La rupture du tendon est la troisième affection de l’épaule - La Semaine Vétérinaire n° 1456 du 24/06/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1456 du 24/06/2011

Orthopédie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Aurélie Levieuge

Dans ce cas clinique(1), elle est traitée par ténotomie sous arthroscopie et un AINS anti-cox2.

Un malinois de 30 kg, âgé de cinq ans, est présenté en consultation pour une boiterie du membre thoracique droit apparue une semaine auparavant. L’historique médical de l’animal ne comporte pas d’élément particulier. Il s’agit d’un chien militaire, qui vit dans le Var et est hébergé en chenil. L’animal est athlétique, il est amené à travailler sur des terrains variés qui nécessitent une agilité particulière et sollicitent fortement ses appuis. Il est entraîné au moins deux heures quotidiennement. Le maître ne rapporte aucun traumatisme en liaison avec l’apparition des symptômes. L’animal est correctement vacciné et vermifugé. Il est nourri avec un aliment sec industriel.

Le chien est gêné dans son travail. Le maître décrit une démarche asymétrique et un refus de sauter. L’examen statique révèle que le chien soulage le membre de son poids, et le tient en avant lorsqu’il est debout. L’analyse visuelle de la démarche montre une boiterie sévère à modérée, le chien saute occasionnellement un appui. La boiterie est observée au pas. Au trot, l’animal présente une suppression d’appui.

L’évaluation des réactions posturales ne montre pas d’anomalie. Sur le membre thoracique droit, la manipulation des doigts, du carpe et du coude n’est pas douloureuse. En revanche, une douleur aiguë est mise en évidence lors de la flexion de l’épaule droite associée à la palpation de la coulisse bicipitale. Les tests de flexion et d’abduction des deux membres antérieurs montrent que les épaules sont stables et l’amplitude normale. La manipulation et la palpation des autres articulations des membres et du squelette axial ne révèlent rien d’anormal. La douleur domine le tableau clinique et est vraisemblablement responsable des baisses de performance du chien.

Le diagnostic s’oriente vers une tendinopathie associée à de l’arthrose

Le diagnostic différentiel comprend une ostéochondrite de l’humérus, une arthrose de l’épaule, une tendinite du biceps, une instabilité médiale de l’épaule et un traumatisme cartilagineux. La numération-formule et les examens biochimiques sont normaux.

La radiographie de l’épaule droite révèle une densification de la région glénoïdale (voir photo 1, flèche bleue), une densification de la gouttière bicipitale (flèche rose) et de l’arthrose dans la région de la tête humérale caudale (flèche jaune). L’échographie de l’épaule confirme l’interprétation des images radiologiques, et montre une irrégularité de la surface de la tête humérale (voir photo 2, flèche blanche) en région intertuberculaire. Le tendon du biceps affiche des zones d’hypoéchogénicité et d’hyperéchogénicité compatibles respectivement avec de l’œdème et du tissu fibreux.

Le diagnostic s’oriente vers une tendinopathie du biceps associée à de l’arthrose de l’épaule. Une exploration par arthroscopie est indiquée.

Le traitement comporte un volet chirurgical, médical et hygiénique

Du firocoxib est administré deux heures avant l’examen afin de prendre en charge la douleur chirurgicale. L’arthroscopie (abord caudo-latéral) confirme le diagnostic. Les tendons supraépineux, subscapulaire, la cavité glénoïdale ainsi que les ligaments glénohuméraux médial et latéral sont normaux. La gaine du tendon du biceps est déchirée et le tendon présente une rupture partielle (voir photo 3a, en page 34). Une synovite filamenteuse hétérogène est visualisée (voir photo 3b). Le traitement chirurgical consiste en une ténotomie complète du tendon proximal (voir photos 3c et 3d).

Le but du traitement médical est de contrôler les symptômes postchirurgicaux et de permettre la cicatrisation des tendons, des muscles et des ligaments scapulaires. Il vise également à prendre en charge la douleur aiguë liée à l’arthroscopie. Le traitement est prolongé en phase postopératoire immédiate (firocoxib per os, Previcox® 227 mg, un comprimé par jour pendant trente jours).

Le traitement hygiénique comporte trois phases qui correspondent à la physiologie de la cicatrisation.

• Phase 1 (J0 à J14) : elle consiste en un repos complet associé au contrôle de la douleur. Tout exercice est proscrit. Seules deux promenades quotidiennes en laisse pendant dix minutes sont autorisées. Cette phase vise à favoriser la cicatrisation tissulaire, ainsi que les mouvements passifs, et à retarder l’atrophie musculaire de non-utilisation.

• Phase 2 (J15 à J30) : elle comprend la reprise des mouvements actifs de l’épaule et l’étirement des muscles rotateurs de la coiffe et stabilisateurs de l’épaule. La reprise est obligatoirement contrôlée et progressive afin de prévenir les rechutes. Le chien n’est autorisé qu’à marcher et à trotter. Des massages sont conseillés.

• Phase 3 (J30 à la fin du traitement) : elle inclut des étirements musculaires, des exercices d’endurance tels que le jogging et l’initiation à des exercices fonctionnels qui ciblent le biceps.

Le propriétaire peut ensuite augmenter les entraînements et le travail.

Durant toute la convalescence, le poids de l’animal doit être contrôlé pour éviter l’aggravation de l’arthrose.

Après un mois de traitement, le chien montre une amélioration de sa locomotion

L’évaluation de l’efficacité du traitement et de la guérison nécessite un suivi qui inclut une analyse de la démarche, de la douleur à la palpation et du défaut d’amplitude. L’évaluation clinique est réalisée deux fois par mois après l’arthroscopie (voir tableau).

Quatre semaines après la chirurgie, la boiterie est passée du score 3 à 1. La douleur diminue progressivement pour atteindre le score 0 après six semaines. L’efficacité du traitement et sa bonne tolérance conduisent à le prolonger durant un second mois. Aucun effet secondaire n’est rapporté. Les analyses d’urine (densité, bandelette), réalisées toutes les deux semaines, sont normales. Les valeurs des paramètres biochimiques rénaux entrent dans les intervalles de référence, en conformité avec l’examen clinique. Cela confirme que le traitement est bien toléré. Le propriétaire évalue aussi l’animal (voir diagramme). Il est informé des éventuels effets secondaires du traitement afin de pouvoir les signaler. Après un mois de traitement, le maître estime que les capacités locomotrices de son chien sont déjà nettement améliorées. A J45, les paramètres “se lever après une période de repos” et “marcher” ont atteint le score maximal.

Une affection qui touche surtout les grands chiens, d’âge moyen et sportifs

Ce cas correspond aux données épidémiologiques. Les tendinopathies du biceps affectent majoritairement les chiens de race de grande taille et d’âge moyen dont le niveau d’activité est élevé. La rupture partielle est l’affection la plus commune du tendon du biceps et la troisième affection de l’épaule.

Les signes décrits dans ce cas, notamment la douleur à la palpation de la coulisse bicipitale, sont classiquement rapportés. Cependant, aucune atrophie musculaire, fréquemment décrite par certains auteurs, n’a été notée. Cela s’explique certainement par la prise en charge précoce de ce chien de travail.

Les examens préférentiels sont la radiographie et l’échographie, car elles sont non invasives. La première permet de visualiser les lésions des os et la seconde de détailler la surface osseuse, ainsi que les tissus mous. L’arthroscopie, de son côté, permet à la fois d’établir le diagnostic de certitude et de mettre en œuvre le traitement chirurgical. Une synovite est présente dans 70 % des cas. La chirurgie doit être associée à l’administration au long cours d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), ainsi qu’à un traitement hygiénique.

La principale étape du traitement est l’exploration arthroscopique et la ténotomie

L’arthroscopie améliore les signes cliniques sans compromettre la stabilité de l’épaule. Moins traumatisante et moins douloureuse, elle est à préférer à l’arthrotomie. La ténotomie doit être suivie d’une période de stricte convalescence. La guérison est généralement obtenue en quatre à huit semaines. Elle est d’autant plus rapide que la prise en charge de la douleur est adaptée. Les complications sont plutôt rares.

L’utilisation chronique d’AINS dans le traitement de la douleur et de l’inflammation peut s’accompagner d’effets indésirables tels que des ulcérations gastriques ou duodénales, ou encore des signes d’insuffisance rénale. L’emploi d’un AINS inhibant sélectivement la cox2 semble sûr et efficace lorsque les indications et la posologie sont respectées. Néanmoins, leur utilisation doit être raisonnée et il est primordial de surveiller la fonction rénale et d’évaluer l’effectivité de l’analgésie avec des outils adaptés.

Le traitement hygiénique devrait toujours être associé aux volets chirurgical et médical. Il convient de protéger l’articulation immédiatement après l’arthroscopie en autorisant exclusivement la marche en laisse pendant les quinze premiers jours, puis le trot en laisse au cours des quinze jours suivants, et en interdisant la course et les sauts. En revanche, l’immobilisation complète de l’épaule est à éviter, car à terme, elle favorise la perte de certains mouvements et favorise les adhérences focales capsulaires qui semblent n’être que lentement réversibles. La mobilisation progressive apparaît comme la plus efficace. L’intensité des exercices doit être contrôlée pour éviter les rechutes, la non-utilisation du membre et afin de restaurer des mouvements normaux. Le suivi du poids, voire sa perte, contribue à l’efficacité du traitement.

Particularité du chien de travail

Les animaux de travail, comme les chiens militaires, nécessitent une approche spéciale, car ils sont très sollicités sur le plan locomoteur. La prise en charge de troubles orthopédiques chez le chien de travail constitue ainsi un véritable challenge. En effet, toute sensation de douleur détourne son attention et le rend inapte au travail. Or le maître et le chien forment une équipe cynotechnique : l’un ne peut travailler sans l’autre. L’utilisation de grilles d’évaluation permet à la fois de bien objectiver la régression de la douleur et de la boiterie, ainsi qu’une compréhension mutuelle entre le vétérinaire et le propriétaire.

A. L.
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