Les biomarqueurs prometteurs en cardiologie vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1457 du 01/07/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1457 du 01/07/2011

Intérêt du NT-proBNP dans l’exploration de la toux chez le chien

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : David Balouka*, Valérie Chetboul**

Fonctions :
*chargé de consultation en cardiologie
unité de cardiologie d’Alfort (UCA-ENVA)
**diplômée de l’European College of Veterinary Internal Medicine (cardiologie)
unité de cardiologie d’Alfort (UCA-ENVA)

En complément de la radiographie et de l’échographie, ils sont une aide au diagnostic différentiel d’une toux chronique, surtout lors de souffle cardiaque associé.

Un épagneul breton mâle entier de 18,6 kg, âgé de douze ans, est référé en consultation pour un bilan cardiaque. Il présente une fatigue et une toux quinteuse quotidienne, essentiellement lors de phases d’excitation et surtout la nuit, qui évolue depuis trois ans malgré les différents traitements mis en place. Les vaccinations et les vermifugations sont à jour. Aucun antécédent particulier n’est rapporté. La toux, associée à un souffle cardiaque détecté trois ans auparavant, a motivé plusieurs consultations chez différents confrères, la dernière datant d’une semaine. Un diagnostic d’œdème pulmonaire cardiogénique est alors établi et un traitement à “visée cardiaque” prescrit (énalapril, spironolactone et furosémide). L’aggravation de la toux conduit la propriétaire à consulter pour un second avis.

L’animal est vif, particulièrement “émotif”, en bon état général. La température rectale est de 38,9 °C. Les muqueuses sont rosées et le temps de remplissage capillaire est inférieur à 2 secondes. La fréquence cardiaque est de 136 battements par minute et la fréquence respiratoire de 56 mouvements par minute (tachypnée). Le choc précordial est normal, le pouls frappé et synchrone avec ce dernier. La palpation abdominale ne révèle aucune anomalie. L’examen général est normal, sauf celui des appareils cardiovasculaire et respiratoire. L’auscultation cardiaque révèle un souffle systolique apexien gauche de grade IV/VI et un souffle systolique apexien droit de grade III/VI, sans autre anomalie cardiovasculaire associée. La toux, déclenchée à la palpation de la trachée, est forte, sèche et quinteuse. A l’auscultation pulmonaire, des bruits respiratoires adventices (crépitements expiratoires diffus) sont détectés. L’auscultation trachéale est normale.

Le caractère expiratoire des crépitements est peu en faveur d’une toux cardiaque

En raison de l’auscultation respiratoire (crépitements), la première hypothèse avancée est celle d’une bronchopneumopathie chronique d’origine infectieuse, parasitaire (angiostrongylose) ou autre (par exemple, éosinophilique). Un œdème pulmonaire cardiogénique (secondaire, notamment, à une maladie valvulaire dégénérative mitrale évoluée) ne peut être écarté, d’autant qu’un souffle systolique de haut grade, avec tachycardie-tachypnée, est décelé. Cependant, le caractère expiratoire des crépitements est peu en faveur de cette hypothèse. De surcroît, l’augmentation des fréquences cardiaque et respiratoire peut aussi être liée à l’émotivité de l’animal. Une tumeur bronchopulmonaire est aussi à envisager (associée à une maladie mitrale compensée).

De son côté, le souffle systolique apexien gauche témoigne d’une insuffisance mitrale. L’hypothèse la plus probable, en raison de l’âge et de la race du chien, est celle d’une maladie valvulaire dégénérative mitrale. Comme l’intensité de ce souffle est importante (IV/VI), une régurgitation mitrale “significative” est possible.

Les anomalies cardiaques mises en évidence n’expliquent pas la toux

Le cliché radiographique de profil confirme une densification broncho-interstitielle généralisée, plus marquée dans les lobes caudaux (voir cliché 1). Une cardiomégalie droite est observée, associée à une dilatation modérée du tronc pulmonaire (compatible avec un “cœur pulmonaire” secondaire à l’affection respiratoire), sans cardiomégalie gauche ni signe d’œdème pulmonaire cardiogénique. Les clichés radiographiques thoraciques sont donc compatibles avec une atteinte respiratoire (bronchopneumopathie interstitielle) et excluent une toux cardiogénique.

Une échocardiographie est réalisée, couplée à un examen Doppler, afin d’explorer le souffle systolique apexien gauche, de quantifier l’insuffisance mitrale suspectée et de rechercher d’éventuelles complications. Les coupes bidimensionnelles quatre et cinq cavités, obtenues par voie parasternale gauche et droite, révèlent une irrégularité et un épaississement de l’extrémité des feuillets mitraux et des cordages associés (voir cliché 2). Ce remaniement valvulaire, compatible avec une maladie dégénérative mitrale, est à l’origine d’un reflux systolique mitral détectable au Doppler couleur (voir cliché 3). La méthode Pisa, qui permet de quantifier les régurgitations valvulaires, confirme le caractère modéré de l’insuffisance mitrale : volume régurgité (Vreg) de 12 ml pour un volume d’éjection systolique aortique (VES) de 34 ml, d’où une fraction de régurgitation de 26 % : Freg = Vreg / (Vreg + VES). Ce reflux mitral ne s’accompagne pas de dilatation atriale gauche (voir cliché 4) ni de dilatation ventriculaire gauche.

En revanche, une dilatation modérée de la chambre de chasse du ventricule droit et du tronc pulmonaire est constatée. En outre, une insuffisance tricuspidienne, de vitesse maximale augmentée, est également détectée, ce qui traduit la présence d’une hypertension artérielle pulmonaire systolique (estimée à 63 mmHg, pour une valeur normale inférieure à 30 mmHg). L’examen écho-Doppler permet donc de conclure à une maladie valvulaire dégénérative mitrale sans conséquence cavitaire (donc de stade 1a, selon la classification de l’International Small Animal Cardiac Health Council, ISACHC) ne pouvant être à l’origine de la toux. L’hypertension artérielle pulmonaire peut être secondaire à l’affection respiratoire chronique.

La valeur du NT-proBNP indique que les signes ne seraient pas d’origine cardiaque

Un dosage plasmatique du NT-proBNP (partie N terminale du précurseur du brain natriuretic peptide) est réalisé (CardiopetÆ proBNP, Idexx). La valeur obtenue (258 pmol/l, pour une norme usuelle inférieure à 900 pmol/l) indique que la probabilité d’une insuffisance cardiaque congestive à l’origine des signes cliniques observés (toux) est faible, ce qui confirme le résultat des examens précédents.

L’exploration étiologique de l’affection respiratoire repose sur d’autres examens complémentaires : numération et formule sanguines, examen coproscopique parasitaire (avec recherche des larves L1 d’Angiostrongylus vasorum par la technique de Baermann) et, en seconde intention, une endoscopie respiratoire avec un lavage broncho-alvéolaire.

Dans l’attente des résultats, un traitement antibiotique est prescrit (amoxicilline et acide clavulanique à la dose de 27 mg/kg/j en deux prises quotidiennes) pendant trois semaines. En raison de l’absence d’œdème pulmonaire cardiogénique, le furosémide est arrêté. En revanche, l’hypertension artérielle pulmonaire invite à poursuivre le traitement IECA-spironolactone en cours, puisque l’urémie, la créatininémie et l’ionogramme restent dans les valeurs usuelles.

Le contrôle clinique, effectué trois mois plus tard, montre une nette amélioration des symptômes (disparition de la toux nocturne, uniquement quelques quintes diurnes lors de l’excitation) qui conduit la propriétaire à repousser l’examen endoscopique respiratoire (la numération et formule sanguines, ainsi que l’examen coproscopique n’ayant révélé aucune anomalie).

Les biomarqueurs cardiaques constituent un complément utile de l’imagerie médicale

Les biomarqueurs sont appelés à occuper une place importante en cardiologie vétérinaire dans le diagnostic, l’évaluation pronostique et le suivi thérapeutique des animaux cardiopathes. Parmi ces marqueurs lésionnels et fonctionnels de cardiopathies, citons les troponines I et T libérées dans la circulation lors de nécrose des cardiomyocytes, les hormones du système rénine-angiotensine-aldostérone, les endothélines, ainsi que les peptides natriurétiques cardiaques circulants.

Les peptides natriurétiques cardiaques incluent l’atrial natriuretic peptide (ANP), sécrété principalement par les cardiomyocytes atriaux, et le brain natriuretic peptide (BNP), produit majoritairement par les cardiomyocytes ventriculaires en réponse à un étirement myocardique. Comme leur nom l’indique, ces deux peptides sont natriurétiques. Ils sont aussi vasodilatateurs (artériels et veineux) et modulateurs du remodelage cardiovasculaire. S’y ajoute un effet inhibiteur du système rénine-angiotensine-aldostérone, du système sympathique et de la vasopressine.

Le BNP est synthétisé sous la forme de précurseurs. Le prépro-BNP est clivé en pro-BNP, lui-même scindé en deux au moment de sa libération dans le torrent circulatoire : le NT-proBNP inactif (fragment N terminal) et le BNP actif (fragment C-terminal). La demi-vie très courte du BNP (90 secondes chez le chien) rend son dosage difficile en pratique. Ainsi, seul le NT-proBNP, plus stable, est actuellement disponible en routine pour les carnivores domestiques.

La valeur du NT-proBNP est proportionnelle à la sévérité de la maladie mitrale

De nombreuses études, chez l’homme et plus récemment chez le chien, révèlent l’intérêt du dosage plasmatique du NT-proBNP dans le diagnostic différentiel des dyspnées (cardiogéniques versus non cardiogéniques). Ainsi, M.A. Oyama et coll. ont démontré que chez des chiens atteints de symptômes respiratoires (n = 115), la concentration plasmatique de NT-proBNP est significativement supérieure chez les animaux insuffisants cardiaques par comparaison avec ceux atteints de maladie respiratoire primitive (sensibilité et spécificité de 85,5 % et 81,3 % pour une valeur seuil de 1 158 pmol/l).

En outre, concernant la maladie valvulaire dégénérative mitrale, plusieurs études, réalisées par l’unité de cardiologie d’Alfort, démontrent que la concentration plasmatique de NT-proBNP est significativement corrélée à différents indices écho-Doppler qui témoignent de la gravité de la valvulopathie : le rapport atrium gauche/aorte (reflet de la dilatation atriale gauche), la Freg (indice de quantification du reflux mitral) et la pression artérielle pulmonaire. Cette corrélation est retrouvée aussi bien chez les chiens atteints de maladie mitrale asymptomatique (stade 1 de l’ISACHC) que chez ceux insuffisants cardiaques congestifs (stades 2 et 3).

Une exploration de la fonction rénale doit compléter le dosage du NT-proBNP

Comme l’insuffisance rénale s’accompagne parfois d’une élévation de la concentration plasmatique en NT-proBNP, un dosage plasmatique des paramètres rénaux (urée, créatinine) est recommandé lors de valeurs de NT-proBNP élevées (supérieures à 1 800 pmol/l), voire équivoques (900 à 1 800 pmol/l).

Le cas clinique présenté ici illustre bien l’intérêt du dosage plasmatique du NT-proBNP comme aide au diagnostic différentiel d’une toux chronique, parfois délicat lorsqu’un souffle cardiaque est associé aux symptômes respiratoires. La concentration plasmatique de NT-proBNP a permis de confirmer l’origine respiratoire de la toux. Cette valeur servira également de référence pour le suivi de l’animal. Il sera en effet conseillé au vétérinaire référent de réitérer ce dosage en cas de récidive des symptômes, s’il y a de nouveau une ambiguïté entre la toux cardiogénique et celle d’origine respiratoire stricto sensu.

Ainsi, l’utilisation du dosage plasmatique de NT-proBNP apparaît comme un moyen d’affiner le diagnostic étiologique de troubles respiratoires, toujours en complément d’examens complémentaires comme la radiographie thoracique, l’examen échocardiographique et l’analyse biochimique.

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