J’ai une clientèle fidèle, mais l’offre est telle que si je ne suis pas immédiatement disponible, les clients partent chez les confrères voisins. »

Déçue, Julie Alcouffe ne voit pas comment s’en sortir. « On ne peut pas laisser ce genre de situations se développer partout. La vraie rurale, plus personne n’en veut, mais les instances de la profession et les pouvoirs publics devraient pousser les jeunes à réfléchir avant de s’installer n’importe où, les alerter et les sensibiliser. Sans aller jusqu’à des quotas, je crois qu’il y a urgence à organiser les choses de manière différente afin d’obtenir une meilleure répartition des vétérinaires sur le territoire. »

Des projections démographiques plutôt optimistes

Si quelques secteurs de Haute-Garonne risquent d’être confrontés dans les années à venir à une certaine désertification en matière de soins vétérinaires, les prévisions pour le Midi-Pyrénées concernant l’élevage restent plutôt encourageantes. Les projections du Conseil général pour l’alimentation, l’agriculture et les espaces ruraux indiquent en effet une progression du cheptel à l’horizon 2018 et une hausse de la démographie. En conséquence, le nombre de vétérinaires ne devrait pas diminuer dans la plus grande région de France, très rurale, dotée d’un seul grand pôle urbain. Une région qui ne compte d’ailleurs que 20 vétérinaires pour 100 000 habitants, ce qui constitue l’un des taux les plus faibles du pays.

Des perspectives plutôt intéressantes pour les élèves de l’ENVT qui choisissent, à une large majorité, de s’installer en Midi-Pyrénées (68 %), alors que 81 %? des praticiens de Haute-Garonne sont issus de cette même école. Des vétérinaires plutôt jeunes dans le département, entre 40 et 50 ans pour les hommes et entre 30 et 40 ans pour les femmes. 68 % d’entre elles exercent en cabinet, alors qu’elles sont peu présentes en secteur rural (moins de 10 %).

A l’image d’un département qui cherche un nouvel équilibre entre ville et campagne, les vétérinaires de Haute-Garonne tentent de s’adapter.

  • (1) Source : Annuaire Roy 2011.

  • (2) Source : ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche.

La Haute-Garonne en chiffres

• 588 communes, 1 202 920 habitants dont 55 % de moins de 40 ans.

• 60 309 km2, 193 habitants/km2.

• Toulouse : 439 453 habitants, seul pôle urbain important.

• Cabinets/cliniques(1) : 144

– libéraux : 303 ;

– canins : 203 ;

– mixtes et ruraux : 69 ;

– équins : 32 ;

– hors sol : 6 ;

– public : 118 ;

– privé : 34.

• Conditions d’exercice :

– cabinets : 48 %;

– en solo : 26 %;

– assistants : 7 %;

– remplaçants : 18 %.

• En Midi-Pyrénées(2) : 944 praticiens, 579 hommes, 365 femmes (38,7 %).

M. P.
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