Le sondage n’est pas toujours le premier geste à réaliser - La Semaine Vétérinaire n° 1455 du 17/06/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1455 du 17/06/2011

Obstruction urétrale chez le chat

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Valérie Delteil

Détection et traitement des complications éventuelles (biochimie et ionogramme) doivent parfois précéder la vidange vésicale.

L’obstruction urétrale chez le chat (ou syndrome obstructif des voies urinaires basses(1)) peut être liée à des calculs, des cristaux agglomérés ou rester idiopathique (urétrite). Le diagnostic différentiel doit permettre d’exclure une affection occlusive (lésion tumorale compressive ou abouts fracturaires du bassin) ou une lésion neurologique. Dans tous les cas, la vidange spontanée de la vessie est impossible et il s’agit d’une urgence médicale. En effet, cela entraîne une insuffisance rénale postrénale responsable d’azotémie, d’acidose et d’hyperkaliémie qui peut se révéler fatale par toxicité cardiaque en l’absence de traitement. Il convient donc d’abord d’évaluer et de commencer à corriger les complications rénales et électrolytiques, puis de vider le plus rapidement possible le globe vésical, et de prendre en charge la douleur parallèlement. Ensuite, il est nécessaire de rétablir la perméabilité urétrale.

L’anesthésie est à éviter dans la prise en charge d’urgence

Il convient dans un premier temps de confirmer le globe vésical, par palpation chez un chat sans surpoids, par radiographie ou par échographie en présence d’un chat obèse. Ensuite, un bilan des complications éventuelles est effectué via un examen biochimique et si possible un ionogramme. Le praticien met alors en place une voie veineuse et commence une fluidothérapie avec une solution de NaCl à 0,9 % (qui corrige l’hyperkaliémie, mais est acidifiante) en première intention.

La réalisation d’un électrocardiogramme permet d’évaluer les retentissements cardiaques d’une possible hyperkaliémie. La vessie est ensuite vidée et de l’urine est prélevée pour une analyse ultérieure (sur culot, avec un examen bactériologique si nécessaire). Si l’animal ne peut être manipulé, mieux vaut favoriser une neuroleptanalgésie par les morphiniques, avant d’envisager une anesthésie générale courte par l’isoflurane, le propofol ou l’alfaxolone. Il convient d’utiliser avec extrême précaution les autres agents anesthésiques (voir encadré).

Un cathéter vésical suspubien est mis en place si le sondage se révèle difficile

Pour vidanger la vessie, le sondage urétral par voie rétrograde peut être tenté. S’il se révèle trop compliqué ou trop long, il vaut mieux pratiquer une cystocentèse ou installer un cathéter vésical suspubien, afin de dériver la vessie (voir cliché). Cette technique consiste, à l’aide d’un trocart, à insérer à travers la paroi abdominale (au-dessus du bord cranial du pubis) une sonde directement dans la vessie où elle va s’y stabiliser, le plus souvent par enroulement sur elle-même. Elle peut être laissée en place plusieurs jours après avoir été fixée à la peau.

Lorsque les risques de complications vitales sont maîtrisés, le sondage urétral rétrograde (avec ou sans rétropulsion sous pression) peut être entrepris. Il nécessite le respect d’une asepsie maximale. Le vétérinaire doit le réaliser sans jamais passer en force, car les risques de déchirures et de traumatismes de l’urètre sont réels. Si l’urètre pénien est lésé (sondage brutal, traumatisme extérieur, malformation, tumeur, etc.), si les tentatives de sondage échouent ou si les épisodes d’obstruction récidivent fréquemment malgré le traitement médical, une urétrostomie périnéale est alors indiquée. Cet acte chirurgical est assez courant chez le chat (voir photos 1 à 7). Il consiste à amputer l’essentiel de l’urètre pénien, puis à aboucher de façon permanente l’urètre pelvien en zone périnéale, dont le diamètre est presque constant depuis le col vésical. Il est environ deux fois plus large que celui de l’urètre pénien.

L’urétrostomie périnéale est envisagée lors de syndromes obstructifs récidivants

L’urétrostomie est contre-indiquée ou est différée en cas de traumatisme de l’urètre pelvien, de lésion cutanée importante de la zone périnéale ou de nécessité de réanimation liquidienne si la vidange vésicale peut être pratiquée transitoirement par une autre technique (une cystocentèse ou un cathéter suspubien).

L’intervention se déroule sous anesthésie générale. Le chat est placé en décubitus ventral au bord de la table perpendiculairement au petit côté, les membres postérieurs laissés généralement libres et pendants. La mise en place d’un coussin contre le bord de ladite table est impérative, afin de limiter les risques de compression des massifs musculaires antérieurs de la cuisse. La zone périnéale et la base de la queue sont tondues et préparées chirurgicalement. Une suture en bourse de l’anus est réalisée pour prévenir les risques de contamination fécale du site opératoire et la queue est maintenue relevée. Le chat est castré s’il est entier.

Les fils utilisés sont préférentiellement des monofilaments résorbables 4/0 ou 5/0, montés sur une aiguille ronde. L’anastomose cutanéo-muqueuse doit être effectuée au-delà des glandes bulbo-urétrales, afin de garantir l’ouverture du segment pelvien de l’urètre. A ce stade, une sonde de gros diamètre (par exemple, une sonde de chien ou de chienne) peut normalement être introduite dans l’urètre. L’animal porte ensuite obligatoirement un carcan. L’antibiothérapie n’est pas nécessaire en l’absence d’infection vésicale avérée, mais de la vaseline devra être appliquée deux fois par jour sur la jonction cutanéo-muqueuse. Il est déconseillé de retirer les croûtes qui se forment à la limite de la plaie pendant la première semaine. Elles participent à l’étanchéité de la plaie et une épithélialisation sous-cutanée se met en place.

Les propriétaires doivent être prévenus des complications de l’urétrostomie

Le diamètre de l’urètre pelvien étant environ deux fois plus gros que celui de l’urètre pénien, il n’existe normalement plus de point de rétrécissement après l’intervention, donc généralement plus d’obstruction.

Néanmoins, les urétrostomies entraînent 25 % de complications à court et à long termes. Il s’agit majoritairement de déhiscence ou d’inflammation urineuse de la plaie dans les deux premières semaines. Des infections et des sténoses peuvent survenir. Ces phénomènes sont généralement sans gravité, mais nécessitent parfois une reprise chirurgicale. Le propriétaire doit être prévenu de ces complications fréquentes, mais sans minimiser le fait que cette opération permet ensuite une nette augmentation de la qualité de vie des chats qui présentent des syndromes obstructifs récidivants.

  • (1) Nouvelle dénomination du syndrome urologique félin.

  • Source : Antoine Hidalgo.

CONFÉRENCIERS

Antoine Hidalgo, praticien à la clinique Oncovet à Villeneuve d’Ascq (Nord)

Cyrill Poncet, spécialiste en chirurgie, diplômé ECVS et praticien au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne)

Article rédigé d’après la conférence « Obstructions urétrales et urétrostomie chez le chat », organisée par l’Afvac Ile-de-France, en juin 2010.

Considérations anesthésiques lors de la prise en charge d’animaux en globe vésical

1. Eviter l’anesthésie dans la prise en charge d’urgence.

2. Tout faire pour ne pas pratiquer une anesthésie sans avoir auparavant un aperçu, même indirect, des répercussions cardiaques de l’hyperkaliémie.

3. Si aucun soin n’est possible sur un animal vigile qui présente des signes d’insuffisance rénale postrénale sévère :

– éviter les molécules arythmogènes (kétamine, thiopental ou 2-agoniste), éviter les anticholinergiques pour traiter la bradycardie, car ils sont arythmogènes ;

– éviter les molécules vasodilatatrices (acépromazine) avant un remplissage vasculaire adéquat ;

– éviter la kétamine chez le chat (excrétion rénale sous forme active, risque de surdosage) ;

– utiliser en première intention les morphiniques agonistes/antagonistes (butorphanol, buprénorphine) qui procurent une analgésie et une sédation modérée ;

– si l’anesthésie est indispensable, utiliser de préférence l’isoflurane (peu arythmogène, modérément vasodilatateur). Sinon, il est conseillé d’utiliser le propofol ou l’alfaxolone à effet.

V. D.
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