La desloréline peut induire des chaleurs chez la chienne - La Semaine Vétérinaire n° 1456 du 24/06/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1456 du 24/06/2011

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Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Emmanuel Fontaine*, Alain Fontbonne**

Fonctions :
*Centre d’études en reproduction des carnivores (Cerca), école d’Alfort
**Centre d’études en reproduction des carnivores (Cerca), école d’Alfort

Une étude menée au Cerca d’Alfort montre l’efficacité de ce protocole quelques jours après la pose de l’implant. Il constitue une alternative aux antiprolactiniques.

L’induction des chaleurs chez la chienne est un thème vieux comme le monde, qui a fait l’objet de nombreuses publications au cours des trente dernières années. Les premiers protocoles utilisés dans cette indication visaient à recréer l’effet des gonadotrophines hypophysaires follicle stimulating hormone (FSH) et luteinizing hormone (LH). Ces éléments majeurs du fonctionnement ovarien permettent d’initier le développement des follicules et d’induire leur ovulation. Néanmoins, et contrairement à ce qui était observé chez les autres mammifères domestiques, les combinaisons à base d’equine chorionic gonadotropine (molécule à l’action similaire à celle de la FSH) et d’human chorionic gonadotropine (à l’action plus proche de la LH) ont conduit à des résultats décevants aussi bien en termes d’induction des chaleurs qu’en ce qui concerne la fertilité. D’autres alternatives plus efficaces ont cependant vu le jour durant les années 90 via l’utilisation de la cabergoline et la bromocryptine. L’administration quotidienne de ces antiprolactiniques, grâce, visiblement, à leur action dopaminergique, a permis d’obtenir une entrée en chaleurs chez près de 70 % des chiennes traitées dans le mois suivant le début du traitement. Elles se sont généralement accompagnées de bons résultats de fertilité, avec des taux rapportés proches de 80 %. Ces molécules ont ainsi longtemps constitué l’alternative de choix pour l’induction des chaleurs chez la chienne.

Les agonistes de la GnRH : une alternative depuis l’avènement des implants

Pourtant, pendant les années 80, des perspectives intéressantes sont entrevues via une autre classe de molécules : les agonistes de la gonadotrophin releasing hormone (GnRH). La GnRH est un décapeptide qui joue un rôle clé dans la fonction de reproduction. Produite par l’hypothalamus, sa sécrétion pulsatile agit tel un pace-maker sur l’hypophyse et stimule la synthèse des gonadotrophines FSH/LH. De cette façon, ses agonistes agissent sur le fonctionnement ovarien et induisent des chaleurs fertiles chez la chienne. Néanmoins, leur utilisation s’est heurtée à un problème pratique : ces molécules se présentaient sous forme d’injectables à faible durée de vie, nécessitant des administrations répétées – souvent par voie intraveineuse – et prolongées pour obtenir l’effet escompté. Autant d’éléments qui les ont cantonnées au domaine expérimental, et ne leur ont pas permis de s’imposer dans un contexte clinique.

L’avènement d’une nouvelle forme galénique, au début des années 2000, a cependant changé la donne. En effet, des implants sous-cutanés, qui permettent une délivrance prolongée d’agonistes de la GnRH, ont été développés. Ceux-ci sont disponibles depuis 2008 sur le marché vétérinaire français (Suprelorin®4,7 mg, Virbac) et contiennent de la desloréline. L’implant délivre quotidiennement une dose d’environ 25 µg du produit sur une durée d’environ six mois pour les formes actuellement disponibles.Ces spécificités techniques facilitent l’administration régulière des agonistes et ont donné un tout nouvel attrait à une alternative jusqu’alors considérée comme compliquée.

Cet implant agit en deux phases chez la femelle(1). Dans un premier temps, la desloréline, de par son effet agoniste, entraîne une stimulation de l’hypophyse, donc une augmentation de la sécrétion des gonadotrophines FSH et LH : c’est le mécanisme à l’origine de l’entrée en chaleurs. Cela ne fonctionne que si la chienne est en anœstrus, stade du cycle où aucune imprégnation hormonale (celle liée à la progestérone, en l’occurrence) ne peut bloquer le fonctionnement ovarien. La délivrance prolongée de la molécule va cependant conduire, dans un second temps, à une désensibilisation hypophysaire, donc à un arrêt de la sécrétion de ces mêmes gonadotrophines. Ce phénomène, dans le cadre de l’obtention de chaleurs fertiles, peut se révéler problématique. Chez la chienne, la LH est en effet nécessaire, à partir de 35 jours de gestation, au maintien des corps jaunes. L’arrêt de sa sécrétion provoque une insuffisance lutéale, qui se traduit par une chute de la progestéronémie sanguine. Et sans progestérone, la gestation ne peut être maintenue. Conséquence clinique : des résorptions embryonnaires, voire des avortements, peuvent être observés si rien n’est fait pour endiguer le phénomène. Cependant, il est possible de l’éviter.

L’implant est posé de manière discontinue pour éviter l’effet désensibilisant

Les premières études qui ont utilisé ce procédé pour induire des chaleurs ont produit des résultats plutôt encourageants. M. Kutzler et coll.(2) rapportent ainsi des chaleurs induites chez toutes les chiennes traitées et une ovulation qui survient entre 11 et 15 jours après la pose de l’implant. Dans cette étude, 5 animaux sur 8 sont ensuite gestants. De la même façon, D.Volkmann et coll.(3) ont obtenu 9 gestations sur 13 cas traités. Dans ces deux études, l’implant est posé dans le vestibule du vagin et, pour éviter que l’effet désensibilisant cité plus haut ne s’installe, celui-ci est retiré quelques jours après l’entrée en chaleurs. Néanmoins, toutes ces études ne comptent en leur sein que des beagles, chiens d’expérimentation par excellence. Or l’espèce canine a la particularité de compter un grand nombre de races aux caractéristiques morphologiques et anatomiques éloignées. Aussi est-il logique de s’interroger afin de déterminer si ce qui fonctionne chez un beagle de 10 kg peut être extrapolé au chihuahua de 1,5 kg ou au mastiff de 100 kg. Nous avons essayé de répondre à cette question au travers d’une étude interne. Ses résultats ont été communiqués lors du dernier congrès de la Société européenne de reproduction des petits animaux (Evssar) qui s’est tenu à Louvain-la-Neuve (Belgique) en mai 2010.

Une étude est menée avec une pose d’implant en région postombilicale

Entre décembre 2008 et novembre 2009, 32 chiennes de 17 races différentes, présentées pour induction des chaleurs, sont ainsi recrutées. Au préalable, il est établi qu’elles sont en anœstrus (sur la base des commémoratifs, d’un frottis vaginal et d’un dosage de progestérone) et qu’elles ne souffrent d’aucune atteinte du tractus génital (vérifié par échographie). 8 chiennes sont en début-milieu d’anœstrus (les dernières chaleurs datent de moins de 5 mois) alors que 24 sont en fin d’anœstrus (les dernières chaleurs remontent à plus de 5 mois).

A l’image des études précédemment citées, la muqueuse vestibulaire est utilisée comme site d’implantation lors d’essais préliminaires. Cependant, et vu l’administration et le retrait apparemment compliqués, les animaux reçoivent l’implant en zone postombilicale. Ce site se révèle, en pratique, beaucoup plus confortable d’utilisation. Dès l’entrée en chaleurs, un suivi qui repose sur la réalisation de dosages quantitatifs de progestérone et des échographies ovariennes, est initié pour définir le moment de l’ovulation et le protocole adéquat de mise à la reproduction. Pour éviter l’effet désensibilisant, l’implant est retiré le jour de l’ovulation et, si celle-ci ne survient pas, au plus tard trois semaines après l’initiation du traitement. Chez les chiennes gestantes, un suivi de phase lutéale, consistant en une évaluation de la progestéronémie sanguine et une échographie de l’appareil génital, est également réalisé jusqu’à la mise bas pour évaluer le risque d’insuffisance lutéale.

Des résultats intéressants en termes de fertilité

Avec cette approche, la totalité des chiennes sont entrées en chaleurs, en moyenne 4 jours après la pose de l’implant. L’ovulation est obtenue dans 60 % des cas implantés en début-milieu d’anœstrus, alors qu’en anœstrus tardif, près de 90 % d’entre eux ont ovulé. Fait remarquable, les chiennes ont ovulé quasiment toutes environ 12 jours après la pose de l’implant, et celle-ci survient au plus tôt 8 jours après le début du traitement. Chez les animaux implantés en début-milieu d’anœstrus, des résultats médiocres en termes de fertilité sont obtenus, avec seulement 2 chiennes gestantes, dont une seule a conduit cette gestation à terme. Ces mauvais résultats s’expliquent sans doute par le fait que chez la chienne, suite aux 2 mois d’imprégnation de progestérone durant le metœstrus, l’involution utérine est particulièrement lente comparée aux autres mammifères et s’accompagne d’une desquamation complète de l’endomètre. Ce dernier nécessite au moins 3 mois après la fin du metœstrus pour se régénérer et pouvoir à nouveau maintenir une gestation. Si des exceptions existent, il semble cependant préférable de ne pas implanter les animaux trop tôt pendant cette période. En effet, en fin d’anœstrus, près de 80 % de gestations sont obtenues, avec des portées moyennes de près de 7 chiots. Dans 3 cas uniquement, une insuffisance lutéale a été suspectée. Une supplémentation en progestérone est instaurée pour 2 individus et ils ont alors conduit leur gestation à terme. Dans le dernier, le propriétaire a refusé la supplémentation et la chienne a avorté à 58 jours de gestation. Il semble donc important de réaliser au moins un, voire deux, taux de progestérone au cours de la gestation, pour bien cerner le risque éventuel, même si celui-ci ne semble pas anormalement élevé.

Proposer le traitement en fin d’anœstrus pour plus d’efficacité

Les résultats obtenus au cours de cette étude sont concluants. La fertilité est tout à fait comparable à celle obtenue avec les procédés jusqu’alors utilisés, quel que soit l’animal traité. Néanmoins, comme cela est décrit chez d’autres espèces, certains individus répondent mal au traitement et, même si elles entrent en chaleurs, ces chiennes peuvent ne pas ovuler. Aujourd’hui, il n’existe aucune façon de les discriminer au préalable, si ce n’est de proposer le traitement en fin d’anœstrus, où les meilleurs résultats sont obtenus. Si un animal n’a pas ovulé après 14 jours à la suite de la pose de l’implant, les chances qu’il soit gestant s’en trouvent fortement affectées. Le produit présente cependant une grande sécurité d’emploi et, à la suite du retrait de l’implant, les chaleurs s’arrêtent rapidement. D’ailleurs, sur ces chiennes, la fertilité aux chaleurs suivantes n’est pas affectée. L’utilisation “hors AMM” des implants d’agonistes de la GnRH se révèle donc une alternative séduisante pour l’induction des chaleurs. Des données complémentaires sont actuellement à l’étude pour améliorer le rendement de ce protocole, mais déjà, les résultats de fertilité obtenus en font un bon candidat lorsque l’induction des chaleurs doit être envisagée.

  • (1) Voir « La stérilisation n’est pas forcément chirurgicale », par les mêmes auteurs, dans La Semaine Vétérinaire n° 1418 du 24/9/2010 en pages 42-43.

  • (2) M. Kutzler, R. Wheeler, S. Lamb et coll. : « Deslorelin implant administration beneath the vulvar mucosa for the induction of synchronous estrus in bitches », 3rd Evssar European Congress, 2002, Liege, Belgium, p. 96.

  • (3) D. Volkmann, M. Kutzler, R. Wheeler et coll. : « The use of deslorelin implants for the synchronization of estrous bitches », Theriogenology, 2006, n° 66, pp. 1497-1501.

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